Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... et M. de Saint-Etienne ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la délibération du 28 janvier 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes de l'Aillantais a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal, en tant qu'il en résulte le classement en zone Ap inconstructible de parcelles dont ils sont propriétaires à Valravillon (Yonne), et de mettre à la charge de la communauté de communes de l'Aillantais les dépens ainsi que le versement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2001610 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 juin 2021, Mme B... et M. de Saint-Etienne, représentés par Me Ferraris, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la délibération du 28 janvier 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes de l'Aillantais a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal, en tant qu'il en résulte le classement en zone Ap inconstructible de parcelles dont ils sont propriétaires à Valravillon ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de l'Aillantais les dépens ainsi que la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le conseil communautaire était incompétent pour instaurer des zones agricoles " protégées " au sens de l'article L. 112-2 du code rural et de la pêche maritime ;
- le classement de leurs parcelles en zone agricole, en méconnaissance des objectifs du plan, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2021, la communauté de communes de l'Aillantais, représentée par la Selas Acta Publica, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 28 janvier 2020, le conseil communautaire de la communauté de communes de l'Aillantais a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal, lequel a classé en zone agricole Ap tout ou partie des parcelles appartenant respectivement à Mme B... et M. D..., situées au lieu-dit " Les Concises Saint-Martin " à Valravillon (anciennement Guerchy, Yonne).
Sur la légalité de la délibération :
2. En premier lieu, aux termes, d'une part, de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ". Aux termes de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ".
3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 112-2 du code rural et de la pêche maritime : " Des zones agricoles dont la préservation présente un intérêt général en raison soit de la qualité de leur production, soit de leur situation géographique, soit de leur qualité agronomique peuvent faire l'objet d'un classement en tant que zones agricoles protégées. Celles-ci sont délimitées par arrêté préfectoral pris sur proposition ou après accord du conseil municipal des communes intéressées ou, le cas échéant, et après avis du conseil municipal des communes intéressées, sur proposition de l'organe délibérant de l'établissement public compétent en matière de plan local d'urbanisme ou de schéma de cohérence territoriale, après avis de la chambre d'agriculture, de l'Institut national de l'origine et de la qualité dans les zones d'appellation d'origine contrôlée et de la commission départementale d'orientation de l'agriculture et après enquête publique réalisée dans les conditions prévues au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement. (...). / Tout changement d'affectation ou de mode d'occupation du sol qui altère durablement le potentiel agronomique, biologique ou économique d'une zone agricole protégée doit être soumis à l'avis de la chambre d'agriculture et de la commission départementale d'orientation de l'agriculture. En cas d'avis défavorable de l'une d'entre elles, le changement ne peut être autorisé que sur décision motivée du préfet. / Le changement de mode d'occupation n'est pas soumis aux dispositions de l'alinéa précédent lorsqu'il relève d'une autorisation au titre du code de l'urbanisme et lorsque le terrain est situé à l'intérieur d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ".
4. Les dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime ne font pas obstacle à la faculté dont disposent les auteurs d'un plan local d'urbanisme de définir, au sein des zones agricoles délimitées par ce plan, des secteurs faisant l'objet, pour des motifs urbanistiques, d'une protection renforcée, alors même qu'ils ne rempliraient pas les conditions d'une zone agricole protégée au sens et pour l'application du code rural et de la pêche maritime. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'en instituant des zones agricoles affectées d'un indice " p " et dénommées " zones agricoles protégées ", le conseil communautaire de la communauté de communes de l'Aillantais, malgré l'emploi de la même formulation que celle figurant au code rural, a seulement entendu faire application des dispositions précitées de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme prévoyant également la protection des zones agricoles, naturelles et forestières. Le moyen tiré de l'incompétence de l'organe délibérant pour instituer les secteurs " Ap " en litige, au motif que cette compétence appartiendrait exclusivement à l'autorité préfectorale, doit, par suite, être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.
6. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer, en conséquence, le zonage et les possibilités de construction. L'appréciation à laquelle se livrent les auteurs du plan ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait fondée sur des faits matériellement inexacts ou si elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Pour apprécier la légalité du classement d'une parcelle en zone A, le juge n'a pas à vérifier que la parcelle en cause présente, par elle-même, le caractère d'une terre agricole et peut se fonder sur la vocation du secteur auquel cette parcelle peut être rattachée, en tenant compte du parti urbanistique retenu ainsi que, le cas échéant, de la nature et de l'ampleur des aménagements ou constructions qu'elle supporte. Ce classement doit cependant être justifié par la préservation du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles de la collectivité concernée.
7. Il ressort du rapport de présentation que le diagnostic du territoire établi à l'occasion de l'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal a notamment relevé, au titre des fragilités de l'activité agricole, la consommation d'espace pour l'urbanisation se faisant au détriment des terres agricoles, et identifié, au titre des enjeux, la préservation du potentiel des terres agricoles et l'identification de limites claires entre les projets agricoles pouvant accueillir des bâtiments et des secteurs inconstructibles. Les développements de ce même diagnostic relatifs à la " trame verte et bleue " concluent également à la préservation d'espaces de transition entre les zones de culture et les villages. Le projet d'aménagement et de développement durables comporte ainsi notamment l'orientation d'aménagement A3, tendant à la préservation des espaces tampons d'intérêt écologique ou paysager, tels que bois, prairies ou vergers, qualifiés d'essentiels pour leur rôle écologique et de transition entre l'habitat et les cultures, ainsi qu'une orientation d'aménagement F1 tendant à préserver des espaces agricoles en cohérence avec un projet de développement urbain modéré dans sa consommation de terres agricoles.
8. Il ressort des documents graphiques que les parcelles appartenant à Mme B... et M. D... sur la commune de Guerchy (Valravillon), antérieurement soumise au seul règlement national d'urbanisme, ont été, avec quelques parcelles adjacentes, classées en zone agricole Ap, correspondant aux " zones agricoles protégées qui, du fait de leur sensibilité écologique ou paysagère ou de leur situation à proximité des bourgs, sont inconstructibles ", notamment, selon le rapport de présentation, afin de maintenir les principales fonctions écologiques de corridors fonctionnels nécessaires à la préservation de la biodiversité.
9. Il ressort des pièces du dossier que le groupe de parcelles non bâties constituant la zone Ap litigieuse est situé aux franges d'un secteur urbanisé de la commune de Valravillon, dont l'urbanisation linéaire s'est étendue " en doigts de gant " en particulier le long de la rue Saint-Germain et de la rue Saint-Roch. Si cette zone Ap est ainsi bordée de constructions sur deux côtés et, sur un troisième côté, donnant sur le chemin rural dit des Lateux, de parcelles également classées en zone urbaine, dont certaines supportent une construction, elle est toutefois bordée sur le quatrième côté par une vaste " zone urbaine de jardins " (UJ), correspondant à une zone comprise au sein de la zone urbaine dont la vocation est d'être un espace végétalisé non bâti, faisant l'objet d'une constructibilité limitée. Il ressort de photographies produites en défense, dont les annotations ne sont pas contredites par les requérants, que cette zone UJ largement boisée comprend notamment de grands espaces de vergers. Il ressort en outre des pièces graphiques et photographiques que la plus grande parcelle constituant la zone Ap, qui n'appartient pas aux requérants, supporte des potagers et cultures, ainsi qu'une serre. La zone Ap litigieuse n'est par ailleurs séparée, au nord, d'une autre petite zone UJ et d'une autre zone Ap que par une bande urbanisée le long de la rue Saint-Roch, et de vastes zones agricoles classées Ap puis A s'étendent de l'autre côté du chemin des Lateux, sur lequel elle dispose d'un accès qui n'apparaît pas manifestement inaccessible à tout engin agricole. Le secteur, à caractère majoritairement rural, se situe en outre le long d'un corridor écologique identifié dans le rapport de présentation du plan local d'urbanisme et constitué par un affluent de l'Yonne. Par suite, en dépit de la proximité immédiate sur plusieurs côtés de parcelles urbanisées ou urbanisables, et bien que les parcelles en litige soient actuellement inexploitées et aient été équipées à l'occasion d'un projet antérieur de lotissement, il ressort suffisamment des pièces du dossier, en l'absence de surcroît de droit acquis au maintien de la constructibilité d'une parcelle, que le classement litigieux en zone Ap est justifié par la préservation du potentiel biologique des terres agricoles de la commune. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qui entacherait ce classement doit, par suite, être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la communauté de communes de l'Aillantais qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme B... et M. de Saint-Etienne la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En l'absence de dépens, la demande présentée sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code doit être également rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... et M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à M. A... D... et à la communauté de communes de l'Aillantais.
Copie en sera adressée à la commune de Valravillon.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2022.
La rapporteure,
M. Le FrapperLe président,
F. Bourrachot
La greffière,
A.-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01953
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