Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de dix-huit mois.
Par un jugement n° 2109379 du 4 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 14 mars 2022, M. A..., représenté par Me Ducher, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du préfet du Rhône du 27 octobre 2021 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est entachée d'incompétence de l'auteur de l'acte ;
- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur de droit en l'absence d'examen approfondi de sa situation personnelle et professionnelle ;
- il remplit les conditions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour ; le refus est entaché d'erreurs de fait et manifeste d'appréciation ;
- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français portent une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale ;
- il y a violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et professionnelle ; il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; l'acte qui lui est reproché est isolé ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale, par voie de conséquence, du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- l'interdiction de retour sur le territoire est illégale par voie de conséquence ; il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête de M. A... a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Picard, président ;
- et les observations de Me Ducher, pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 7 mai 2001, déclare être entré irrégulièrement en France en août 2017, alors qu'il était encore mineur et a été pris en charge par le département du Rhône à compter de ses seize ans. Le 10 avril 2019, l'intéressé a sollicité son admission au séjour. Par un arrêté du 27 octobre 2021, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 mars 2022 qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ". Si l'administration a retenu que le comportement de l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public dans la mesure où il avait été interpellé et placé en garde à vue le 8 septembre 2021 pour des faits de violence aggravées, menaces de mort réitérées et de crime ou délit sur personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, et condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, ces seuls éléments, eu égard à leur caractère isolé et au contexte particulier dans lequel ces faits se sont produits, ne sauraient suffire à faire obstacle, en application de ces dispositions, à la délivrance d'un titre de séjour. Sur ce point, le moyen doit être retenu.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. " Lorsque le préfet examine une telle demande, il vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son 18e anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Le préfet, disposant d'un large pouvoir d'appréciation, doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Saisi d'un recours contre une décision de refus, il appartient seulement au juge administratif de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.
4. Pour refuser de délivrer à M. A... le titre sollicité, le préfet du Rhône s'est fondé sur l'existence d'un faisceau d'indices concordants permettant de douter de la véracité de son parcours de vie et de l'absence de liens avec sa famille restée dans son pays d'origine, sur le fait que le département du Rhône avait décidé de mettre un terme à sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance à compter du 20 février 2021 en raison de son comportement considéré comme inacceptable et de manquements manifestes à ses obligations et engagements et, enfin, sur la condamnation prononcée le 13 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Lyon, à une peine de quatre mois d'emprisonnement assortie d'un sursis simple et sur la nature des faits survenus en préfecture le 8 septembre 2021 ayant motivé cette condamnation, considérant que le comportement de l'intéressé représentait une menace à l'ordre public.
5. Toutefois, s'il a indiqué, le 10 avril 2019, sur la fiche d'examen de sa demande de titre de séjour que ses parents et son frère résident en Guinée et si le jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance rendu le 17 juillet 2017 par la cour d'appel de Conakry indique que cet acte a été établi à la demande de son père, rien ne permet de dire que, depuis son entrée en France, il entretiendrait des liens étroits avec sa famille dans son pays d'origine. Par ailleurs, si le département du Rhône, notamment dans un courrier en date du 20 janvier 2021, a justifié la fin de sa prise en charge au titre du dispositif " jeune majeur " par son refus de procéder au règlement régulier de sa participation financière à l'hébergement auprès du service SEME et par son comportement considéré comme " inacceptable " envers les professionnels présents lors de la commission enfance du 14 janvier 2021, qui aurait démontré " une impossibilité de travailler avec lui ", il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que M. A... a payé ses dettes et que, au vu en particulier de nombreux témoignages de provenance diverse et non stéréotypés, de son contrat d'engagement à durée indéterminée passé en janvier 2021 avec l'entreprise Ikri ou d'une attestation du pôle milieu ouvert de la SEME du 16 novembre 2021 qui, bien que postérieure à l'arrêté contesté, apporte un éclairage utile au contexte de l'affaire, les efforts d'insertion de M. A... dans la société française, sur le plan aussi bien privé que professionnel, ne sauraient être regardés comme inexistants. Il n'apparaît pas, dans ces conditions, que les faits reprochés à M. A..., à l'origine de sa condamnation, pour répréhensibles qu'ils soient, mais isolés, révéleraient dans la durée un comportement particulièrement menaçant pour l'ordre public. Dès lors, et compte tenu de la formation professionnelle qualifiante qu'il suivait depuis au moins six mois à la date de sa demande de titre, qui a donné lieu à la délivrance d'un CAP " fabricant de menuiserie, mobilier et agencement " en juin 2020, et que l'administration ne remet pas spécialement en question, le refus de titre apparaît procéder, dans les circonstances particulières de l'affaire, d'une appréciation manifestement erronée.
6. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à demander l'annulation du refus de titre de séjour que lui a opposé le préfet mais également, par voie de conséquence, des autres décisions contestées, prises à son encontre. Il est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
7. Le présent arrêt, qui accueille les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... implique seulement, eu égard au motif d'annulation retenu, et après examen des autres moyens de la requête, que le préfet du Rhône procède, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, au réexamen de sa demande de rendez-vous dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à Me Ducher au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Ducher renonce à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 mars 2022 et l'arrêté du préfet du Rhône du 27 octobre 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A..., dans les conditions prévues ci-dessus.
Article 3 : L'État versera à Me Ducher la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions prévues ci-dessus.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.
Le président, rapporteur,
V.-M. Picard
Le président assesseur,
Ph. Seillet
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 22LY00778 2
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