Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société par actions simplifiées (SAS) La Compagnie des Animaux a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes correspondant aux exercices clos respectivement en 2014, 2015 et 2016.
Par un jugement n° 1900870 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 janvier 2021 et le 8 décembre 2021, la SAS La Compagnie des Animaux, représentée par Me Devis, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 novembre 2020 ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle se livrait à des activités économiques visant à la réalisation d'opérations taxées et l'administration n'établit pas qu'elle exerçait une activité de services à caractère non économique au sens de la directive de 2006 et qu'il existerait un lien entre les dépenses dont la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée était contestée et ladite activité.
Par un mémoire enregistré le 28 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- c'est le régime de la preuve objective qui s'applique en l'espèce ;
- les dépenses litigieuses se rattachent à des prestations rendues au profit de la SARL Vetassur et aucun élément susceptible d'établir que les dépenses pour lesquelles la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée a été refusée faisaient partie des frais généraux de la société n'a été apporté.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- l'ordonnance du 12 janvier 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) aff. C-28/16, MVM Magyar Villamos Muzek Zrt ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- les observations de Me Devis, représentant la SAS La Compagnie des Animaux ;
Considérant ce qui suit :
1. La SAS La Compagnie des Animaux qui exerce une activité de holding ainsi qu'une activité de traitement de données et qui détient 100 % du capital de la SARL Vetassur, société de courtage en produits d'assurance pour animaux, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle, par une proposition de rectification du 18 décembre 2017, l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016. Elle relève appel du jugement du 24 novembre 2020, par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités dont ils été assortis.
2. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération " et aux termes du II de cet article : " II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / (...) ".
3. Il résulte, par ailleurs, de l'article 168 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée que, si la simple acquisition et la simple détention de parts sociales ne doivent pas être regardées comme des activités économiques, au sens de la directive, conférant à leur auteur la qualité d'assujetti, il en va différemment lorsque la participation est accompagnée d'une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés dans lesquelles des participations sont détenues, par la mise en œuvre de transactions soumises à la taxe, telles que la fourniture de services administratifs, financiers, commerciaux et techniques à ces sociétés. Dans ce cas, la taxe sur la valeur ajoutée est déductible, d'une part, lorsque les opérations effectuées en amont présentent un lien direct et immédiat avec des opérations en aval ouvrant droit à déduction, d'autre part, même en l'absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts en cause font partie des frais généraux de l'assujetti et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu'il fournit.
4. Toutefois, au point 48 de l'ordonnance du 12 janvier 2017 CJUE aff. C-28/16, MVM Magyar Villamos Muzek Zrt, la Cour, interprétant les articles 2, 9, 26, 167, 168 et 173 de la directive 2006/112 CE du Conseil du 28 novembre 2006, a dit pour droit que : " l'immixtion d'une société holding, telle que celle en cause au principal, dans la gestion de ses filiales, n'étant pas, lorsqu'elle n'a facturé à ses dernières ni le prix des services qu'elle a acquis dans l'intérêt de l'ensemble du groupe de sociétés ou de certaines de ses filiales ni la TVA y afférente, une " activité économique ", au sens de cette directive, une telle société holding ne peut pas bénéficier du droit à déduction de la TVA payée en amont pour ces services acquis, dans la mesure où ceux-ci se rapportent à des opérations ne relevant pas du champ d'application de cette directive ".
5. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.
6. La société requérante a déduit la taxe sur la valeur ajoutée grevant plusieurs factures au motif qu'elles avaient été acquittées pour certaines au profit de la société Vetassur et pour d'autres, en règlement de frais généraux portant sur ce qu'elle estime constituer " des éléments constitutifs du prix des biens ou services qu'elle fournit ". L'administration a remis en cause ces déductions aux motifs que les prestations correspondant aux factures acquittées et qui concernent des prestations de services de gestion, de marketing, de conseil, d'assistance, de développement stratégique et commercial dans le domaine de la santé et de l'assurance pour animaux, ont été réalisées à titre gratuit au bénéfice de la société Vetassur et ne se rattachaient pas au secteur taxable de la société. La requérante soutient que les dépenses litigieuses correspondent effectivement à des prestations rendues au profit de sa filiale, la société Vetassur ainsi qu'à la commercialisation de prestations de services hors assurance qu'elle-même fournit et qu'elle perçoit en contrepartie des coûts ainsi exposés, une rémunération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée fixée en fonction du nombre de contrats d'assurance souscrits. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 18 décembre 2017, que la requérante réalise au bénéfice de sa filiale, la société Vetassur, des prestations de gestion des feuilles de soins et des données médicales, dans le cadre d'une convention conclue le 2 décembre 2008, en ce qui concerne l'exercice clos en 2014, et d'une convention conclue le 5 décembre 2016, en ce qui concerne les exercices clos en 2015 et 2016. Le coût mensuel de ces prestations a été établi à 1,83 euros hors taxe par contrat créé sur l'exercice 2014 et à 2,35 euros hors taxe par contrat créé sur les exercices 2015 et 2016. La requérante a communiqué à l'administration le détail des coûts refacturés par la requérante à sa filiale ayant permis de déterminer la rémunération forfaitaire prévue par les contrats, ces coûts portant sur les salaires, les locations, les services informatiques et les frais de gestion. Alors qu'il n'apparaît pas dans les éléments ainsi communiqués à l'administration lors des opérations de vérification, que le coût de ces prestations intègrerait également, ainsi qu'elle le prétend, les dépenses litigieuses, la requérante n'apporte aucun élément permettant de contredire le constat ainsi établi par l'administration. Elle n'apporte pas plus d'élément ou de précision sur la nature des autres activités qu'elle prétend exercer, alors qu'il résulte de l'instruction que l'essentiel de l'activité facturée à sa filiale, la société Vetassur, porte sur les prestations de gestion et saisie de feuilles de soins des contrats conclus par cette filiale et la gestion de produits annexes.
7. Il résulte de ce qui précède que la SAS La Compagnie des Animaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes correspondant aux exercices clos respectivement en 2014, 2015 et 2016. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS La Compagnie des Animaux est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS La Compagnie des Animaux et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2022.
La rapporteure,
P. DècheLe président,
F. Bourrachot
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY00167
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