Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La commune de Marthod a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner solidairement l'Office national des forêts (ONF) et la société Martoïa TP au versement de la somme de 156 000 euros TTC en indemnisation des désordres affectant la route forestière de la Combe Ceros.
Par jugement n° 1804693 du 28 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de la commune de Marthod et condamné la société Martoïa TP à garantir l'ONF du quart des condamnations mises à sa charge.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 26 février et 8 mars 2021, l'ONF, représenté par la Selarl d'avocats Duflot et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1804693 du 28 décembre 2020 du tribunal administratif de Grenoble et de rejeter la demande de la commune de Marthod ;
2°) subsidiairement, et d'une part, de limiter le montant de sa condamnation solidaire à 75 000 euros, d'autre part, réformant l'article 3 du jugement attaqué, de porter la garantie mise à la charge de la société Martoïa TP à l'intégralité de sa propre condamnation ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Marthod une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les travaux de réfection des talus entrant dans la condamnation prononcée par le tribunal aboutissent à une amélioration de l'ouvrage et doivent, pour ce motif, être déduits à hauteur de 50 % de l'indemnisation de la commune de Marthod ;
- la société Martoïa TP, qui n'a pas informé la commune des risques d'une absence d'étude de sols et a engagé les travaux sans faire de réserve, doit assumer une garantie intégrale du préjudice indemnisable.
Par mémoire enregistré le 23 novembre 2021, la société Martoïa TP, représentée par la Selarl Heinrich Avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1804693 du 28 décembre 2020 du tribunal administratif de Grenoble et de rejeter les demandes de la commune de Marthod formées à son encontre ;
2°) subsidiairement, et d'une part, de limiter le montant de sa condamnation solidaire à 41 000 euros, d'autre part, réformant le jugement attaqué en ce qu'il n'a pas fait droit à son appel en garantie, de condamner l'ONF à la garantir de 75 % de sa propre condamnation ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Marthod et de l'ONF une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- elle n'a pas manqué à son devoir de conseil ;
- sa condamnation solidaire ne saurait s'étendre aux postes de dépenses de maîtrise d'œuvre, soit 14 000 euros HT, étrangers à sa mission de louage d'ouvrage et doit être dégrevée de la somme de 75 000 euros correspondant à 50% du coût des travaux en raison de l'amélioration que cette dépense représente pour l'ouvrage.
Par mémoire enregistré le 23 novembre 2021, la commune de Marthod, représentée par Me Laurent, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire de la société Martoïa TP et de l'ONF une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par courrier du 19 juillet 2022, les parties ont été informées sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité de l'appel en garantie de la société Martoïa TP à l'encontre de l'ONF, nouveau en appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Psilakis, première conseillère ;
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;
- les observations de Cusin-Rollet pour l'ONF, de Me Rochas pour la société Martoïa TP, et de Me Laurent pour la commune de Marthod ;
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Marthod a, par marché du 29 juillet 2010, confié à l'ONF la maîtrise d'œuvre du reprofilage, du soutènement et du radier d'une section de la route forestière de la Combe Ceros. Les travaux ont été confiés à la société Martoïa TP par marché du 2 avril 2013. La réception des travaux sans réserve a été prononcée le 8 octobre 2013. Durant l'hiver 2013-2014, cette route a été obstruée par des glissements de terrain. S'appuyant sur les conclusions de l'expertise judiciaire déposée le 28 novembre 2015. La commune de Marthod a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner solidairement, sur le fondement de la garantie décennale, l'ONF et la société Martoïa TP au versement d'une somme de 156 000 euros en indemnisation de ces désordres. Par un jugement n° 1804693 du 28 décembre 2020, le tribunal a fait droit à sa demande, condamné la société Martoïa TP à garantir l'ONF du quart des condamnations mises à sa charge et n'a pas fait droit à l'appel en garantie dirigé par l'entreprise de travaux contre le maître d'œuvre. L'ONF ainsi que la société Martoïa TP relèvent appel de ce jugement.
Sur la responsabilité au titre de la garantie décennale :
2. Il résulte de l'instruction que la route forestière de la Combe Ceros a été rendue impraticable à la circulation d'engins forestiers, en amont et en aval de la section rénovée, par des éboulements obstruant respectivement plus de la moitié et la quasi-totalité de la voie, alors que des fissures longitudinales apparaissent en limite de piste et annoncent de futurs décrochages de terres.
3. En premier lieu, il résulte des principes qui régissent la garantie décennale que tout locateur d'ouvrage est tenu de répondre de l'intégralité des désordres qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, dès lors qu'ils trouvent même partiellement leur origine dans la mission qui était confiée à ce dernier par le contrat de louage dont il était titulaire. Dès lors que les appelants ne contestent pas, chacun pour son compte, l'imputabilité partielle des désordres aux missions qui leur avaient été contractuellement confiées, ils ne peuvent utilement invoquer l'absence de faute dans la réalisation des missions ayant concouru à l'apparition des désordres.
4. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Marthod ait été formellement mise en garde contre les risques liés à l'absence de diagnostic sur l'état des talus. Il suit de là que l'ONF et la société Martoïa TP ne sont pas fondés à se prévaloir d'une faute du maître d'ouvrage consistant à ne pas s'être préoccupé du confortement amont et aval de la piste afin de s'exonérer totalement ou partiellement de leur responsabilité.
Sur le montant des travaux indemnisés :
5. Il résulte de l'instruction que le montant de remise en état de la route forestière de la Combe Ceros, évalué par l'expert à 130 000 euros HT (156 000 euros TTC), comprend à hauteur de 127 000 euros HT (152 400 euros TTC) des travaux de consolidation des sols, dépenses qu'auraient dû engager la commune, si ayant eu connaissance de l'instabilité des sols, elle avait commandé un ouvrage conforme aux règles de l'art. Il s'ensuit que ces dépenses, qui conduisent à améliorer l'ouvrage ne présentent pas le caractère d'un préjudice et n'ont pas à être supportées par les locateurs. Toutefois, l'ONF et la société Martoïa TP limitant leurs conclusions à une réfaction à hauteur de 75 000 euros HT de l'indemnité demandée et obtenue par la commune devant les premiers juges, ils sont ainsi uniquement fondés à demander une telle réfaction dans cette limite. Il en résulte que le préjudice indemnisable dû par l'ONF et la société Martoïa TP doit être ramené à la somme de 55 000 euros HT, soit 66 000 euros TTC.
Sur les appels en garantie :
6. D'une part, la circonstance que la société Martoïa TP serait en entreprise locale intervenant usuellement en zone de montagne n'a aucune incidence sur les règles de son art, alors qu'elle était tenue d'exécuter les travaux qui lui étaient confiés dans le respect des consignes du maître d'œuvre. Il suit de là que l'ONF n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal a limité à 75% la part de condamnation que cette entreprise doit être tenue de garantir et que les conclusions de la requête tendant à une garantie totale doivent être rejetées.
7. D'autre part, la société Martoïa TP, qui se borne à faire valoir qu'elle a réalisé les travaux qui lui étaient commandés dans les règles de l'art, n'assortit ses conclusions d'appel en garantie de l'ONF d'aucune démonstration d'un manquement de ce dernier aux règles de son art. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal n'a pas fait droit à ses conclusions d'appel en garantie.
Sur les frais d'instance :
8. D'une part, il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce faire droit aux conclusions présentées par l'ONF et la société Martoïa TP sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D'autre part, les conclusions présentées par la commune de Marthod, partie perdante, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 156 000 euros TTC que l'Office national des forêts et la société Martoïa TP ont été condamnés solidairement à verser à la commune de Marthod par le jugement n° 1804693 du 28 décembre 2020 du tribunal administratif de Grenoble est ramenée à la somme de 66 000 euros TTC.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 décembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national des forêts, à la société Martoïa TP et à la commune de Marthod.
Copie sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbaretaz, président,
Mme Agathe Duguit Larcher, première conseillère,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.
La rapporteure,
Christine PsilakisLe président,
Philippe Arbaretaz
Le greffier,
Julien Billot
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
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N° 21LY00618