Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 31 mai 2021 par lequel le préfet de l'Ardèche a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, l'a astreint à se présenter une fois par semaine à la brigade de gendarmerie d'Annonay pour justifier des diligences effectuées pour préparer ce départ, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2104887 du 8 novembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 décembre 2021 et 4 avril 2022, M. B..., représenté par Me Prudhon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 novembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 31 mai 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation professionnelle ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet devait examiner sa demande de régularisation exceptionnelle ; l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de droit, à tout le moins, d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales par exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- compte tenu de sa présence en France depuis plus de dix ans, il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est disproportionnée.
La requête a été communiquée au préfet de l'Ardèche, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
- et les observations de Me Prudhon, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1982, relève appel du jugement du 8 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 31 mai 2021 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur la légalité de l'arrêté du 31 mai 2021 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Selon l'article L. 5221-5 du même code : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. (...). ". En vertu de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail (...) est faite par l'employeur (...) ". L'article R. 5221-12 de ce code précise que la liste des documents à présenter à l'appui d'une demande d'autorisation de travail est fixée par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'immigration et du travail. L'arrêté interministériel du 28 octobre 2016 précise la liste des pièces que l'employeur qui sollicite une autorisation de travail préalable à la délivrance, au bénéfice du ressortissant étranger concerné, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " doit joindre au formulaire de demande qu'il a renseigné. Aux termes de l'article R. 5221-17 du code du travail : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger ".
3. En premier lieu, il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la demande d'autorisation de travail présentée par un étranger déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet par l'employeur. Saisi régulièrement d'une telle demande, le préfet est tenu de l'instruire et ne peut pendant cette instruction refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente. Toutefois, aucune stipulation de l'accord franco-marocain ni aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet, saisi par un étranger déjà présent sur le territoire national et qui ne dispose pas d'un visa de long séjour, d'examiner la demande d'autorisation de travail ou de la faire instruire, préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance de titre de séjour.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité le 12 janvier 2021 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Le préfet de l'Ardèche a relevé que l'intéressé a produit une lettre d'embauche de l'entreprise " EARL du Moulin " pour un emploi d'aide agricole en contrat à durée indéterminée, accompagnée d'un formulaire Cerfa daté du 8 janvier 2020, lequel n'était pas visé par les autorités compétentes. Il a également fondé sa décision sur l'absence de visa de long séjour. Il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé seulement sur ce dernier motif, non contesté.
5. En deuxième lieu, les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration dont se prévaut le requérant, qui obligent de manière générale l'administration à inviter tout demandeur à compléter sa demande lorsque celle-ci ne comporte pas toutes les pièces ou informations exigées par les textes législatifs ou réglementaires, ne trouvaient pas à s'appliquer au cas d'espèce, alors que le préfet de l'Ardèche n'a pas opposé au requérant le caractère incomplet de sa demande. Par suite, ce moyen inopérant doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ".
7. Les premiers juges ont relevé l'absence de preuve d'une résidence habituelle et continue en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, notamment au regard des pièces produites pour les années 2012, 2015 et 2017. Le requérant ne justifie pas, par les pièces versées au dossier de première instance même complétées à hauteur d'appel, d'une résidence habituelle et continue en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, de sorte que le préfet n'était pas tenu de soumettre pour avis la demande de titre de séjour de l'intéressé à la commission du titre de séjour.
8. En quatrième lieu, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
9. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Ardèche a rejeté la demande de M. B... en considération de l'emploi d'aide agricole au sein de l'entreprise " EARL du Moulin " pour lequel postulait l'intéressé et après avoir notamment examiné l'opportunité d'exercer son pouvoir discrétionnaire et de régulariser sa situation. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen de sa situation professionnelle doit être écarté.
10. En cinquième lieu, M. B... est entré en France le 15 novembre 2005, muni d'un visa de long séjour portant la mention " travailleur saisonnier " valable du 14 novembre 2005 au 29 mars 2006. La seule circonstance qu'il bénéficie d'une expérience professionnelle en qualité d'ouvrier agricole ne suffit pas pour établir que le préfet de l'Ardèche aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
12. En second lieu, ainsi qu'il a été dit, le requérant ne justifie pas d'une résidence habituelle et continue en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Une telle circonstance ne ferait en tout état de cause pas obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
15. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".
16. M. B... ayant disposé d'un délai de départ volontaire, le préfet de l'Ardèche avait la simple faculté d'assortir l'éloignement du territoire de l'intéressé d'une interdiction de retour. Il résulte des termes mêmes de la décision contestée que pour la prononcer, le préfet a pris en compte les quatre critères énumérés par les dispositions précitées de l'article L. 612-10, a pris en considération sa durée de présence en France. En l'absence de liens personnels et familiaux sur le territoire national, et alors qu'il a fait l'objet, le 25 mai 2016, d'une précédente mesure d'éloignement, en prenant à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions.
17. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
18. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2023.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY03881