Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 février 2023 par lequel la préfète du Rhône a décidé sa remise aux autorités estoniennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par jugement n° 2300828 du 6 mars 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 mai 2023, présentée pour Mme B..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2300828 du 6 mars 2023 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;
3°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que la décision méconnaît l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant eu égard à la présence en France de son époux qui a formé un recours contre le refus d'asile qui lui a été opposé.
Par un mémoire enregistré le 21 juin 2023, la préfète du Rhône conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 avril 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- et les observations de Me Bailly-Colliard, pour Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité arménienne, née le 6 avril 1993 à Khadjaran (Arménie), entrée régulièrement en France le 27 octobre 2022 avec ses deux enfants mineurs, a déposé une demande d'asile enregistrée à la préfecture du Rhône le 7 décembre 2022. La consultation du fichier européen Vis a fait alors apparaître que Mme B... était titulaire d'un visa délivré par les autorités estoniennes valide du 27 octobre 2022 au 23 novembre 2022 qui lui avait permis de pénétrer sur le territoire des États membres. Les autorités estoniennes, saisies d'une demande de prise en charge de Mme B..., le 4 janvier 2023, ont fait connaître leur accord explicite pour sa réadmission, ainsi que celle de ses enfants, le 20 janvier 2023. Par arrêté du 2 février 2023, la préfète du Rhône a ordonné son transfert aux autorités estoniennes responsables de sa demande d'asile. Mme B... relève appel du jugement du 6 mars 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de la préfète du Rhône du 2 février 2023.
2. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation (...), chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers (...), même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un État tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
3. Si Mme B... a fait état, dans ses écritures de première instance, de la présence en France de son époux, qui y avait sollicité l'asile le 10 mai 2022, et si elle se prévaut de leurs liens et de ceux entre son époux et ses enfants, en produisant, en outre, en appel, un certificat médical établissant son état de grossesse depuis le 25 décembre 2022, il ressort des pièces du dossier que, comme l'a relevé le premier juge, son époux, à supposer même établie la réalité de leurs relations, alors pourtant que la requérante avait mentionné lors de l'enregistrement de sa demande d'asile être divorcée, ne dispose plus du droit de se maintenir en France suite au rejet de sa demande d'asile par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 novembre 2022, notifiée le 29 novembre 2022, confirmée au demeurant depuis par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 14 juin 2023, ainsi qu'il ressort des pièces produites par la préfecture en appel. En outre la requérante n'établit pas, eu égard à la durée de son propre séjour en France, d'un peu plus de trois mois seulement à la date de la décision qu'elle conteste, et à la durée de la présence en France de son époux, entré en France le 14 octobre 2021, l'intensité et l'ancienneté des liens dont elle se prévaut qui feraient obstacle à une séparation le temps de l'examen de sa demande d'asile. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue au 1 de l'article 17 précité du règlement (UE) n° 604/2013. Elle n'a pas davantage entaché la décision en litige d'une violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision en litige ne méconnaît pas davantage les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant, selon lesquelles : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ", qui n'imposent pas de préserver l'unité de la cellule familiale en France, exclusivement, et alors que rien ne fait obstacle à ce que ses enfants, scolarisés depuis quelques mois seulement en France à la date de la décision en litige, poursuivent leur scolarité dans un autre pays.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la mise à la charge de l'État au profit de son conseil des frais exposés à l'occasion de la présente instance dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.
Le rapporteur,
Ph. SeilletLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY01670 2
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