Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 4 janvier 2021 par lesquelles la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2100247 du 15 septembre 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté de la préfète de l'Allier du 4 janvier 2021 en ce qu'il fixe le Maroc comme pays à destination duquel M. B... pourra être éloigné et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Chninif, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 septembre 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'annuler les décisions de la préfète de l'Allier du 4 janvier 2021 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de procéder à un nouvel examen de sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les décisions litigieuses ne sont pas suffisamment motivées, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le refus de titre de séjour litigieux est entaché d'une erreur de fait, en retenant qu'il n'a pas présenté de demande de titre de séjour dans les trois mois suivant son entrée en France ;
- la préfète a méconnu son droit à mener une vie privée et familiale normale.
Par une ordonnance du 23 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 juin 2022.
Un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2023, a été présenté par la préfète de l'Allier et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 15 septembre 2021 en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de la préfète de l'Allier du 4 janvier 2021 rejetant sa demande de titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
2. En premier lieu, et en l'absence de tout élément nouveau apporté en appel, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions litigieuses doit être écarté par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date des décisions litigieuses et depuis repris à l'article L. 426-11 du même code : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée : 1° Une carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur " (...) ; 2° Une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " (...) ; 3° Une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent-chercheur " (...) ; 4° Une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent " (...) ; 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise (...) ".
4. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais exempte l'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE de l'obligation de disposer d'un visa de long séjour. Cette exemption est subordonnée au dépôt effectif par l'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE d'une demande de l'un des titres de séjour énumérés par ces dispositions, dans les trois mois qui suivent son entrée sur le territoire français.
5. Si le courrier de la préfète de l'Allier daté du 28 novembre 2018 dont M. B... se prévaut évoque une " demande de regroupement familial sur place " précédemment présentée par celui-ci, une telle demande, qui ne porte pas sur l'un des titres de séjour énumérés par l'article L. 313-4-1, ne saurait constituer une demande de titre de séjour au sens de ces mêmes dispositions. Ainsi, quand bien même cette demande de regroupement familial aurait été déposée dans les trois mois suivant la date de son entrée en France, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de l'Allier a commis une erreur de fait en considérant, pour écarter l'application de ces dispositions, qu'il n'avait pas déposé de demande de titre de séjour dans le délai imparti.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".
7. M. B..., ressortissant marocain né le 13 mars 1978, est entré en France, d'après ses déclarations, au cours de l'année 2018, où il a épousé, le 2 janvier 2019, une compatriote titulaire d'une carte de résident, avec laquelle il venait d'avoir un enfant, né le 20 septembre 2018. Ainsi, à la date des décisions litigieuses, il résidait depuis moins de trois ans sur le territoire français, où il est entré à l'âge de quarante ans. Par ailleurs, son mariage était particulièrement récent, sans qu'il n'établisse, nonobstant la situation administrative et professionnelle de son épouse, qu'il existerait un obstacle à ce que sa cellule familiale se reconstitue au Maroc, où il est retourné en 2018 et a conservé d'importantes attaches privées et familiales, en particulier l'ensemble de sa fratrie. Enfin, il est titulaire d'un titre de séjour à durée illimitée en Italie, l'autorisant à s'installer dans ce pays et à se rendre régulièrement en France, notamment au cours de l'examen d'une demande éventuelle de regroupement familial. Dans ces circonstances et eu égard aux buts poursuivis par les décisions litigieuses, en particulier d'assurer le respect de la procédure de regroupement familial, la préfète de l'Allier n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
9. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2023.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY03384