Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 21 novembre 2018 par laquelle le maire de ... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, ensemble la décision du 22 mars 2019 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1903596 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de ... a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 septembre 2020 et un mémoire enregistré le 13 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Di Nicola (SELARL DNL Avocats), avocate, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de ... du 16 juillet 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 21 novembre 2018 par laquelle le maire de ... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, ensemble la décision de rejet implicitement née sur son recours gracieux en date du 17 janvier 2019 et la décision du 22 mars 2019 rejetant son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre à la commune de ... de reconnaître sa pathologie comme étant imputable au service ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de ... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision refusant de reconnaître sa pathologie comme étant imputable au service a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, la commission de réforme, préalablement consultée, s'étant prononcée au vu de rapports médicaux irrégulièrement établis et d'un faux témoignage ;
- elle procède d'une erreur d'appréciation, sa pathologie étant directement en lien avec ses conditions de travail.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 décembre 2020, la commune de ..., représentée par Me Verne (SELARL Itinéraires avocats Cadoz-Lacroix-Rey-Verne), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 18 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- les observations de Me Di Nicola, avocate, représentant M. B..., et de Me Cwiklinski, avocate, représentant la commune de ... ;
Une note en délibéré a été produite le 27 septembre 2022 pour la commune de ... et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ingénieur en chef responsable ... de la commune de ..., a été placé en congé de longue durée, en raison d'un état dépressif, à compter du 13 janvier 2014. Il a alors sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. Sa demande a été rejetée par une décision du maire de ... du 5 juin 2015, laquelle a été annulée par un jugement du tribunal administratif de ... du 30 mai 2018, relevant l'irrégularité de la composition de la commission de réforme préalablement consultée. Sur injonction du tribunal, le maire de ... a procédé à un nouvel examen de cette demande, qu'il a, à nouveau, rejetée par décision du 21 novembre 2018, confirmée par une décision du 22 mars 2019 rejetant le recours gracieux de l'intéressé. Le tribunal administratif de ... a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces dernières décisions par un jugement du 16 juillet 2020, dont M. B... relève appel. S'il sollicite en outre l'annulation d'une décision implicite de rejet qui serait initialement née sur son recours gracieux, il doit être regardé comme se bornant ainsi à demander l'annulation de celle du 22 mars 2019, qui s'y est, en tout état de cause, substituée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme prévue par l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 susvisé : 1. Donne son avis, dans les conditions fixées par le titre II du présent arrêté, sur la mise à la retraite pour invalidité des agents affiliés à la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales (...) ". L'article 16 de ce même arrêté prévoit que : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". En vertu des dispositions de l'article 3 du même arrêté, la commission de réforme comprend : " 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes (...) ".
3. D'une part, si, par un jugement du 30 mai 2018, le tribunal administratif de ... a annulé la décision du 5 juin 2015 par laquelle le maire de ... avait initialement rejeté la demande de M. B..., en retenant une composition irrégulière de la commission de réforme préalablement consultée, ce vice de procédure n'est pas de nature à entacher d'irrégularité les expertises médicales préalablement réalisées, alors même qu'elles l'auraient été à la demande de cette commission.
4. D'autre part, s'il est constant que l'autorité administrative a communiqué aux médecins agréés, chargés de réaliser des expertises médicales relatives à l'origine de la pathologie de M. B..., un rapport daté du 7 juillet 2014 présentant le contexte professionnel et sa position quant à la demande de celui-ci, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie, dès lors que l'intéressé, qui a également été entendu par ces médecins, n'établit pas ne pas avoir pu obtenir communication de ce rapport avant la réunion de la commission de réforme, comme prévu par le courrier du 21 octobre 2014, qui, contrairement à ce qu'il prétend, ne lui oppose pas un refus à sa demande de communication, ni ne prétend n'avoir pu présenter ses observations sur ce rapport auprès de cette commission.
5. Enfin, si des attestations contradictoires ont été rédigées quant aux propos qui auraient été tenus par M. B... lors d'une réunion organisée le 1er octobre 2014, celui-ci n'établit pas pour autant le caractère mensonger de celle en date du 2 janvier 2015 produite par l'autorité administrative auprès de la commission de réforme.
6. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de réforme doivent être écartés.
7. En second lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...). / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
8. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
9. Il résulte des certificats médicaux versés au dossier que M. B..., qui n'avait pas connu d'antécédents psychiatriques jusqu'alors, a commencé à souffrir de difficultés psychiques à compter d'une réorganisation des services engagée par la commune de ... au cours du deuxième semestre 2012, dans un contexte marqué par le remplacement de ses deux supérieurs hiérarchiques, avec lesquels ses relations se sont alors rapidement dégradées. Il a ainsi subi une crise d'anxiété le 24 décembre 2013, suivie depuis d'une pathologie dépressive.
10. Si l'exercice de ses fonctions a ainsi pu être à l'origine de sa pathologie, il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier du rapport présenté au comité technique paritaire du 5 juillet 2013, que cette réorganisation, qui avait essentiellement pour but de déconcentrer la gestion des ressources humaines afin de recentrer l'échelon central sur des fonctions de pilotage et d'animation, ne visait pas exclusivement le service de prévention et d'ergonomie, dont M. B... était à l'origine et responsable depuis de nombreuses années. Si elle a eu d'importantes répercussions à son égard, en impliquant plus particulièrement le transfert de certains de ses agents et de ses missions relatives à la prévention des risques professionnels, ce service en a également reçu de nouvelles, s'inscrivant dans la logique de pilotage désormais dévolue aux services centraux, à travers une mission d'animation du futur réseau des conseillers et assistants de prévention, la mise en place d'un observatoire " santé-travail-absentéisme ", présentée comme une des priorités de la politique " Ressources Humaines " de la commune, et une mission d'accompagnement de cette réorganisation par l'adaptation de l'aménagement des espaces de travail. Ainsi, si le service qu'il dirigeait, de même que le poste qu'il occupait, ont évolué, M. B... ne peut en revanche soutenir que ceux-ci auraient, par-là même, perdu toute consistance, le privant de toute responsabilité managériale inhérente à son grade. Il résulte à l'inverse des certificats médicaux, en particulier de celui daté 18 juin 2014, dont il se prévaut, essentiellement établis à partir de propos qu'il a lui-même tenus, qu'il a rapidement exprimé une ferme opposition à cette réorganisation, perçue comme " une attaque ". Cette opposition s'est traduite par un comportement d'inaction, voire d'obstruction de sa part, ainsi qu'il résulte des reproches nombreux, précis et objectifs, formulés lors de son évaluation pour 2013, et repris dans le rapport du 7 juillet 2014, et sur lesquels M. B... n'apporte, dans la présente instance, aucune justification précise propre à les démentir. A cette occasion, ont également été critiquées ses pratiques managériales, dénoncées par plusieurs membres de son service et pour lesquelles une amélioration était déjà attendue, d'après ses trois précédentes évaluations. Dès lors, les pièces qu'il produit, en particulier celles relatives à une mésentente quant à la proposition d'inscrire un agent de son service à une formation de cadre, les témoignages d'une élue présidant le CHSCT portant notamment sur la rédaction d'un procès-verbal d'une séance de ce comité ou le témoignage d'un membre de son service, ne permettent d'établir, compte tenu de leur caractère isolé et ponctuel, la réalité ni d'une stratégie de contournement, ni de propos vexatoires et humiliants, dont il prétend avoir été victime de la part de ses nouveaux supérieurs, outrepassant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. En outre, et eu égard aux critiques alors formulées à l'encontre de son comportement et de ses pratiques professionnelles, il n'établit pas davantage le caractère injustifié de la décision de ne pas le proposer à un avancement en 2014. Dans ces conditions, et nonobstant les conclusions divergentes auxquelles les différentes expertises médicales ont abouti en l'espèce, l'attitude de M. B... a été la cause déterminante de la dégradation de son contexte professionnel et, par suite, de son état de santé, et a été de nature à détacher sa pathologie du service.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de ... a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
12. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de ..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement d'une somme de 800 euros à la commune de ..., en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à la commune de ... une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de ....
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022, où siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2022.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet du Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY02677