Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes l'a suspendu de ses fonctions de trésorier de la chambre de métiers et de l'artisanat de Haute-Savoie pour une durée de six mois.
Par un jugement n° 1906450 du 22 février 2021, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 avril et 23 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Bernot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes du 24 juillet 2019 ;
2°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 4 500 euros au titre de l article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure contradictoire et les garanties en matière de sanctions administratives n'ont pas été respectées ;
- le rapport du contrôleur général économique et financier est entaché d'irrégularités ;
- l'arrêté est illégal par voie de conséquence de l'illégalité de l'article 19 du code de l'artisanat ; le pouvoir réglementaire n'est pas compétent pour fixer les sanctions applicables aux élus de chambres ; l'article 19 du code de l'artisanat ne définit pas les sanctions de manière suffisamment précise en méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines ;
- les faits qui lui sont reprochés sont inexacts et ne constituent pas une faute grave ; le grief tendant à la prétendue absence d'adéquation des tarifs du centre de formalités des entreprises-répertoire des métiers (CFE-RM) avec la règlementation sont des faits anciens (antérieurs à 2015) et se fondent sur des circulaires imprécises et impératives ; si l'assemblée générale n'a pas procédé au vote de la sur-rémunération du secrétaire général pour la période 2014-2018, elle visait à compenser une activité de travail supplémentaire et a été remboursée par le secrétaire général lui-même ; sur l'absence de déclaration aux services fiscaux et sociaux de deux véhicules utilisés comme véhicules de fonction par le président et le secrétaire général, l'utilisation de ces véhicules ne se fait qu'à un usage professionnel (domicile - travail), le contrôleur général économique et financier n'étant pas habilité à requalifier un véhicule de fonction en véhicule de service ;
- la sanction est disproportionnée.
Par des mémoires enregistrés les 23 juin et 2 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le code de l'artisanat ;
- le décret n° 55-733 du 26 mai 1955 ;
- le décret n° 2017-510 du 7 avril 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Picard, président ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bernot, pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. Franck Lopez, président de la chambre de métiers et de l'artisanat de Haute-Savoie (CMA) de Haute-Savoie depuis 2010 et réélu pour six ans en novembre 2016, relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 février 2021 qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, à la suite d'un rapport des services du contrôle général économique et financier (CEGFI) de novembre 2018 consécutif à une inspection de la chambre, l'a suspendu de ses fonctions de président pour une période de six mois.
2. Aux termes de l'article 19 du code de l'artisanat, dans sa version en vigueur : " (...) le préfet de région peut, en cas de faute grave dans l'exercice des fonctions et par arrêté motivé pris après que l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations, suspendre ou mettre fin aux fonctions d'un membre de la chambre, d'un membre du bureau ou du président. (...) ".
3. En premier lieu, lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public ou porte sur des faits qui, s'ils sont établis, sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire ou de justifier que soit prise une mesure en considération de la personne d'un tel agent, le rapport établi à l'issue de cette enquête, y compris lorsqu'elle a été confiée à des corps d'inspection, ainsi que, lorsqu'ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné.
4. D'abord, il ne ressort pas des pièces du dossier que le rapport établi par le CGEFI à l'issue de la mission de consultation d'audit au cours de laquelle ont notamment été entendus la direction de la chambre et les représentants du personnel, n'aurait pas été porté à la connaissance de M. A... avant l'intervention de la sanction contestée et que ce dernier aurait ainsi été empêché de présenter utilement des observations. Dans ce contexte, et même en admettant que ce rapport ne répondrait pas à l'ensemble des conditions prévues par le décret n° 2017-510 du 7 avril 2017 relatif au contrôle général économique et financier et par l'arrêté du 7 avril 2017 relatif à l'organisation générale et au fonctionnement de ce service, une telle circonstance ne saurait suffire à entacher d'irrégularité la sanction litigieuse.
5. Ensuite, les entretiens que les inspecteurs du CGEFI ont eu avec les agents de la chambre ont porté notamment sur un ensemble de dysfonctionnements, de conflits, d'humiliations et de pressions mettant en cause des membres de la direction, dans un contexte dégradé. Il apparaît et n'est pas sérieusement contesté que la communication à ces derniers des compte rendus de ces entretiens et la divulgation des noms des agents ainsi entendus, auraient pu gravement leur préjudicier. Il en est ainsi, notamment, de la source d'information sur le " système " de facturation automatique des frais d'assistance mis en place par la chambre. Dans ces circonstances, et alors que les informations recueillies par la CGEGI ont été reprises dans son rapport, le fait que l'intéressé, dont rien ne permet de dire qu'il aurait été privé de la possibilité d'assurer utilement la défense de ses intérêts, n'a pu avoir accès aux sources mêmes sur lesquelles les agents des services de contrôle se sont appuyés, ne saurait caractériser ici une violation du principe du contradictoire.
6. En deuxième lieu, et d'une part, l'article 7, de nature législative, du code de l'artisanat, dont l'origine remonte à une loi du 26 juillet 1925, habilite le pouvoir réglementaire à édicter par décret en Conseil d'État " les modalités d'organisation et de fonctionnement des établissements publics constituant le réseau des chambres de métiers et de l'artisanat ". Il était en outre loisible à l'autorité investie du pouvoir réglementaire de fixer, en vertu des pouvoirs qu'elle tient de l'article 37 de la Constitution, des prescriptions applicables aux membres des chambres de métiers et de l'artisanat, dont les activités sont réglementées, complémentaires de celles qui résultent de la loi. En prenant les dispositions codifiées à l'article 19 de ce code, de nature règlementaire, l'administration n'a ainsi fait qu'user, dans l'intérêt en particulier des artisans et de leurs représentants, des pouvoirs qu'elle tient de l'article 37 de la Constitution. Le fait que certaines des règles dont la méconnaissance aurait été invoquée, notamment de nature fiscale, relèveraient du domaine de la loi est à cet égard indifférent. Par suite, les dispositions de l'article 19 du code de l'artisanat n'apparaissent pas entachées d'incompétence.
7. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. " Il résulte de l'article 19 du code de l'artisanat que la sanction de suspension qu'il prévoit est nécessairement limitée dans le temps, ne pouvant excéder le terme du mandat, sa durée devant par ailleurs être proportionnée à la gravité de la faute commise, sous le contrôle du juge. Dès lors, et même si la disposition de l'article 19 ci-dessus ne fixe aucune durée à cette sanction, aucune violation du principe de légalité des délits et des peines n'apparaît ici constituée.
8. L'illégalité, invoquée par voie d'exception, de l'article 19 du code de l'artisanat ne saurait en conséquence être retenue.
9. En troisième lieu, M. A... conteste les faits retenus par le préfet pour le sanctionner.
10. D'abord, aux termes de l'article 26 du code de l'artisanat, dans sa version alors en vigueur : " I.- Les chambres de métiers et de l'artisanat peuvent recevoir : 1. Des subventions publiques et privées ; 2. Des dons et des legs. II.- Les chambres de métiers et de l'artisanat peuvent percevoir, en outre, des redevances, dans le respect des règles de concurrence, pour des prestations de services fournies aux entreprises artisanales ou aux candidats à une profession d'artisan. Le montant de ces redevances est établi en prenant en compte l'intérêt personnel et spécial qu'en retire l'entreprise artisanale ou le candidat à une profession d'artisan et les charges exposées au titre de ce service. Sous réserve des dispositions de l'article 24-1, la chambre arrête les tarifs des redevances qu'elle perçoit. Ces tarifs font l'objet d'une information auprès des ressortissants et, le cas échéant, des candidats mentionnés à l'alinéa précédent. Le montant de chaque redevance, les conditions de sa perception ainsi que les recettes correspondantes figurent en annexe du budget prévisionnel et des comptes de la chambre. Aucune autre redevance ne peut être perçue par la chambre à compter de la date d'approbation de son budget. (...) ".
11. Il apparaît ici que la circulaire du 22 mars 2011 réitère les consignes données par celle du 30 mai 1997, qui distingue les services de base et obligatoires et les prestations complémentaires facultatives, rappelant la nécessité de leur affichage, que celle du 31 janvier 2013 renouvelle ces instructions et propose une marche à suivre dans le cadre de prestations facultatives et enfin que la circulaire du 23 décembre 2015 distingue les missions d'intérêt général obligatoires, dont les tarifs procèdent d'un texte spécifique, les autres missions facultatives gratuites, qui correspondent au service de base du " centre de formalités des entreprises - répertoire des métiers " (CFE), les prestations bénéficiant de subventions publiques pouvant être tarifées sous réserve du respect des règles de transparence et de concurrence, et les prestations complémentaires facultatives, qui donnent lieu à des redevances pour services rendus. Il en ressort que les tarifs de ces dernières prestations, non obligatoires, doivent être clairement affichés afin de permettre aux artisans d'en demander le bénéfice en toute connaissance de cause. Les circulaires en cause, en ce qu'elles portent sur le traitement par la chambre de ces prestations, se bornent ainsi à expliciter les termes de l'article 26 du code de l'artisanat sans les méconnaître ou fixer des règles nouvelles ni réitérer une règle qui serait contraire à une norme juridique supérieure. Contrairement à ce que soutient le requérant, ces circulaires, auxquelles l'administration s'est également reportée pour prendre la sanction litigieuse, ne sont ainsi pas illégales.
12. Il ressort des pièces du dossier que l'assemblée permanente des CMA a rappelé dans plusieurs circulaires les principes de tarification des prestations du CFE-RM et les risques de responsabilité pénale pour le non-respect des obligations en matière de tarification. Outre ces recommandations, lors d'une réunion en date du 9 septembre 2014, les responsables CFE-RM de la région Rhône-Alpes ont été informés de la mise en conformité de la CMA de l'Ain qui pratiquaient les mêmes tarifs que la CMA de Haute-Savoie. En 2015, l'ordre des avocats avait également alerté le président de la CMA de Haute-Savoie de la question de la gratuité des prestations de base et du caractère facultatif de l'assistance de la chambre à ce titre. Les pratiques consistant à dissimuler le caractère facultatif de certaines prestations ont été maintenues par la chambre jusqu'à l'assemblée générale du 24 novembre 2016. En 2017, la direction de la CMA de Haute-Savoie a justifié auprès des représentants des entreprises une baisse des recettes en raison d'une évolution de la réglementation et non en raison de la méconnaissance de la réglementation par les autorités de la chambre. La CMA a ainsi maintenu jusqu'à la fin de l'année 2016, en toute connaissance de cause, une ambiguïté sur le caractère facultatif de cet ensemble de prestations, avec pour effet de dissimuler à ses ressortissants la sur-tarification dont certaines ont pu faire l'objet et les raisons pour lesquelles les modalités de cette tarification ont été ajustées à partir de 2017. A cet égard, il apparaît également que la CMA a continué de dissimuler le caractère facultatif de certaines prestations aux artisans ne recourant pas aux services d'un mandataire. Rien au dossier ne permet de dire, et notamment pas le fait qu'aurait seulement été pris en compte un témoignage anonyme, que la CMA n'aurait pas poursuivi une telle pratique.
13. Le préjudice que les artisans ont subi faute pour eux d'avoir été mis à même de choisir de recourir à des prestations facultatives, a été estimé à 200 000 euros par an. Le requérant, qui relève que ces prestations ont reçu exécution, conteste l'existence même de ce préjudice, relevant par ailleurs que son montant est injustifié. Pour autant, pour estimer les possibilités pour les artisans de recourir à une prestation facultative en cas d'affichage régulier, les services du CGEFI ont défini différentes hypothèses selon une méthode réservant aux intéressés un degré de libre arbitre équilibré, sans que M. A... n'apporte d'éléments décisifs de nature à remettre en cause ses fondements. De toutes les façons, ce dernier ne justifie en rien de ce que le respect de cette obligation d'information n'aurait pas dissuadé les ressortissants, au moins une grande partie d'entre eux, d'avoir recours à des prestations non obligatoires.
14. Par suite, et alors même qu'aucun artisan n'a demandé le remboursement des sommes versées à ce titre, M. A..., qui ne s'est pas assuré du respect de la réglementation applicable dans la mise en œuvre de l'assistance facultative, et en particulier de l'article 26 ci-dessus du code de l'artisanat, a manqué aux obligations qui s'imposaient à lui en sa qualité de président.
15. Ensuite, aux termes de l'article 25 du statut du personnel des CMA : " Chaque année, si la situation budgétaire le permet et dans la limite de 0,5 % de la masse salariale brute, le président, sur proposition du secrétaire général (...) décide le versement des primes suivantes : / - prime de sujétion destinée à compenser un effort particulier ou une sujétion spéciale ; / - prime d'objectif ou de résultat destinée à prendre en compte la participation de l'agent à l'activité d'un service ou de l'établissement, après constatation des sujétions et des participations en année n - 1./ La commission paritaire locale est informée des conditions d'application du dispositif ". Il ressort des pièces du dossier que la décision de verser une indemnité différentielle de plusieurs dizaines de milliers d'euros au secrétaire général a été prise sans vote préalable du bureau et de l'assemblée générale, et sans information de la commission paritaire locale. Il n'apparaît pas que M. A..., malgré ses responsabilités, et compte tenu de la situation particulièrement dégradée de la chambre, serait intervenu pour empêcher une telle opération. Ce faisant, et bien que le secrétaire général a personnellement remboursé une somme de 30 000 euros sur un compte séquestre, M. A... a ainsi méconnu l'obligation pesant sur lui de s'assurer, en sa qualité de président, du respect des règles régissant le personnel de la chambre.
16. Enfin, et contrairement à ce que soutient M. A..., il appartenait à l'administration, dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire, de déterminer à quel titre des véhicules avaient été attribués au président et au secrétaire général de la chambre et d'apprécier s'il s'agissait d'une sur-rémunération. Dans ces conditions, et par adoption, pour le surplus, des motifs retenus à cet égard par les premiers juges, le moyen tiré ce que ces véhicules étaient des véhicules de service et non de fonction, que leur utilisation ne correspondait pas à une sur- rémunération du président et du secrétaire général de la chambre, et donc que l'absence de déclaration de cette rémunération en nature ne constituait pas une violation, par l'intéressé, des obligations s'imposant à lui, doit être écarté.
17. Il résulte de ce qui précède que, au sens de l'article 19 du code de l'artisanat ci-dessus, les faits reprochés à M. A..., pris ensemble, constituent une faute suffisamment grave pour justifier une sanction. Compte tenu des fonctions assurées par l'intéressé, la mesure de suspension pour six mois dont il a fait l'objet n'apparaît pas disproportionnée aux manquements ainsi constatés.
18. Par suite M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 2 février 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.
Le président, rapporteur,
V.-M. PicardLe président assesseur,
Ph. Seillet
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 21LY01225 2
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