Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux requêtes, M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012 et des majorations correspondantes.
Par un jugement nos 1805381 et 1901812 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas admis l'intervention de Me Tournoud dans l'instance n° 1805381 et a rejeté les demandes de M. B....
Procédure devant la cour
I - Par une requête, enregistrée le 1er février 2022 sous le n° 22LY00314, M. B..., représenté par Me Tournoud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'admettre l'intervention du cabinet Arbor-Tournoud et associés ;
3°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sur la recevabilité de l'intervention du cabinet Arbor-Tournoud et associés, ce cabinet justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige pour intervenir à l'instance ;
- la proposition de rectification du 28 mai 2014 qui lui a été adressée est irrégulière dans la mesure où la SCI La Verrerie a été liquidée et radiée du registre du commerce et des sociétés le 20 décembre 2012 et que l'administration n'a pas fait désigner un administrateur ad hoc ;
- l'administration a méconnu l'article L. 53 du livre des procédures fiscales en engageant une procédure de rectification des résultats de la SCI La Verrerie alors qu'elle ne disposait pas d'un mandataire désigné ; aucune pièce de procédure ne pouvait être notifiée durant cette période ;
- l'administration a adressé la réponse aux observations du contribuable uniquement à son conseil alors qu'il n'avait pas fait élection de domicile au cabinet de ce mandataire ;
- l'autorité de chose jugée par la cour administrative d'appel de Lyon dans son arrêt du 27 août 2019 ne peut lui être opposée dès lors qu'il est établi, par un fait postérieur à l'arrêt, que celui-ci a été rendu sur la base d'une erreur, son conseil ne lui ayant pas fait parvenir la réponse aux observations du contribuable.
Par un mémoire, enregistré le 20 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
II - Par une requête, enregistrée le 2 février 2022 sous le n° 22LY00329, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 juillet 2022, le cabinet Arbor-Tournoud et associés, représenté par Me Villemagne, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'admettre son intervention ;
3°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son intervention est recevable dès lors qu'il justifie d'un intérêt suffisant, eu égard à la nature et à l'objet du litige, à intervenir dans l'instance opposant de M. B... à l'administration fiscale ; l'administration et la cour administrative d'appel de Lyon dans son arrêt du 27 août 2019 lui imputent un comportement tiré de ce qu'il aurait nécessairement communiqué la réponse aux observations du contribuable à son client ; cette affirmation préjudicie aux intérêts de son client et aux siens en tant qu'avocat ;
- il conteste avoir communiqué à son client la réponse aux observations du contribuable ; l'administration reconnaît que la réponse aux observations du contribuable n'a pas été remise à M. B... ; l'article 21-4-4 du règlement intérieur national de la profession d'avocat prohibe le fait de donner au juge une information fausse ou de nature à l'induire en erreur ;
- la réponse aux observations du contribuable a été adressée non pas à M. B... par l'intermédiaire de son avocat mais à son conseil lui-même alors qu'il n'avait pas fait élection de domicile auprès de ce mandataire ; la procédure est irrégulière dès lors que l'absence de réponse de l'administration aux observations présentées par M. B... l'a privé de la garantie instaurée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- il n'appartient ni à l'administration ni au juge de porter une appréciation sur le contenu et la portée du mandat de l'avocat et sur la manière dont il devrait être exercé.
Par un mémoire, enregistré le 20 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;
Une note en délibéré, présentée pour M. A... B..., a été enregistrée le 29 juin 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes nos 22LY00314 et 22LY00329 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. La SCI La Verrerie dont M. A... B... était le gérant et l'associé à hauteur de 48 % du capital jusqu'à sa liquidation le 20 décembre 2012, a fait l'acquisition en 2007 dans le cadre d'un contrat de crédit-bail de locaux industriels situés au Fontanil-Cornillon (Isère), qu'elle a donnés en location après la levée de l'option d'achat le 13 décembre 2007. A la suite d'un contrôle sur pièces de la déclaration d'ensemble des revenus n° 2042 que M. B... a déposé au titre de l'année 2012 et des déclarations de revenus fonciers n° 2072 que la SCI La Verrerie a déposées au titre des années 2011 et 2012, M. B... a été assujetti, suivant la procédure contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu à proportion des parts sociales qu'il détenait dans la SCI La Verrerie résultant, d'une part, au titre des années 2011 et 2012, de la remise en cause des frais et charges que la SCI La Verrerie avait déduits de ses revenus fonciers et, d'autre part, au titre de l'année 2012, de la taxation de la plus-value professionnelle réalisée lors de la levée de l'option d'achat pour laquelle le report d'imposition avait pris fin en 2012, lors de la cession des locaux. Les compléments d'impôt sur le revenu assignés à M. B..., de même que les compléments de contributions sociales auxquels il a été corrélativement assujetti, ont été assortis, d'une part, de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts s'agissant de la plus-value en report d'imposition et, d'autre part, de la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts s'agissant des revenus fonciers. M. B... relève appel du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes. Le cabinet Arbor-Tournoud et associés relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas admis son intervention.
Sur la recevabilité de l'intervention du cabinet Arbor-Tournoud et associés en première instance :
3. Est recevable à former une intervention toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige. En l'espèce, eu égard à la nature et à l'objet du litige, le cabinet Arbor-Tournoud et associés, en sa qualité de conseil, ne justifie pas d'un intérêt suffisant de nature à le rendre recevable à intervenir devant le juge de l'impôt. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Grenoble n'a pas admis son intervention.
Sur l'exception de chose jugée par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 27 août 2019 concernant les compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales afférents à la plus-value professionnelle :
4. Il résulte de l'instruction, ainsi que le fait valoir le ministre que, par un arrêt du 27 août 2019 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la requête présentée par M. B... tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2012 concernant le chef de rectification relatif à la plus-value professionnelle, dans laquelle il soulevait des moyens relatifs tant à la régularité de la procédure d'imposition qu'au bien-fondé des impositions. Si M. B... entend contester de nouveau les impositions supplémentaires mises à sa charge en se fondant notamment sur des moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'imposition, l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 27 août 2019, qui résulte de la triple identité de parties, d'objet et de cause juridique fait obstacle à ce que M. B... critique à nouveau la régularité de la procédure d'imposition, alors même qu'il invoque de nouveaux moyens se rapportant à cette cause juridique. A cet égard, la circonstance invoquée par le requérant que son conseil a contesté lui avoir communiqué la réponse de l'administration aux observations du contribuable postérieurement à l'arrêt, qui n'est pas de nature, en elle-même, à avoir modifié l'objet du litige est, par conséquent, sans incidence sur l'autorité de chose jugée par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 27 août 2019.
Sur les compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales dans la catégorie des revenus fonciers :
5. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " (...) les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (...). / Il en est de même, sous les mêmes conditions : 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". Aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même. "
6. Il est constant que la SCI La Verrerie a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, que M. B... a été désigné comme liquidateur de la société, qu'après la clôture des opérations de liquidation, la société a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 20 décembre 2012 et que la procédure de vérification des déclarations de la SCI La Verrerie a été engagée et poursuivie jusqu'à la notification de la proposition de rectification du 28 mai 2014 avec M. B..., en tant que gérant et liquidateur de la SCI La Verrerie. Si M. B... soutient que l'administration n'a pas fait désigner en justice un mandataire ad hoc postérieurement à la liquidation pour représenter la SCI la Verrerie, il n'établit pas que l'administration aurait été tenue de le faire, cette désignation pouvant résulter d'une décision prise par les associés. A cet égard, le requérant ne produit aucune pièce, qu'il s'agisse des statuts de la SCI, de la décision de clôture de la liquidation ou de la décision mettant fin au mandat de représentation de la société qui lui a été confié pendant les opérations de liquidation, de nature à démontrer qu'en l'absence de désignation d'un mandataire par les associés, il appartenait à l'administration fiscale de saisir le juge judiciaire, et ce alors que l'intéressé n'a jamais contesté, lors de la procédure de vérification des déclarations de la SCI La Verrerie, en être le représentant et qu'il s'est comporté comme tel en répondant aux demandes du vérificateur. Il s'ensuit que l'administration a pu régulièrement conduire la procédure de rectification des résultats de la SCI La Verrerie avec M. B... et lui notifier, en sa qualité de représentant, la proposition de rectification du 28 mai 2014 adressée à celle-ci. Par ailleurs, M. B... a été, à titre personnel, destinataire d'une proposition de rectification datée du 1er juillet 2014, lui notifiant les rehaussements de ses revenus fonciers en conséquence du contrôle de la SCI, à proportion de ses droits dans le capital social de celle-ci. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la notification de la proposition de rectification du 28 mai 2014 doit être écarté.
7. Si M. B... soutient que l'administration s'est abstenue de lui adresser personnellement la réponse aux observations qu'il avait formulée le 12 juillet 2014 à la suite de la proposition de rectification du 1er juillet de la même année et s'est bornée à l'adresser à son conseil alors qu'il n'avait pas fait élection de domicile auprès de ce mandataire, il résulte de l'instruction que, dans son courrier du 12 juillet 2014, M. B... n'a formulé aucune observation relative aux rectifications afférentes aux revenus fonciers, qui doivent, dès lors, être regardées comme ayant été tacitement acceptées, et, qui, par ailleurs, ne relèvent pas de la compétence de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Par suite, l'absence de notification personnelle de la réponse aux observations du contribuable n'a, en tout état de cause, privé M. B... ni de la garantie prévue à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et ni de la garantie prévue à l'article L. 59 du même livre.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... et le cabinet Arbor-Tournoud et associés ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. B... et du cabinet Arbor-Tournoud et associés sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au cabinet Arbor-Tournoud et associés et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2023.
La rapporteure,
R. Caraës
La présidente,
A. CourbonLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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Nos 22LY00314 - 22LY00329