Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 janvier 2018 par lequel le maire d'Albertville a retiré les arrêtés du 20 septembre 2017 l'ayant nommé au poste de directeur de police municipale et créé une indemnité spéciale mensuelle de fonctions, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1803597 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'article 3 de l'arrêté du 10 janvier 2018 par lequel M. B... a été nommé dans le grade de chef de service principal de 1ère classe de police municipale entre le 1er janvier 2015 et le 6 février 2018, période pendant laquelle la commune d'Albertville ne disposait pas, dans ses effectifs, d'un emploi existant pour l'y nommer, a mis à la charge de la commune d'Albertville le versement d'une somme de 1 000 euros à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2020, et un mémoire en réplique, non communiqué, enregistré le 3 février 2022, M. B..., représenté par Me Olivier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 juillet 2020 en ce qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2018 et la décision de rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune d'Albertville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions attaquées sont motivées par la volonté de l'évincer de ses fonctions ; il a subi un ensemble de mesures défavorables ayant pour but de le pousser à quitter son poste ;
- la décision lui retirant le grade de directeur a été prise en considération de la personne et non dans l'intérêt du service, de sorte qu'elle était soumise au respect de la procédure contradictoire préalable en vertu des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision le nommant dans ce grade est créatrice de droits ; cette décision était régulière, indépendamment de l'appréciation de la légalité de la décision de la création du poste de directeur de police municipale, et ne pouvait être retirée ;
- le changement de cadre d'emplois nécessite un changement d'affectation régi par les articles 51 et 52 de la loi du 26 janvier 1984, qui ont été méconnus ;
- l'arrêté du 10 janvier 2018 l'affecte sur un emploi de chef de service principal de police municipale qui n'existe pas, puisque supprimé par la délibération du 20 septembre 2017.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2021, la commune d'Albertville, représentée par Me Ferstenbert, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Par ordonnance du 14 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2006-1392 du 17 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des directeurs de police municipale ;
- le décret n° 2011-444 du 21 avril 2011 portant statut particulier du cadre d'emplois des chefs de service de police municipale ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Olivier pour M. B... ainsi que celles de Me Ferstenbert pour la commune d'Albertville.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... a été nommé, par la voie de la mutation, sur un emploi de chef de service principal de la police municipale d'Albertville, par arrêté du 18 décembre 2014, avec effet au 1er janvier 2015. L'intéressé a saisi la commune d'Albertville d'une demande tendant à ce qu'elle tire les conclusions d'un jugement du tribunal administratif de Toulon du 9 décembre 2016 engageant la responsabilité pour faute de la commune de Saint-Tropez à raison de l'illégalité de l'abrogation, le 28 novembre 2013, des arrêtés des 26 avril et 10 juillet 2013 le nommant au grade de directeur de police municipale. Par une délibération du 18 septembre 2017, le conseil municipal d'Albertville a créé un emploi de directeur de la police municipale à temps complet, assorti d'un régime indemnitaire spécifique. Par un arrêté du 20 septembre 2017, le maire d'Albertville a affecté M. B... sur cet emploi, l'a classé dans le grade correspondant au 7ème échelon et a reconstitué sa carrière à partir du 1er janvier 2015. Par un arrêté du 10 janvier 2018, le maire d'Albertville a cependant, aux articles 1 et 2, retiré ledit arrêté du 20 septembre 2017 et a, à l'article 3, affecté M. B... sur l'emploi de chef de service principal de 1ère classe de police municipale, procédé à son classement au 6ème échelon de son grade compte tenu de son ancienneté acquise et reconstitué rétroactivement sa carrière dans son précédent grade au 1er janvier 2015. M. B... a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande d'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2018 et de la décision de rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1803597 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'article 3 de l'arrêté du 10 janvier 2018 par lequel M. B... a été nommé dans le grade de chef de service principal de 1ère classe de police municipale entre le 1er janvier 2015 et le 6 février 2018, période pendant laquelle la commune d'Albertville ne disposait pas, dans ses effectifs, d'un emploi existant pour l'y nommer, a mis à la charge de la commune d'Albertville le versement d'une somme de 1 000 euros à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties. M. B... relève appel de ce jugement en ce qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté du 10 janvier 2018 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes du sixième alinéa de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1, en tant qu'elles concernent les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :/ (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / (...) ".
3. L'arrêté du 10 janvier 2018 se fonde sur l'illégalité de la nomination de M. B... au grade de directeur de la police municipale en raison de l'insuffisance des effectifs municipaux de police municipale au regard du seuil de 20 agents requis par l'article 2 du décret n° 2006-1392 portant statut particulier du cadre d'emplois des directeurs de police municipale. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision en litige ne constitue pas une mesure prise en considération de la personne. Elle est au nombre de celles qui retirent ou abrogent une décision créatrice de droit et, à ce titre, figure parmi les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. La situation de M. B..., agent public, relève toutefois de l'une des exceptions prévues à l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration, de sorte que la procédure contradictoire préalable mentionnée à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires. ". M. B... ne peut utilement invoquer les dispositions précitées, l'arrêté du 10 janvier 2018 ne constituant ni une mutation, ni un changement d'affectation. La décision attaquée a seulement modifié le cadre d'emplois et le grade dont il relève. Par suite, et à supposer que M. B... ait entendu invoquer un vice de procédure tiré du défaut de consultation de la commission administrative paritaire, le moyen est inopérant et doit être écarté.
5. En troisième lieu, en vertu des règles générales applicables au retrait des actes administratifs, désormais codifiées notamment à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, l'auteur d'une décision individuelle expresse créatrice de droits ne peut légalement la rapporter, à la condition que cette décision soit elle-même illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la date à laquelle elle a été prise.
6. M. B... soutient que l'arrêté en litige ne pouvait légalement retirer la décision le nommant dans le grade de directeur, laquelle serait régulière. Toutefois, l'illégalité de la délibération du 18 septembre 2017 par laquelle le conseil municipal d'Albertville a créé un emploi de directeur de la police municipale, en méconnaissance de l'article 2 du décret n° 2006-1392 du 17 novembre 2006 en raison de l'insuffisance des effectifs municipaux de police municipale comme il a été dit au point 3, entache, par voie de conséquence, d'illégalité l'arrêté de nomination de M. B... du 20 septembre 2017, lequel pouvait par conséquent être retiré dans le délai de quatre mois rappelé au point précédent.
7. En quatrième lieu, M. B... réitère en appel son moyen selon lequel l'arrêté du 10 janvier 2018 l'affecte sur un emploi de chef de service principal de police municipale qui n'existe pas, puisque supprimé par la délibération du 20 septembre 2017. Cependant, alors que ce moyen a fondé l'annulation partielle prononcée par le tribunal, que le requérant n'est pas recevable à contester et pour laquelle la commune d'Albertville n'a pas formé d'appel incident, ce moyen est insusceptible de venir au soutien de la contestation du dispositif de rejet du surplus des conclusions des parties par l'article 3 du jugement attaqué.
8. En cinquième et dernier lieu, M. B... réitère en appel son moyen selon lequel l'arrêté du 10 janvier 2018, comme l'ensemble des mesures défavorables qu'il a subies ayant pour but, selon lui, de le pousser à quitter son poste, serait motivé par la volonté du maire de procéder à l'éviction des personnels de direction nommés par l'ancien maire. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que le requérant demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge de la commune d'Albertville, qui n'est pas partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le paiement des frais exposés par la commune d'Albertville au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Albertville présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune d'Albertville.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2023.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec La greffière,
Sandra BertrandLa République mande et ordonne au préfet de la Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY02970