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10/11/2022 | FRANCE | N°20LY03797

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 10 novembre 2022, 20LY03797


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCCV l'Olan a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 22 mars au 31 décembre 2013, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1803423 du 26 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 décembre 2020, 24 février et 29 juillet

2022, la SCCV L'Olan, représentée par Me Chareyre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCCV l'Olan a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 22 mars au 31 décembre 2013, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1803423 du 26 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 décembre 2020, 24 février et 29 juillet 2022, la SCCV L'Olan, représentée par Me Chareyre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et intérêts de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de mise en recouvrement est irrégulier en raison du caractère illisible de la date de signature, ce qui ne permet pas de démontrer que la mise en recouvrement a été effectuée après l'achèvement du contrôle ;

- cet avis ne lui a pas été régulièrement notifié à la dernière adresse connue de l'administration ;

- le prix des appartements objet de la dation en paiement, qui a permis de régler une partie du prix d'acquisition du terrain d'assiette du projet immobilier qu'elle portait, n'a pas été minoré par rapport à leur valeur vénale dans les proportions retenues par l'administration, dès lors qu'il ne prend pas en compte la valeur du terrain afférent à chacun d'entre eux et qu'il doit être majoré de frais commerciaux, publicitaires et financiers à hauteur 15 %, et non 11 % comme retenu par l'administration ;

- elle n'a pas commis d'acte anormal de gestion, comme l'a indiqué la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans son avis du 12 avril 2019 rendu en matière de bénéfices industriels et commerciaux, ce qui confirme l'absence de fraude ou de volonté d'évasion fiscale au sens de l'article 27 de la 6ème directive TVA, de telle sorte que l'administration n'était pas fondée à substituer la valeur vénale au prix convenu entre les parties ;

- l'absence de fraude est également confirmée par l'abandon, au stade du recours hiérarchique, de la pénalité pour manquement délibérée qui lui avait initialement été appliquée ;

- la taxe sur la valeur ajoutée en litige n'est pas exigible en 2013, mais en 2014, date de livraison de l'immeuble.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 juillet 2021 et 18 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 25 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Chareyre, représentant la SCCV L'Olan ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCCV l'Olan, qui exerce une activité de construction-vente, a acquis le 29 avril 2013 un tènement immobilier situé aux Deux-Alpes (Isère) auprès de M. B... A..., Mme C... A... et Mme D... en vue d'y édifier un immeuble de douze logements, pour un prix de 750 000 euros, payé comptant à hauteur de 170 000 euros et, pour le solde, soit 580 000 euros, au moyen de dations en paiement portant sur trois appartements du futur immeuble, à livrer aux intéressés au plus tard en février 2014, consenties au prix de respectivement 193 333 euros, 237 043 euros et 228 019 euros, soit un prix moyen au m² de 2 849 euros. À la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a considéré que la SCCV l'Olan avait cédé les appartements en cause à un prix minoré par rapport à leur valeur vénale de 5 966 euros le m2, déterminée par référence au prix moyen de cession des autres appartements du même immeuble. Au cours de la procédure d'imposition, la valeur vénale des appartements cédés a été ramenée à 5 250 euros le m2. En conséquence de ces rectifications de l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée, la société a été assujettie à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 84 074 euros, assorti des seuls intérêts de retard. La SCCV L'Olan relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition.

Sur le bien-fondé du rappel de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I. - Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (...) ". Aux termes de l'article 266 du même code : " 2. En ce qui concerne les opérations mentionnées au I de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise : (...) / b. Pour les mutations à titre onéreux ou les apports en société sur : / - Le prix de la cession, le montant de l'indemnité ou la valeur des droits sociaux rémunérant l'apport, augmenté des charges qui s'y ajoutent ; / - La valeur vénale réelle des biens, établie dans les conditions prévues à l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, si cette valeur vénale est supérieure au prix, au montant de l'indemnité ou à la valeur des droits sociaux, augmenté des charges. / (...) ". Aux termes de l'article L. 17 du code de procédure fiscale : " En ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits ou taxe, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations. La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L. 55, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations. "

3. En application de ces dispositions, l'administration est en droit de substituer, pour la détermination de l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée, la valeur vénale réelle du bien cédé au prix de cession stipulé dans l'acte lorsque, à la date de la vente, cette valeur vénale est supérieure au prix de cession augmenté des charges. Conformément toutefois à l'article 80 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, aux termes duquel " Afin de prévenir la fraude ou l'évasion fiscale, les Etats membres peuvent prendre des mesures pour que, pour les livraisons de biens (...) à des bénéficiaires avec lesquels il existe des liens familiaux ou d'autres liens personnels étroits, des liens organisationnels, de propriété, d'affiliation, financiers ou juridiques tels que définis par l'Etat membre, la base normale de l'opération soit constituée par la valeur normale de l'opération (...) ", il ne peut être recouru à ce mécanisme de substitution que dans le cas de livraisons d'immeubles et dans le but de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale. Dès lors que l'administration relève, d'une part, que les prix de locaux faisant l'objet de mutations ont été minorés et, d'autre part, que le vendeur et l'acheteur sont étroitement liés, elle peut, en application de l'article 80 de la directive 2006/112 CE et du b du 2 de l'article 266 du code général des impôts, substituer la valeur vénale des immeubles aux prix déclarés pour l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée à condition de rapporter la preuve que l'insuffisance du prix de vente des locaux résulte d'une volonté d'évasion fiscale au sens et pour l'application de l'article 80 de la directive 2006/112/CE, l'importance de l'insuffisance de prix n'étant pas, à elle seule, de nature à établir une telle volonté. Celle-ci, toutefois, se présume du seul fait de l'insuffisance significative du prix, lorsque les parties sont en relation d'intérêt, sauf preuve contraire apportée par le contribuable.

4. Pour établir l'existence d'une minoration du prix de cession des trois appartements aux consorts A... par rapport à leur valeur vénale, l'administration s'est référée au prix de vente moyen au m2 de six autres appartements de superficie comparable du même programme immobilier, réalisées entre le 5 juin 2013 et le 28 avril 2014, qui s'établit à 5 966 euros, avant de ramener ce prix moyen au m² à 5 250 euros.

5. La SCCV L'Olan, qui ne critique plus en appel la pertinence de ces termes de comparaison, fait valoir que le prix des appartements figurant dans les actes de vente ne prend pas en compte le prix du terrain d'assiette afférant à chacun d'entre eux. Il ressort toutefois des termes mêmes des contrats de vente en l'état futur d'achèvement produits au dossier que les prix des logements comprennent, outre les trois lots acquis par chacun des cédants du tènement, à savoir un appartement, un garage et un casier à skis, la quote-part correspondant à chacun de ces lots dans la propriété indivise du sol et des parties communes. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le prix d'une partie du terrain devrait être rajoutée au prix de cession de chacun des logements en litige.

6. L'administration ayant accepté de prendre en compte, à partir des données issues de la comptabilité de la SCCV L'Olan, les frais commerciaux, publicitaires et financiers à hauteur de 11 % du prix de vente, la société requérante, qui ne produit aucun justificatif à l'appui de sa demande, n'est pas fondée à soutenir qu'un taux de 20 % aurait dû être retenu.

7. Il résulte de ce qui précède que l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de ce que le prix de vente en l'état futur d'achèvement des trois appartements en litige a été minoré par rapport à leur valeur vénale.

8. La SCCV L'Olan fait toutefois valoir, sans être contredite, qu'elle n'a, avec les acquéreurs des appartements, aucun lien capitalistique direct ou indirect, ni aucune relation commerciale, et que ses associés n'ont pas davantage de liens familiaux ou personnels avec les intéressés. Contrairement à ce que soutient le ministre, la seule circonstance que la SCCV L'Olan et les consorts A... soient parties à l'opération de dation en paiement ne suffit pas à caractériser, entre eux, une relation d'intérêt de nature à faire présumer une volonté d'évasion fiscale dans le cadre de cette opération, au sens de l'article 80 de la directive 2006/112/CE précitée. Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément de nature à démontrer une telle volonté de la part de la SCCV L'Olan, à l'encontre de laquelle l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré a, au demeurant, été abandonnée, l'administration ne pouvait, sans méconnaître la directive 2006/112/CE, procéder, pour redresser l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée due à raison de cette opération, substituer la valeur vénale des immeubles au prix de vente stipulé dans les actes.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SCCV L'Olan est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1803423 du tribunal administratif de Grenoble du 26 novembre 2020 est annulé.

Article 2 : La SCCV L'Olan est déchargée des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 22 mars au 31 décembre 2013 et des intérêts de retard.

Article 3 : L'Etat versera à la SCCV L'Olan une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCCV L'Olan et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2022.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY03797


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03797
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-04 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Éléments du prix de vente taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : CHAREYRE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-10;20ly03797 ?
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