La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/09/2023 | FRANCE | N°21LY01703

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 13 septembre 2023, 21LY01703


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision du 6 juin 2019 par laquelle le président du conseil départemental de l'Yonne a refusé de reconnaître les arrêts de travail couvrant la période du 6 avril 2007 au 5 avril 2012 comme imputables au service ;

2°) d'enjoindre au président du conseil départemental de l'Yonne de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie déclarée le 6 avril 2007 et des arrêts de travail co

uvrant la période du 6 avril 2007 au 5 avril 2012, et d'en tirer toutes les conséquences, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision du 6 juin 2019 par laquelle le président du conseil départemental de l'Yonne a refusé de reconnaître les arrêts de travail couvrant la période du 6 avril 2007 au 5 avril 2012 comme imputables au service ;

2°) d'enjoindre au président du conseil départemental de l'Yonne de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie déclarée le 6 avril 2007 et des arrêts de travail couvrant la période du 6 avril 2007 au 5 avril 2012, et d'en tirer toutes les conséquences, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-l du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2001067 du 26 mars 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 31 mai 2021 et un mémoire en réplique, enregistré le 16 mai 2022, qui n'a pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me Brey, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 26 mars 2021 ;

2°) d'annuler la décision de refus d'imputabilité du 6 juin 2019, ou, subsidiairement, d'ordonner une expertise ;

3°) d'enjoindre au président du conseil départemental de l'Yonne de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie et d'en tirer toutes les conséquences, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-l du code de justice administrative.

Elle soutient,

A titre principal, que :

- l'expert missionné par l'administration ayant fondé l'avis de la commission de réforme n'a examiné ses arrêts de travail que sous l'angle de l'accident de service et non sous l'angle de la maladie professionnelle ;

- sa maladie est directement imputable à ses conditions de travail et non liée à un état antérieur ;

- la décision en litige est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle se fonde sur les dispositions inapplicables de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ;

A titre subsidiaire, que la commission de réforme était irrégulièrement composée, en l'absence d'un médecin spécialiste.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2021, le département de l'Yonne, représenté par la SCP SEBAN et ASSOCIÉS, agissant par Me Carrere, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Par ordonnance du 5 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 mai 2022.

Par une lettre du 21 juin 2023, la cour a informé les parties, qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de de la méconnaissance du champ d'application de la loi en raison de l'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, et de ce que la cour est susceptible de substituer d'office aux dispositions précitées celles de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Hubert-Hugoud pour le département de l'Yonne.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., assistante socio-éducative au sein des services du département de l'Yonne, a exercé ses fonctions jusqu'au 31 mai 2012, date à laquelle elle a été mise en retraite pour invalidité après avoir été placée en congé de longue durée du 6 avril 2007 au 5 avril 2012. Par un courrier du 22 mars 2017, elle a déclaré avoir subi un accident de service. Dans sa séance du 21 novembre 2017, la commission de réforme a émis un avis défavorable à la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident et d'une maladie, en considérant qu'il existait un état antérieur non imputable au service. Par une première décision du 4 décembre 2017, le président du conseil départemental de l'Yonne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cette maladie. Cette décision a été annulée par un jugement n° 1800893 du 4 décembre 2018, devenu définitif, du tribunal administratif de Dijon, pour défaut de motivation. Après un nouvel avis défavorable de la commission de réforme en date du 14 mai 2019, le président du conseil départemental de l'Yonne a pris une nouvelle décision du 6 juin 2019, refusant de reconnaître comme imputables au service les arrêts de travail couvrant la période du 6 avril 2007 au 5 avril 2012. Mme A... relève appel du jugement du 26 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, le moyen tiré de la composition irrégulière de la commission de réforme en l'absence d'un médecin spécialiste doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges, au point 5 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau ont été rendues applicables aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 est manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. L'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'est donc entré en vigueur, en tant qu'il s'applique à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique.

4. Il s'ensuit que les dispositions de l'article 57 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 aux termes desquelles " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...), le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) " sont seules applicables au présent litige.

5. En opposant à Mme A... un motif tiré de ce que la pathologie constatée le 19 mai 2006 ne figurait pas sur la liste officielle des maladies professionnelles, le président du conseil départemental a ainsi méconnu le champ d'application de la loi en examinant sa demande sur le fondement des dispositions, inapplicables, de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983.

6. Le pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité administrative en vertu des dispositions de l'article 57 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 est le même que celui dont l'investissent les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Les garanties dont sont assortis ces textes sont similaires. Dans ces conditions, et ainsi qu'en ont été informées les parties, il y a lieu de substituer ces dispositions à la base légale retenue par le président du conseil départemental.

7. En troisième lieu, dans son courrier du 22 mars 2017, Mme A... a déclaré avoir subi un accident de service, sans toutefois se prévaloir d'aucun évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service. Ayant fait valoir l'existence d'une pathologie psychiatrique en rapport avec son activité professionnelle, sa demande a également été traitée comme une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie. Si Mme A... soutient que l'expert psychiatre missionné par l'administration pour déterminer si les arrêts de travail qui lui ont été délivrés étaient imputables au service au titre d'un accident de service, n'a pas examiné sa demande sous l'angle de la maladie professionnelle, le rapport de ce médecin du 10 juin 2017, ayant fondé l'avis de la commission de réforme, a bien examiné si les difficultés au travail étaient ou non responsables de l'éclosion et de l'évolution de la maladie bipolaire dont souffre l'intéressée.

8. En quatrième lieu, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

9. Pour soutenir que sa maladie serait directement imputable à ses conditions de travail, Mme A... invoque, sans autre élément, un épuisement professionnel dû à une surcharge de travail, laquelle n'est nullement corroborée par aucune pièce du dossier. Le décès, dans des circonstances tragiques, du beau-fils d'une de ses collègues, invoqué par Mme A..., est par lui-même insusceptible d'établir que sa pathologie présenterait un lien direct avec l'exercice de ses fonctions. Il ressort du rapport d'expertise psychiatrique que Mme A... souffre d'une maladie bipolaire, alternant des épisodes dépressifs et des épisodes d'hypomanie, depuis au moins 1994, année au cours de laquelle elle a présenté un épisode dépressif majeur dans un contexte de rupture amoureuse. Elle est suivie depuis plusieurs années par un psychologue. Si l'expert précise que les difficultés au travail ont pu précipiter la rechute et l'accentuation de sa maladie, l'état antérieur aux arrêts de travail du 6 avril 2007 au 5 avril 2012 que présente la requérante et que les attestations de ses proches versées à hauteur d'appel ne suffisent pas à contredire, conduit en l'espèce à détacher l'aggravation de la maladie du service.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au président du conseil départemental de l'Yonne de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie et d'en tirer toutes les conséquences, ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la requérante demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge du conseil départemental de l'Yonne, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par le département de l'Yonne.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département de l'Yonne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administratives sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au département de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2023.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet de l'Yonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01703
Date de la décision : 13/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie. - Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BREY

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-09-13;21ly01703 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award