Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1709151 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 mars 2019 et 2 janvier 2020, M. et Mme B..., représentés par Me Devis, ont demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de leur accorder la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutenaient que :
- la proposition de rectification du 29 septembre 2016 était insuffisamment motivée au regard des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales faute de mentionner l'année d'imposition concernée ;
- le prix d'acquisition du terrain à bâtir cédé le 18 avril 2014 au prix de 540 000 euros à prendre en compte pour le calcul de la plus-value réalisée, n'était pas le prix mentionné dans la promesse synallagmatique de vente du 13 septembre 2011, dès lors que celle-ci était devenue caduque en raison de l'acte de vente du 12 janvier 2012 et en l'absence de réalisation de la condition suspensive d'obtention d'un prêt ; le prix d'acquisition de 435 000 euros stipulé dans l'acte du 18 avril 2014 correspondait à des estimations réalisées par des agences immobilières et des propositions d'achat formulées les 23 novembre, 26 novembre et 11 décembre 2012 par de futurs acquéreurs et était confirmé par un rapport d'expertise du 26 juillet 2018 ;
- l'administration n'établissait pas le caractère délibéré du manquement.
Par deux mémoires, enregistrés les 28 novembre 2019 et 13 avril 2021 (non communiqué), le ministre de l'action et des comptes publics a conclu au rejet de la requête.
Il soutenait que les moyens soulevés n'étaient pas fondés.
Par un arrêt n° 19LY01157 du 27 mai 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 janvier 2019, déchargé M. et Mme B..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 et mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais liés au litige exposés par M. et Mme B....
Par une décision n° 454954 du 14 avril 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, a annulé cet arrêt de la cour et renvoyé l'affaire devant elle.
Procédure devant la Cour après renvoi
Les parties ont été informées, le 25 avril 2022, de la reprise de l'instance après cassation et de la possibilité qui leur était offerte de produire, dans le délai d'un mois, de nouveaux mémoires ou observations.
Par ordonnance du 7 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 7 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... B..., qui ont cédé à la société Forez Aménagement une parcelle de terrain à bâtir d'une superficie de 8 525 m2 située à La Fouillouse (Loire) au prix de 540 000 euros par un acte notarié du 18 avril 2014, ont déclaré une plus-value immobilière nette de 72 375 euros. L'administration, estimant que la plus-value taxable s'élevait à 392 725 euros, a assujetti M. et Mme B... à un supplément d'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 2014. Par un jugement du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. et Mme B... tendant à la décharge de ces impositions. Par un arrêt du 27 mai 2021, la cour a annulé ce jugement et prononcé la décharge sollicitée par les intéressés. Par une décision du 14 avril 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour pour qu'elle y statue de nouveau.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
3. La proposition de rectification du 29 septembre 2016, qui indique remettre en cause le montant de la plus-value née de la cession, intervenue par acte du 18 avril 2014, d'un terrain à bâtir, précise que cet acte a été enregistré à la conservation des hypothèques le 18 juin suivant, date à laquelle le contribuable a également communiqué à l'administration fiscale la déclaration de plus-values 2048-IMM afférente. Elle cite le fondement légal de la rectification, à savoir les dispositions de l'article 150 U, I du code général des impôts selon lesquelles " (...), les plus-values réalisées par les personnes physiques (...), lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. " et indique que la plus-value est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition de l'immeuble. Elle mentionne enfin, outre la base imposable retenue et l'imposition concernée, que les intérêts de retard courent le premier jour du mois suivant la date légale d'enregistrement, le 1er juin 2014. Dans ces conditions, et alors même qu'elle ne mentionne pas l'année d'imposition, dont il ressort sans ambiguïté qu'il s'agit de l'année 2014, la proposition de rectification adressée à M. et Mme B... est suffisamment motivée au regard des dispositions citées au point 2.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
4. Aux termes du I de l'article 150 U du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques (...), lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. ". Selon l'article 150 V du même code : " La plus ou moins-value brute réalisée lors de la cession de biens ou droits mentionnés aux articles 150 U à 150 UC est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par le cédant. ". Aux termes du I de l'article 150 VB de ce code : " Le prix d'acquisition est le prix effectivement acquitté par le cédant, tel qu'il est stipulé dans l'acte (...) / Lorsqu'une dissimulation du prix est établie, le prix porté dans l'acte doit être majoré du montant de cette dissimulation. (...) / A défaut, selon le cas, de prix stipulé dans l'acte ou de valeur retenue pour la détermination des droits de mutation à titre gratuit, le prix d'acquisition s'entend de la valeur vénale réelle à la date d'entrée dans le patrimoine du cédant d'après une déclaration détaillée et estimative des parties. (...) ". Aux termes enfin de l'article 74 SD de l'annexe II au même code : " Lorsque la cession porte sur une partie seulement d'un bien, le prix d'acquisition à retenir pour la détermination de la plus-value imposable est celui de cette seule partie. ".
5. Le prix d'acquisition de la parcelle de terrain, cadastrée section AH n° 27, cédée par M. et Mme B... à la société Forez Aménagements, mentionné dans l'acte notarié du 18 avril 2014, et sur la base duquel les intéressés ont déterminé la plus-value réalisée à l'occasion de cette cession, est de 435 000 euros, soit 51 euros du m2. Il résulte toutefois de l'instruction que M. et Mme B... ont acquis ce terrain en 2012 des consorts A..., dans le cadre d'une cession qui portait à la fois sur ce terrain et sur un tènement cadastré section AI n° 101 à 104, constitué d'une maison de maître de trois étages construite en 1870 et de ses dépendances, dont une maison de gardien, implantées sur un terrain de plus de 2,6 hectares, au prix global de 635 000 euros. Si l'acte de vente du 12 janvier 2012 ne précise pas les prix respectifs de la parcelle en litige et de l'ensemble bâti, il résulte de l'instruction que, dans la promesse synallagmatique de vente du 13 septembre 2011, sur la base de laquelle le notaire en charge de la vente a effectué les démarches afférentes au droit de préemption urbain, la parcelle cadastrée section AH n° 27 s'est vu attribuer un prix de 137 000 euros et l'ensemble bâti un prix de 498 000 euros. Ces prix, convenus par les parties, ont été repris dans la déclaration d'intention d'aliéner adressée le 26 septembre 2011 par le notaire à la commune de la Fouillouse et annexée à l'acte de vente du 12 janvier 2012. Dans ces conditions, le prix de 137 000 euros retenu par l'administration doit être regardé comme étant le prix d'acquisition stipulé dans l'acte, au sens et pour l'application du I de l'article 150 VB du code général des impôts.
6. Au demeurant, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale, en l'absence de termes de comparaison pour des cessions de terrains classés, comme la parcelle en litige au moment de son acquisition, en zone d'urbanisation future, a procédé à une évaluation de la valeur du tènement bâti acquis concomitamment par M. et Mme B..., à partir du prix moyen au m2 résultant de quatre ventes immobilières de maisons construites à la fin du XIXème ou au début du XXème siècle intervenues en 2011, ressortant à 1 165 euros le m2 de surface utile pondérée. Si la maison de Saint-Nizier-sous-Charlieu, dans le nord de la Loire, n'apparaît pas comparable, en raison de son éloignement géographique, au tènement acquis par M. et Mme B..., les trois autres biens retenus sont situés à La Fouillouse ou sur une commune également située à proximité immédiate de Saint-Etienne. Les requérants n'apportent aucun élément de nature à démontrer que ces biens n'auraient pas la même configuration et seraient en meilleur état général que celui qu'ils ont acquis, alors que l'administration a retranché du prix de vente d'un des termes de comparaison la valeur de la piscine dont il était doté et appliqué, outre un abattement de 25 % sur la surface de la maison de gardien pour tenir compte sa valeur moindre par rapport à l'habitation principale, un abattement global de 20 % lié à l'absence de chauffage central et de raccordement au tout à l'égout de la maison principale. Il en résulte, au regard des trois comparables pertinents, un prix moyen de 1 133 euros le m2 de surface utile pondérée soit, pour le tènement construit acquis par M. et Mme B..., d'une surface utile pondérée de 569 m2, une valeur après abattement de 516 442 euros, proche du prix de 498 000 euros ressortant, après ventilation, de la déclaration d'intention d'aliéner annexée à l'acte de vente du 12 janvier 2012. Ainsi, cette estimation est de nature à corroborer le prix de la parcelle de terrain retenu par l'administration. Enfin, si M. et Mme B... relèvent que le plan d'occupation des sols de la commune de la Fouillouse était en révision au moment de l'acquisition du terrain en litige, alors classé en zone d'urbanisation future et implanté dans une zone desservie par les réseaux, il n'en demeure pas moins qu'il n'est devenu constructible qu'en janvier 2014, lors de l'approbation du plan local d'urbanisme. Dans ces conditions, le prix moyen au m2 de 113 euros, ressortant de six ventes de terrains immédiatement constructibles, intervenues sur la commune de la Fouillouse entre mai 2009 et juin 2012 et recensées sur le site Perval.fr ne permet pas de déterminer la valeur vénale de leur parcelle, même en appliquant à ce prix moyen un abattement de 50 %. Ils ne sauraient davantage se prévaloir des estimations de trois agences immobilières, effectuées fin 2011, qui font état, sans autre précision, d'un prix s'échelonnant entre 300 000 euros et 370 000 euros, au demeurant inférieur à celui qu'ils ont mentionné dans leur déclaration de plus-value, des trois offres d'achats qui leur ont été adressées par des lotisseurs près d'un an après l'acquisition, et qui sont subordonnées soit à la modification du plan local d'urbanisme, soit à la délivrance d'un permis d'aménager ou encore du rapport d'expertise établi a posteriori, en juillet 2018, sur la base de deux ventes de terrain situés dans d'autres communes et des évolutions générales du marché de l'immobilier. Par suite, ils ne sont, en tout état de cause, pas fondés à soutenir que la valeur vénale du terrain en litige s'établissait, au moment de son entrée dans leur patrimoine, non à la somme de 137 000 euros précédemment évoquée, mais à celle de 435 000 euros mentionnée dans leur déclaration de plus-value.
Sur les pénalités :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
9. En faisant valoir que M. et Mme B... ont mentionné, de manière arbitraire, une somme excessive dans leur déclaration de plus-value immobilière, en vue de réduire de façon artificielle et importante la plus-value imposable, alors qu'ils ne pouvaient ignorer, au regard des termes de la promesse de vente du 13 septembre 2011 et de la déclaration d'intention d'aliéner annexée à l'acte d'achat du 12 janvier 2012, la valeur réelle de la parcelle de terrain cédée, l'administration fiscale apporte la preuve, qui lui incombe en application de l'article L. 195 du livre des procédures fiscales, de la volonté délibérée de M. et Mme B... d'éluder l'impôt, et par conséquent, du bien-fondé de la pénalité de 40 % qu'elle leur a appliquée sur le fondement des dispositions précitées.
10. Il résulte de ce qui précède que M. et Patrick Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté numérique et industrielle.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 janvier 2023.
La rapporteure,
A. Courbon
Le président,
D. PruvostLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY01223