Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2200538 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 novembre 2022 et 10 mai 2023, M. B..., représenté par Me Brey, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est demandé à la cour de solliciter, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, la communication de son entier dossier médical ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour qui la fonde ;
- cette décision méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision désignant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire, enregistré le 22 juin 2023, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 500 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Courbon, présidente ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant kosovar né le 15 juin 1961, est entré en France le 17 avril 2018 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 12 septembre 2019, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 31 janvier 2020. Il a obtenu un titre de séjour en qualité d'étranger malade valable du 17 juillet 2020 au 16 juillet 2021, dont il a sollicité le renouvellement le 9 juin 2021. Par un arrêté du 21 janvier 2022, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. M. B... relève appel du jugement du 23 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.
4. Pour refuser d'admettre M. B... au séjour, le préfet de la Côte-d'Or s'est notamment appuyé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 9 décembre 2021 indiquant que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque. M. B..., qui souffre d'une insuffisance rénale chronique terminale nécessitant trois séances de dialyse par semaine, d'une cardiopathie ischémique sévère avec une fraction d'éjection du ventricule gauche à 25 % ayant nécessité l'implantation d'un défibrillateur et d'une artériopathie oblitérante des membres inférieurs de stade 4, produit deux certificats médicaux, établis en février 2022 par des praticiens hospitaliers du service de néphrologie du centre hospitalier universitaire Dijon Bourgogne, qui décrivent ses pathologies et indiquent qu'une interruption des séances de dialyse entrainerait un risque vital à court terme, sans toutefois conclure à l'impossibilité d'accéder à ces soins au Kosovo. Il produit également un courrier de l'équipe médico-chirurgicale de ce centre hospitalier du 14 février 2022 préconisant la réalisation d'un pontage coronarien, lequel, outre qu'il ne précise pas la date programmée pour l'intervention, ne mentionne pas davantage qu'il ne pourrait être pris en charge au Kosovo à ce titre. Par ailleurs, si l'attestation établie le 7 juillet 2022 par le conseil des néphrologues du " service hospitalier et clinique universitaire de Kosovo " indique qu'une greffe de rein ne peut pas être réalisée dans ce pays, il ne ressort d'aucune pièce médicale figurant au dossier qu'une greffe lui serait indispensable dans un avenir proche, l'intéressé étant, en France, traité par dialyse. Au demeurant, il ressort des termes de cette attestation que M. B... a été pris en charge dans ce service pour un traitement par hémodialyse à compter de septembre 2015, avant son arrivée en France. Enfin, le requérant ne saurait se prévaloir du certificat médical établi en septembre 2018 par un praticien hospitalier du centre hospitalier universitaire Dijon Bourgogne, antérieur de plus de trois ans à la date de la décision contestée. Dans ces conditions, les pièces produites par M. B... ne permettent pas d'établir que, contrairement à ce qu'a estimé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, il ne peut bénéficier d'un traitement approprié au Kosovo. Par suite, et sans qu'il soit besoin de solliciter la production de l'entier dossier médical sur la base duquel ce collège de médecins s'est prononcé, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. B... peut bénéficier d'un traitement approprié de ses pathologies au Kosovo. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, M. B... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
7. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt.
8. En troisième lieu, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision désignant le pays de destination :
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application, ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, M. B... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige.
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet de la Côte-d'Or tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2023.
La présidente-rapporteure,
A. Courbon
L'assesseure la plus ancienne,
R. Caraës
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY03352