Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 20 juillet 2022 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois.
Par un jugement n° 2201641 du 9 septembre 2022, le magistrat désigné par la présidente tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 7 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Sonko, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 9 septembre 2022 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement ne mentionne ni la tenue d'une première audience, le 2 septembre 2022, ni la plaidoirie de son conseil, ni les observations du magistrat concernant son incompétence ;
- le tribunal administratif de Clermont-Ferrand était incompétent dès lors qu'il était domicilié à Lyon ;
- les décisions ont été signées par une autorité incompétente ;
- elles sont insuffisamment motivées et entachées d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il risque de subir des traitements inhumains et dégradants dans son pays d'origine, en raison de son engagement politique ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 12 juillet 1994, ressortissant bangladais, a déclaré être entré en France, le 12 août 2018. Sa demande d'asile a été rejetée le 19 août 2019 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Le 2 octobre 2020, la Cour nationale du droit d'asile a confirmé le rejet de sa demande d'asile. Le 8 octobre 2020, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Suite à son interpellation le 20 juillet 2022, par décisions du même jour, le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois. M. A... relève appel du jugement du 9 septembre 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 20 juillet 2022.
2. D'une part, en cas d'obligation de quitter le territoire français prise, comme en l'espèce, sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article R. 776-13-2 du code de justice administrative prévoit que : " La présentation, l'instruction et le jugement des recours obéissent, sans préjudice de la section 1, aux règles définies au premier alinéa de l'article R. 776-13, aux articles R. 776-15, R. 776-18, R. 776-20-1, R. 776-22 à R. 776-26, aux deuxième et quatrième alinéas de l'article R. 776-27 et à l'article R. 776-28. ". Aux termes de l'article R. 776-26 du code de justice administrative : " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience. ". Aux termes de l'article R. 776-16 de ce code : " Le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu où le requérant est placé en rétention ou assigné à résidence au moment de l'introduction de la requête ou, si elle a été introduite avant le placement en rétention ou l'assignation à résidence, au moment où cette mesure est décidée (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 312-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'il n'en est pas disposé autrement par les dispositions de la section 2 du présent chapitre ou par un texte spécial, le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel a légalement son siège l'autorité qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation, a pris la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 312-2 du même code : " Sauf en matière de contrats, la compétence territoriale ne peut faire l'objet de dérogations, même par voie d'élection de domicile ou d'accords entre les parties. / Lorsqu'il n'a pas été fait application de la procédure de renvoi prévue à l'article R. 351-3 et que le moyen tiré de l'incompétence territoriale du tribunal administratif n'a pas été invoqué par les parties avant la clôture de l'instruction de première instance, ce moyen ne peut plus être ultérieurement soulevé par les parties ou relevé d'office par le juge d'appel ou de cassation. ". Enfin, aux termes de l'article R. 312-8 de ce même code : " Les litiges relatifs aux décisions individuelles prises à l'encontre de personnes par les autorités administratives dans l'exercice de leurs pouvoirs de police relèvent de la compétence du tribunal administratif du lieu de résidence des personnes faisant l'objet des décisions attaquées à la date desdites décisions. ".
4. Il ressort des pièces du dossier de première instance et notamment du procès-verbal établi, le 20 juillet 2022, par les services de la gendarmerie nationale, lors de l'interpellation de M. A..., que ce dernier a déclaré être domicilié dans le troisième arrondissement de Lyon, et qu'il a fait l'objet, le même jour, d'un arrêté pris par le préfet du Rhône l'assignant à résidence, dans le département du Rhône, pour une durée de 45 jours, au vu de sa domiciliation dans le troisième arrondissement de Lyon. Il ressort également des pièces du dossier de première instance que M. A... a expressément soulevé l'exception d'incompétence du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, compte tenu de sa domiciliation, par un mémoire enregistré au greffe, le 8 septembre 2022, soit, avant la clôture de l'instruction, laquelle est intervenue, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 776-26 du code de justice administrative, après appel de l'affaire à l'audience, les parties n'ayant été ni présentes, ni représentées. Dans ces conditions, sa demande relevait, en application de l'article R. 312-8 précité du code de justice administrative, de la compétence territoriale du tribunal administratif de Lyon.
5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a statué sur sa demande en écartant l'exception d'incompétence soulevée devant lui. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé. Comme le demande le requérant, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Lyon pour qu'il soit à nouveau statué sur sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. A..., d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2201641 du 9 septembre 2022 du magistrat désigné par la présidente tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Lyon.
Article 3 : l'Etat versera à M. A... une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme et au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2023 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2023.
La rapporteure,
P. Dèche
Le président,
F. Bourrachot,
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY02964
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