Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
- d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2020 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;
- d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Allier de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2100006 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2021, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2100006 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 juin 2021 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de réexaminer sa demande et, dans l'attente, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé, la décision est intervenue en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ainsi que de celles de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ; elle méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le 7° de l'article L. 313-11 du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, elle est intervenue en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ainsi que de celles de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ; elle méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le 7° de l'article L. 313-11 du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée.
Par un mémoire, enregistré le 29 décembre 2022, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- et les observations de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité guinéenne, qui déclare être né le 10 juin 2001 à Matoto Conakry (République de Guinée) et être entré irrégulièrement en France en juin 2017, a été pris en charge par le département de l'Allier puis confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Allier. La préfète de l'Allier a, par un arrêté du 13 novembre 2020, refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de séjour :
2. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui la motivent et, en particulier, le motif tiré de ce, pour l'application des dispositions de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A... ne pouvait justifier de son état civil et de sa nationalité, ce qui faisait obstacle à la délivrance d'un titre de séjour. Dès lors le moyen tiré d'une insuffisante motivation doit être écarté alors même que la décision en litige de la préfète de l'Allier ne comporte aucun examen de la demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. En deuxième lieu, M. A..., qui soutient que la décision méconnaît les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, doit ainsi être regardé comme invoquant, en réalité, les dispositions des articles L. 120-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, et notamment celles des articles L. 121-1 et L. 122-1. Et il ressort des dispositions alors codifiées aux articles L. 512-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative refuse de délivrer un titre de séjour. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de l'arrêté en litige en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour à M. A....
4. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel (...), la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".
5. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Ce n'est que si ces conditions préalables sont remplies que le préfet, sous le contrôle juridictionnel de l'erreur manifeste, doit prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
6. En l'espèce, pour rejeter la demande de titre de séjour de M. A... présentée sur le fondement des dispositions précitées, la préfète de l'Allier a retenu, ainsi qu'il a été dit au point 2, un motif tiré de ce qu'en raison de l'usage de faux documents, l'intéressé ne justifiait pas de son état civil.
7. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance (...) d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
8. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
9. Or, il ressort du rapport d'analyse documentaire du 24 juin 2020 produit par l'administration que, pour émettre un avis défavorable, le service de la police aux frontières a retenu, au cas d'espèce, que, si la copie de l'acte de naissance de M. A... rédigée le 16 avril 2020 par l'ambassade de la République de Guinée en France mentionnait avoir été établie sur la base d'un acte original sur la déclaration faite le 13 juillet 2018 par le père de l'enfant, elle ne comportait aucune mention d'un jugement supplétif, pourtant rendu nécessaire par la législation guinéenne pour toute déclaration de naissance intervenue au-delà d'un délai de quinze jours à compter de la naissance de l'enfant. Si M. A... a produit un jugement supplétif du tribunal de première instance de Conakry III Mafanco du 28 juin 2018, ledit jugement supplétif, qui n'a pas été mentionné dans la copie de l'acte de naissance rédigée par l'ambassade de la République de Guinée en France, comporte la mention d'une demande en date du 27 juin 2018 par le père de M. A... qui ne correspond pas à la mention, portée dans cette copie intégrale, d'une déclaration faite le 13 juillet 2018. Dans ces conditions, la préfète de l'Allier a pu légalement se fonder, pour rejeter la demande de titre de séjour sollicité par ce dernier, sur le motif tiré de ce que par la production d'un acte de naissance irrégulier, il ne justifiait pas de son état civil à la date de cette décision et M. A... ne peut utilement se prévaloir de la délivrance postérieure à cette date d'un passeport ou d'autres actes d'état civil.
10. En quatrième lieu, si M. A... fait état de son insertion scolaire, il n'était présent que depuis un peu plus de trois ans en France à la date de l'arrêté en litige. Il est en outre célibataire, sans charge de famille et ne fait état d'aucun lien familial en France. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour ne porte pas au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, de même que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée cette décision.
11. En dernier lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission [du titre de séjour] est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer (...) une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Il résulte de ce qui a été dit que M. A..., qui ne justifiait pas de son état civil, ne remplissait pas les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 ou du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le préfet n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de lui opposer un refus.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
13. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, doit être écarté pour le motif retenu au point 3 pour l'écarter en tant qu'il était soulevé contre le refus de titre de séjour.
14. En troisième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir, au soutien des conclusions de sa requête dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, qui ne constitue pas un refus de délivrance d'un titre de séjour, d'une méconnaissance des dispositions alors codifiées à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vertu desquelles le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du même code et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité. Pour les mêmes raisons, il ne peut davantage se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-15 du même code, relatives aux conditions de délivrance d'une carte de séjour temporaire à un jeune majeur confié à l'aide sociale à l'enfance durant sa minorité ni de celles du 7° de l'article L. 313-11 de ce code.
15. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de l'Allier, qui a examiné notamment la situation familiale de M. A..., se serait abstenue de procéder à un examen particulier de sa situation personnelle.
16. En cinquième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les motifs exposés au point 10.
Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :
17. Le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la fixation du pays de renvoi doit être écarté par le motif retenu par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
18. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.
Le rapporteur,
Ph. SeilletLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY03829
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