Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La commune de Montélier, maître d'ouvrage et son assureur subrogé, la compagnie SMACL, ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner solidairement les sociétés BE Bois Concept, Sud Est Charpente, Bureau Veritas, Betebat 26 et Cobat au versement à la SMACL d'une somme de 145 647 euros et à la commune d'une somme de 12 458 euros en réparation des préjudices subis du fait des désordres ayant affecté l'auvent de la tribune du stade municipal, outre la mise à leur charge solidaire de la somme de 23 709,58 euros au titre des frais d'expertise.
Par jugement n° 1904119 du 22 mars 2021, le tribunal n'a fait droit à leurs demandes qu'en ce qu'elles étaient dirigées contre les sociétés Sud Est Charpente et Bureau Veritas Construction, venant aux droits de la société Bureau Veritas. Il a, en outre, condamné les sociétés Cobat, Bétébat 26 et Bureau Veritas Construction à garantir la société Sud Est Charpente du quart de ses condamnations et rejeté les appels en garantie de la société Sud Est Charpente dirigés contre la société Bois Conseil, et de la société Cobat dirigés contre les sociétés Oboussier et Bétébat 26.
Procédure devant la cour
I- Par requête enregistrée le 12 mai 2021 sous le n° 21LY01511, la société Bureau Veritas Construction, représentée par Me Aily, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 mars 2021en ce qu'il la condamne, de rejeter les demandes de la commune de Montélier et de la SMACL ainsi que l'appel en garantie formé à son encontre par la société Sud-Est Charpente ;
2°) de condamner in solidum les sociétés Sud Est Charpente, Cobat et Betebat 26 à la garantir à hauteur de toutes condamnations laissées à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Montélier et de la SMACL la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'est pas démontré que les désordres lui sont imputables au regard des limites de la mission qui lui a été confiée, qu'elle n'a pas été mise à même de remplir complètement faute de disposer de tous les documents d'exécution ;
- subsidiairement, sa quote-part de responsabilité ne saurait excéder 5 % au titre des vices affectant la partie bois et 5 % au titre des vices affectant la partie béton armé et sa condamnation sera limitée à cette quote-part, sans solidarité avec les autres locateurs ;
- elle est fondée à appeler les sociétés Sud Est Charpente, Cobat et Betebat 26 à la garantir solidairement et totalement de toute condamnation, ou à défaut à hauteur de 90 %.
Par mémoires enregistrées le 16 juillet 2021 et le 21 décembre 2022 (non communiqué), la compagnie MAAF Assurances, représentée par Me Descout, intervient au soutien de son assurée, la société Sud Est Charpente. Elle demande à la cour :
1°) de rejeter la requête et de réformer le jugement attaqué, d'une part, en réduisant la condamnation de la société Sud Est Charpente et, d'autre part, d'étendre les condamnations solidaires aux sociétés Cobat, Betebat 26 et Bois Conseil ;
2°) de mettre à la charge de la société Bureau Veritas Construction la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'action introduite devant le tribunal est susceptible de préjudicier à ses droits au titre de la police d'assurance souscrite en cas de reconnaissance de la responsabilité décennale de la société Sud-Est Charpente ;
- les sociétés Bois Conseil, Cobat, Betebat 26 et Bureau Veritas ont, par leurs fautes, outre celle de la commune tenant à l'absence de suivi et de contrôle de l'exécution des travaux, concouru aux désordres affectant l'auvent des tribunes du stade ; la quote-part de responsabilité de la société Sud-Est Charpente doit donc être minorée au regard des fautes ainsi commises.
Par mémoires enregistrés les 16 août 2021 et le 9 novembre 2022, la SARL Cobat, représentée par Fayol et Associés Avocats, conclut au rejet des conclusions de la requête dirigées contre elle, et demande à la cour :
1°) par la voie de l'appel provoqué, de réformer le jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à garantir à hauteur de 25% la société Sud Est Charpente et de rejeter cet appel en garantie ;
2°) de mettre à la charge de la société Bureau Veritas Construction la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu sa responsabilité dans la survenance des désordres, notamment qu'elle avait réalisé des percements horizontaux non prévus par les plans ayant contribué à aggraver la fragilité de la structure ; elle n'a pas participé aux opérations de conception, ni aux opérations d'exécution de la charpente ; elle n'a participé qu'aux opération d'exécution pour le béton ; si un mauvais positionnement des aciers dans le béton armé peut lui être reproché, cela n'a eu aucune incidence dans la survenance des désordres ;
- elle ne peut être condamnée à garantir à hauteur d'un quart de ses condamnations la société Sud Est Charpente si pour la partie béton, les désordres sont dus à 97% à des erreurs de conception et à 3% à des erreurs d'exécution.
Par mémoire enregistré le 11 octobre 2021, la commune de Montélier et la compagnie SMACL, représentées par Me Jacquot, concluent au rejet de la requête dirigée contre elles et demandent à la cour :
1°) par la voie de l'appel provoqué, de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté leurs demandes dirigées contre la société Oboussier TP et la Selarl Bois Conseil, de condamner solidairement ces entreprises à les indemniser de leurs préjudices ;
2°) de mettre à la charge de la société Bureau Veritas Construction la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- les désordres survenus sur l'ouvrage après les vents violents relèvent de la garantie décennale ;
- la responsabilité décennale de la société Sud-Est Charpente, prise en la personne de son liquidateur et qui doit répondre des fautes commises par son sous-traitant, la Selarl Bois Conseil, de même que celle de la société Bureau Veritas au droit de laquelle vient la société Bureau Veritas Construction doit être engagée ; les conclusions de la société Bureau Véritas Construction tendant à que ce sa part d'imputabilité n'excède pas 10 % est nouvelle en appel et irrecevable ;
- la commune de Montélier n'a pas commis de faute de nature à exonérer les auteurs du désordre de leur responsabilité ;
- elle est fondée à rechercher la responsabilité sur le fondement quasi délictuel de la société Bois Conseil, sous-traitant de la société Sud Est Charpente, laquelle a été placée en liquidation judiciaire en juin 2019 et dont la responsabilité décennale ne peut plus être recherchée de ce fait ;
- elle est fondée à rechercher la responsabilité sur le fondement décennal de la société Oboussier TP, qui est responsable des fautes commises par son sous-traitant, la société Cobat, et par le sous-traitant de ce dernier, la société Betebat 26.
Par mémoires enregistrés les 9 mai et 7 novembre 2022, la SARL Betebat 26, représentée par la Selarl Link Associés, conclut au rejet des conclusions dirigées contre elle et demande à la cour :
1°) par la voie de l'appel provoqué, de réformer le jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à garantir la société Sud Est Charpente à hauteur de 25% de sa condamnation, de rejeter l'appel en garantie dirigé contre elle, et de condamner in solidum la commune de Montélier, les sociétés Bureau Veritas Construction et Cobat à la garantir du quart des condamnations mises à sa charge ;
2°) de mettre à la charge de la société Bureau Veritas Construction ou de la commune de Montélier la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- si elle a pu commettre des erreurs dans les études d'exécution du lot maçonnerie, celles-ci ont pour origine exclusive les valeurs erronées communiquées dans la note de calcul du cabinet Bois Conseil ;
- la société Cobat a réalisé des percements horizontaux qui n'étaient pas prévus par les plans et qui ont contribué à accentuer la fragilité de la structure ; la commune de Montélier a commis de nombreux manquements dans la surveillance de l'exécution du chantier ; enfin la société Bureau Veritas Construction, par ses carences sur le contrôle des plans qui lui étaient soumis, est pour une part prépondérante à l'origine des désordres ;
- elle ne saurait supporter une part de responsabilité supérieure à un quart, soit 7,5 % du sinistre et en sa qualité de sous-traitant de second rang, destinataire d'informations erronées du bureau d'études charpente Bois Conseil non révélées par le bureau de contrôle Bureau Veritas et alors qu'aucun maître d'œuvre n'avait une mission de synthèse des différentes études.
La clôture de l'instruction a été fixée au 10 janvier 2023 par ordonnance du même jour, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Par lettres du 6 février 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité :
- des appels en garantie de la société Betebat 26 dirigés contre la commune de Montélier, les sociétés Bureau Veritas Construction, BE Bois Conseil et Cobat, nouveaux en appel,
- des conclusions de la commune de Montélier et la SMACL dirigées contre la société Oboussier TP, nouvelles en appel.
II- Par une requête enregistrée le 12 mai 2021 sous le n° 21LY01514 et un mémoire enregistré le 9 novembre 2022, la société Cobat, représentée par la Selarl Fayol et Associés, conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que ceux exposés dans l'instance n° 21LY01511.
Par mémoire enregistré le 23 juin 2021, la société Bureau Veritas Construction, représentée par Me Aily, conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que ceux exposés dans sa requête n° 21LY01511.
Par mémoires enregistrés les 16 juillet 2021 et 21 décembre 2022 (non communiqué), la compagnie MAAF Assurances, représentée par Me Descout, conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que ceux exposés dans l'instance n° 21LY01511.
Par mémoire enregistré le 11 octobre 2021, la commune de Montélier et la compagnie SMACL, représentées par Me Jacquot, concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens que ceux exposés dans l'instance n° 21LY01511.
Par mémoires enregistrés les 7 et 29 novembre 2022, la Sarl Betabat 26, représentée par la Selarl Link Associés, conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que ceux exposés dans l'instance n° 21LY01511.
La clôture de l'instruction a été fixée au 10 janvier 2023 par ordonnance du même jour, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Par lettres du 6 février 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité, comme nouvelles en appel :
- des conclusions de la société Betebat 26 dirigées contre la commune de Montélier, les sociétés Bureau Veritas Construction, BE Bois Conseil et Cobat,
- des conclusions de la commune de Montélier et de la SMACL dirigées contre la société Oboussier TP.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des marchés publics ;
- le code des assurances ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 13 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, première conseillère,
- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me Gerin pour la commune de Montélier et la SMACL ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes de la société Bureau Veritas Construction et de la société Cobat sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. La commune de Montélier a fait réaliser en juillet 2002 un complexe sportif comprenant un stade, des tribunes et des locaux annexes. M. A..., architecte, a assumé la conception du projet, la commune ayant fait le choix d'assurer le suivi et la direction des travaux. Le lot " Charpente Couverture Zinguerie " a été attribué à la société Sud Est Charpente qui a sous-traité à la société Bois Concept les plans d'exécution et la réalisation de la structure. Le lot " Terrassement " a été confié à la société Oboussier qui a sous-traité les travaux préparatoires, les fondations et élévations à la société Cobat qui, elle-même a sous-traité les études d'exécution à la société Betebat 26. Une mission de contrôle technique portant sur la solidité de l'ouvrage a été confiée au bureau Veritas. Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 31 mars 2004. Le 28 avril 2012, de fortes rafales de vent ont provoqué l'arrachement de l'auvent de la tribune, dont la chute a endommagé la toiture des locaux annexes. Le 8 juillet 2013, la commune de Montélier et la compagnie SMACL, son assureur, ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Valence d'une demande d'expertise, au contradictoire des sociétés mentionnées précédemment, et de leurs assureurs respectifs. L'expert désigné a rendu son rapport le 27 octobre 2015. Sur la base des conclusions de ce rapport, la commune et son assureur ont saisi le tribunal de grande instance de Valence qui s'est déclaré incompétent pour statuer sur les conclusions dirigées contre les locateurs de l'ouvrage.
3. La commune de Montélier et la SMACL ont alors demandé, sur le fondement de la garantie décennale, au tribunal administratif de Grenoble la condamnation solidaire de la Selarl BE Bois Concept, de la Sarl Sud Est Charpente, du Bureau Veritas, de la Sarl Betebat 26 et de la Sarl Cobat au versement à la SMACL, subrogée, d'une somme de 145 647 euros et à la commune d'une somme de 12 458 euros correspondant à la franchise contractuelle restée à sa charge. Par jugement n° 1904119 du 22 mars 2021, dont la société Bureau Véritas Construction et la société Cobat relèvent appel, le tribunal a condamné solidairement les sociétés Sud-Est Charpente et Bureau Véritas Construction à verser à la société SMACL la somme de 145 647 euros ainsi que la somme de 12 485 euros à la commune de Montelier, condamné solidairement les mêmes sociétés à verser à la commune la somme de 23 709,58 euros au titre des frais d'expertise et a condamné les sociétés Cobat, Bétébat 26 et bureau Veritas à garantir la société Sud Est Charpente du quart des condamnations mises à la charge de celle-ci.
Sur l'intervention de la compagnie MAAF Assurances
4. Alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la compagnie Maaf Assurances serait subrogée dans les droits de son assurée, la société Sud Est Charpente, ce qui l'habiliterait à présenter des conclusions pour son propre compte, cette entreprise n'a pas produit d'écritures. Il suit de là que celles de la compagnie Maaf Assurances, qui doivent s'analyser comme une intervention volontaire au soutien de conclusions de la société Sud Est Charpente ne peuvent être admises.
Sur l'appel de la société Bureau Veritas Construction
5. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité des constructeurs, à la condition que ces désordres leur soient, même partiellement, imputables. Tel n'est pas le cas lorsque le constructeur a émis des réserves sur le dispositif retenu ou bien lorsqu'il a été mis dans l'impossibilité de remplir sa mission contractuelle.
6. Il résulte de l'instruction que les désordres en litige ont été provoqués par la rupture d'éléments de fixation entre les poteaux béton et la charpente qui soutenaient l'auvent, révélant un sous-dimensionnement tant des pièces de charpente que d'arrimage supportant l'effort de la structure aggravé par des erreurs d'exécution.
7. Or, et d'une part, si la convention de contrôle technique incluait une mission de type L de solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables comportant le contrôle des plans d'exécution, il résulte de l'instruction que, malgré ses demandes réitérées, la société Bureau Veritas n'a pas eu communication des plans d'exécution de la charpente élaborés par la société Sud Est Charpente, sur lesquels elle devait rendre son avis technique, et qu'elle a, en conséquence, réservé cet avis. Il suit de là qu'en ce qu'ils trouvent principalement leur cause dans la conception de l'ouvrage, les désordres ne sont pas imputables au contrôleur technique. Par ailleurs, si l'arrachement du auvent a été facilité par des percements horizontaux d'éléments en bois non réalisés dans les règles de l'art, la surveillance du chantier n'entrait ni dans les missions, ni dans les moyens d'investigation de la convention de contrôle technique. Dans ces conditions, la société Bureau Veritas Construction est fondée à soutenir que les désordres en cause ne lui sont pas imputables et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée, solidairement, à verser à la compagnie SMACL et à la commune de Montélier les sommes de 145 647 euros et de 12 485 euros et, partant, à demander l'annulation dans cette mesure du jugement attaqué et le rejet des demandes présentées au tribunal par le maître d'ouvrage et son subrogé.
8. D'autre part, dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage. La société Bureau Veritas n'a pas validé le plan d'ensemble de la charpente, aucun manquement aux règles de son art ni aucune faute ne peuvent être relevés à son encontre par la société Sud Est Charpente. La société Bureau Veritas Construction est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal l'a condamnée à garantir la société Sud Est Charpente du quart des condamnations mises à la charge de celle-ci et, partant, à demander l'annulation dans cette mesure du jugement attaqué et le rejet de l'appel en garantie dirigé contre elle.
Sur l'appel de la société Cobat
9. Il résulte de l'instruction que la société Cobat n'a ni réalisé ni participé à la réalisation des percements horizontaux non prévus par les plans d'exécution sur la partie bois de l'ouvrage, ayant contribué à aggraver la fragilité de la structure, cette entreprise n'étant pas intervenue sur la partie bois mais uniquement sur le béton. Par ailleurs, s'il résulte du rapport d'expertise que la société Cobat a réalisé des écarts ponctuels de positionnement d'acier dans les poteaux, cette anomalie est étrangère à la rupture des poteaux de béton dont le sous-dimensionnement provient des erreurs de calcul de la société Betebat 26. Dans ces conditions, la société Cobat est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal l'a condamnée, avec le bureau Veritas et la société Bétébat 26, à garantir la société Sud Est Charpente du quart des condamnations mises à sa charge et, partant, à demander l'annulation dans cette mesure du jugement attaqué et le rejet de l'appel en garantie de la société Sud Est Charpente dirigé contre elle.
Sur le surplus des conclusions des parties :
10. En premier lieu, l'appel provoqué de la commune de Montelier et de la SMACL dirigé contre la société Oboussier TP, présenté pour la première fois en appel, n'est pas recevable et doit être comme tel rejeté.
11. En deuxième lieu, les conclusions de la société Betebat 26 dirigées contre la commune de Montélier, les sociétés Bureau Veritas Construction, BE Bois Conseil et Cobat, présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables et doivent être comme telles rejetées.
12. En troisième lieu, s'il appartient, en principe, au maître d'ouvrage qui entend obtenir la réparation des conséquences dommageables d'un vice imputable à la conception ou à l'exécution d'un ouvrage de diriger son action contre le ou les constructeurs avec lesquels il a conclu un contrat de louage d'ouvrage, il lui est loisible, dans le cas où la responsabilité du ou des cocontractants ne pourrait pas être utilement recherchée, de mettre en cause, sur le terrain quasi-délictuel, la responsabilité des participants à une opération de construction avec lesquels il n'a pas conclu de contrat de louage d'ouvrage, mais qui sont intervenus sur le fondement d'un contrat conclu avec l'un des constructeurs. Il peut, à ce titre, invoquer, notamment, la violation des règles de l'art ou la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires mais ne saurait se prévaloir de fautes résultant de la seule inexécution, par les personnes intéressées, de leurs propres obligations contractuelles. En outre, alors même qu'il entend se placer sur le terrain quasi-délictuel, le maître d'ouvrage ne saurait rechercher la responsabilité de participants à l'opération de construction pour des désordres apparus après la réception de l'ouvrage et qui ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination.
13. La commune de Montélier et la SMACL recherchent la responsabilité de la société BE Bois conseil, sous-traitant du locateur Sud Est Charpente, sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle aux motifs, d'une part, que la note de calcul élaborée par cette entreprise comporte des erreurs et des imprécisions à l'origine des sous-dimensionnements des structures béton et bois et, d'autre part, que la responsabilité décennale de la société Sud Est Charpente, soumise à une procédure de liquidation judiciaire, ne peut plus être recherchée.
14. Toutefois, il appartient au juge administratif d'examiner si la collectivité publique a droit à réparation et de fixer le montant des indemnités qui lui sont dues à ce titre par l'entreprise défaillante ou son liquidateur, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire de liquidation est susceptible d'avoir sur le recouvrement de cette créance. En l'espèce, la commune de Montélier et la SMACL ont pu rechercher utilement et, d'ailleurs, obtenir la condamnation de Sud Est Charpente au titre de sa responsabilité décennale, en sa qualité de locateur d'ouvrage. Elles ne sont donc pas fondées à rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de son sous-traitant, alors même que ce sous-traitant n'aurait pas effectué ses missions en conformité avec les règles de son art. Leurs conclusions dirigées contre la société BE Bois conseil doivent être rejetées.
15. En quatrième lieu, par les motifs énoncés au point 9, il doit être fait droit aux conclusions d'appel provoqué de la société Cobat présentées dans l'instance n° 21LY01511 et tendant à l'annulation de sa condamnation à garantir la société Sud Est Charpente à hauteur de 25 % de sa condamnation. Le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure et l'appel en garantie de la société Sud Est Charpente dirigé contre elle doit être rejeté.
Sur les frais d'expertise :
16. Le tribunal a condamné solidairement la société Bureau Veritas et la société Sud Est Charpente au paiement des frais d'expertise judiciaire d'un montant de 23 709,58 euros. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 7 et 8, la société Bureau Veritas Construction qui a obtenu satisfaction en appel, est fondée à demander la décharge du paiement de ces frais d'expertise et la réformation du jugement attaqué dans cette mesure.
Sur les frais d'instance :
17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des frais du litige par l'ensemble des parties.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la compagnie Maaf Assurance n'est pas admise.
Article 2 : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1904119 du tribunal administratif de Grenoble du 22 mars 2021 sont annulés en tant qu'ils condamnent, solidairement, la société Bureau Veritas Construction à indemniser la compagnie SMACL de la somme de 145 647 euros et la commune de Montélier de la somme de 12 485 euros, et mettent, solidairement, à sa charge les dépens liquidés à la somme de 23 709,58 euros.
Article 3 : L'article 6 du jugement est annulé en tant qu'il condamne les sociétés Cobat et Bureau Veritas Construction à garantir la société Sud Est Charpente à hauteur de 25 %.
Article 4 : Les conclusions à fin de condamnation présentées par la compagnie SMACL et la commune de Montélier contre la société Bureau Veritas Construction sont rejetées.
Article 5 : Les conclusions à fin d'appel en garantie de la société Sud Est Charpente dirigées contre la société Bureau Veritas Construction et la société Cobat sont rejetées.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bureau Veritas Construction, à la société Cobat, à la compagnie SMACL, à la commune de Montélier, à la société Betebat 26, à la société Sud Est Charpente en la personne de son liquidateur, à la société Oboussier et à la compagnie Maaf Assurances.
Délibéré après l'audience du 2 mars 2023 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbaretaz, président,
Mme Aline Evrard, présidente assesseure,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023.
La rapporteure,
Christine Psilakis
Le président,
Philippe Arbarétaz
Le greffier,
Julien Billot
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
2
Nos 21LY01511, 21LY01514