Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner l'État à lui verser la somme de 331 111,77 euros, à parfaire au regard notamment d'une éventuelle modification à intervenir du taux de rachat des cotisations sociales, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 février 2012, en indemnisation des conséquences dommageables résultant du refus de l'État d'affilier son défunt époux au régime général de sécurité sociale et au régime complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques pour la période courant de 1961 à 1989 au titre de l'exercice du mandat sanitaire dont il était titulaire.
Par un jugement n° 2101473 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 3 juin 2022, présentée pour Mme A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2101473 du 5 avril 2022 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de prononcer la condamnation demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce que les premiers juges se sont abstenus d'indiquer quels sont les éléments précis et circonstanciés, qui, lors de la liquidation de la pension de réversion de l'activité libérale de son époux le 1er juin 2000 et donc via la seule information de la CRAPV du 13 juin 2000, qui auraient dû lui permettre de connaître sa créance et donc son préjudice dans toute son étendue ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la créance dont elle se prévalait était prescrite en fixant le point de départ du délai de prescription quadriennale au 1er janvier 2001, compte tenu de ce qu'elle avait obtenu une pension de réversion correspondant à l'activité libérale de son époux à compter du 1er juin 2000, alors que les seuls éléments portés à sa connaissance lors de la liquidation de la retraite libérale de son époux en 2000 étaient insusceptibles de laisser supposer qu'elle pouvait penser disposer d'une créance envers l'administration et que seul le titre de réversion d'une retraite au titre de l'activité salariée de son conjoint pouvait lui permettre d'observer qu'une partie de son activité salariée n'avait pas été prise en considération pour le calcul de sa pension de retraite ; elle est fondée à se prévaloir du principe de la confiance légitime ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que c'est seulement à compter du 1er janvier 1990, date d'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1989 que les rémunérations perçues au titre des actes accomplis dans le cadre d'un mandat sanitaire ont été assimilées, pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale alors que la réglementation spécifique au paiement des mandats sanitaires précisaient dès 1963 qu'il s'agissaient d'honoraires ;
- l'administration a commis une faute en n'affiliant pas son défunt époux au régime général de la sécurité sociale et au régime complémentaire de l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (IRCANTEC) en raison des activités de prophylaxie collective réalisées dans le cadre de mandats sanitaires entre 1961 et 1989 ;
- il revient à l'État, au regard des documents dont il dispose nécessairement en sa qualité d'employeur, de reconstituer le montant des salaires qui ont été perçus dans le cadre de ses mandats sanitaires ;
- il y avait lieu pour l'administration, à tout le moins, de prendre en considération l'assiette forfaitaire visée à l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale ;
- elle a droit à une somme de 173 937,39 euros au titre des cotisations de la Caisse de retraite et de la santé au travail (CARSAT), à une somme de 107 514,68 euros au titre des pensions de réversion de la CARSAT, une somme de 9 865,57 euros au titre des cotisations de l'IRCANTEC et une somme de 39 794,13 euros au titre des pensions de retraite de l'IRCANTEC.
Par un mémoire enregistré le 6 janvier 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le jugement attaqué est suffisamment motivé et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés en s'en remettant aux écritures de première instance.
Par une ordonnance du 19 décembre 2022 la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Dijon, à défaut de liaison du contentieux au regard des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 89-412 du 22 juin 1989 ;
- l'ordonnance n° 2011-863 du 22 juillet 2011 ;
- le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Rouchon, pour Mme A... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 avril 2023, présentée pour Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., au cours de sa carrière de vétérinaire libéral, a assuré des missions de prophylaxie collective des maladies d'animaux dans le cadre d'un mandat sanitaire que l'État lui a confié au cours des années 1961 à 1989 sur le territoire du département de Saône-et-Loire. Au titre de ces missions, il a perçu des rémunérations, assimilables à des salaires, qui n'ont pas donné lieu à cotisation aux régimes de retraites gérés par la Caisse de retraite et de la santé au travail (CARSAT) et l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (IRCANTEC). M. A... est décédé le 1er juin 1991, date à laquelle il n'avait pas encore cessé son activité ni, par suite, fait valoir ses droits à la retraite. Sa veuve, Mme A..., a obtenu, d'abord, une pension de réversion au titre de l'activité libérale de son défunt conjoint, le 1er juin 2000, puis une pension de réversion au titre de l'activité en qualité de salarié de son époux décédé, à compter du 1er juillet 2016. Mme A... avait présenté initialement une demande auprès du directeur départemental de la protection des populations de Saône-et-Loire, par lettre du 15 février 2012, tendant au règlement par l'État des cotisations patronales et salariales URSSAF et IRCANTEC non réglées par la direction des services vétérinaires pendant l'activité de son conjoint, auxquelles devait être ajouté le montant des mensualités de retraite CARSAT et IRCANTEC " non perçues depuis le départ en retraite du fait de la non déclaration aux services sociaux ". Après le rejet implicite de cette demande, Mme A... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Dijon d'une demande de provision. Par un arrêt du 11 avril 2019, la cour a annulé l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Dijon du 30 mai 2017 ayant condamné l'État au versement au profit de Mme A... d'une provision d'un montant de de 288 249,36 euros. Mme A... a ensuite saisi le tribunal administratif de Dijon d'une demande, enregistrée au greffe de cette juridiction le 1er juin 2021, de condamnation de l'État à lui verser la somme de 331 111,77 euros, assortie des intérêts au taux légal en réparation du préjudice subi du fait du défaut d'affiliation par l'État aux régimes général et complémentaire de sécurité sociale pour les missions que M. A... avait effectuées au titre d'un mandat sanitaire pour la période courant de 1961 à 1989. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande, au motif de la prescription de sa créance.
2. En premier lieu, pour l'application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics, une créance telle que celle dont se prévaut Mme A... ne se rattache pas à chaque année au titre de laquelle les cotisations de sécurité sociale sont dues, non plus qu'à chaque année au cours de laquelle les pensions correspondantes auraient dû être versées, mais à l'année au cours de laquelle le préjudice peut être connu dans toute son étendue, c'est-à-dire, en l'espèce, à la date à laquelle elle avait obtenu une pension de réversion au titre de l'activité salariée de son époux.
3. Ainsi, elle n'a pu avoir connaissance de toute l'étendue de son préjudice, correspondant à une minoration de sa pension de réversion CARSAT et IRCANTEC ainsi qu'aux cotisations à verser pour obtenir une pension de réversion complète au titre de l'activité salariée de son époux, qu'à compter du 1er juillet 2016, par l'effet d'une décision de la CARSAT notifiée le 7 novembre 2016. Ainsi, à la date à laquelle Mme A... a saisi le tribunal administratif de Dijon d'une demande de condamnation de l'État à l'indemniser des préjudices subis, et eu égard à la saisine du juge des référés au titre d'une provision, sa créance n'était pas prescrite. C'est, dès lors, à tort que, pour rejeter la demande de Mme A..., les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de la prescription de sa créance.
4. Toutefois, en second lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif.
5. Or, si Mme A... a présenté, ainsi qu'il a été dit au point 1, par lettre du 15 février 2012, une demande auprès du directeur départemental de la protection des populations de Saône-et-Loire, celle-ci tendait seulement, ainsi qu'il ressort des termes même de cette lettre, d'une part, au règlement par l'État, aux organismes de retraite et non à elle-même, des cotisations patronales et salariales non réglées par la direction des services vétérinaires pendant l'activité de son époux, et, d'autre part, au versement du montant des mensualités de retraite CARSAT et IRCANTEC non perçues, à la date de cette demande, depuis le départ en retraite du fait de la non déclaration aux services sociaux. Une telle demande ne constituait donc pas une réclamation indemnitaire tendant à l'indemnisation par l'État des préjudices que Mme A... affirme avoir subis en conséquence, d'une part, du remboursement des cotisations patronales et salariales qu'elle aura à acquitter en lieu et place de l'État pour la période en cause et, d'autre part, au titre d'une minoration de sa pension de réversion au titre de l'activité salarié de son conjoint décédé depuis le versement d'une telle pension, qui n'était pas encore intervenu. Si cette lettre indiquait également qu'à défaut de réponse à sa demande dans un délai de soixante jours elle saisirait le tribunal administratif d'une demande de condamnation au versement de dommages et intérêts résultant d'une faute commise par l'État, les préjudices dont il serait demandée l'indemnisation n'étaient pas mentionnés. Et il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... aurait ultérieurement adressé à l'administration une réclamation préalable indemnitaire aux fins d'indemnisation de ces préjudices. Dès lors, les conclusions de la demande indemnitaire dont Mme A... avait saisi le tribunal administratif de Dijon était irrecevables en l'absence d'une demande d'indemnisation préalable.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige exposés à l'occasion de la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023.
Le rapporteur,
Ph. SeilletLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01758
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