Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 août 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2206642 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2023, Mme B... C..., représentée par Me Bescou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les décisions du 5 août 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entachée d'erreur de droit, le préfet n'ayant pas pris en compte l'ensemble des éléments figurant à l'article R. 5221-20 du code du travail ; le préfet n'a pas apprécié le motif exceptionnel invoqué au regard de la nature de l'emploi occupé, du contrat de travail signé, de ses diplômes et de sa qualification professionnelle ;
- le préfet n'a ainsi pas procédé à un examen préalable, réel et sérieux de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour déposée au titre du travail ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tant qu'il prévoit la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et celle d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ;
- à cet égard, elle remplit les conditions de régularisation prévues par la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour qui la fonde ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision relative au délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français.
La préfète du Rhône, qui a reçu communication de la requête, n'a pas présenté d'observations.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 8 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,
- et les observations de Me Bescou, représentant Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante albanaise née 24 décembre 1999, est entrée en France en mars 2013, alors qu'elle était mineure. Elle a été prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du 22 janvier 2015 au 23 décembre 2017. Le 13 mars 2018, après sa majorité, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un jugement n° 2006729 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet du Rhône sur cette demande et lui a enjoint de procéder au réexamen de celle-ci. Par un arrêté du 5 août 2022, le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C..., l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 8 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Mme C... se prévaut de sa durée de résidence en France, de la présence, sur le territoire national, de son compagnon et de leur fille, née en 2018, de ses parents et de ses frères, ainsi que de son insertion dans la société française. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les parents et les frères de Mme C..., qui ont fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement non exécutées, sont en situation irrégulière sur le territoire national, tout comme son compagnon, M. A..., qui a fait l'objet, en dernier lieu, d'une mesure d'éloignement le 5 août 2022. Il n'est fait état d'aucun obstacle à la reconstitution de la cellule familiale formée par le couple et l'enfant en Albanie, pays dont elle et son compagnon ont la nationalité. L'intéressée n'a validé aucun diplôme à l'issue de la scolarité qu'elle a suivie en France. La circonstance qu'elle a conclu, en 2021, un contrat de professionnalisation en vue d'obtenir le certificat de qualification de maître d'hôtel ne suffit pas, à elle seule, à justifier d'une insertion socio-professionnelle notable sur le territoire national et à lui ouvrir un droit au séjour. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de son séjour en France, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
5. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de cet article, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
6. Il ne ressort ni des termes de la décision attaquée, ni des pièces du dossier que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à un examen préalable, réel et sérieux de la demande d'admission exceptionnelle au séjour déposée par Mme C... au titre du travail.
7. Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet du Rhône, s'il a mentionné, à juste titre, que le contrat de professionnalisation conclu par Mme C... en septembre 2021 en vue de la préparation au certificat de qualification professionnelle de maître d'hôtel ne constituait pas, à lui seul, un motif exceptionnel justifiant son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salariée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle ne justifiait pas d'une ancienneté de travail suffisamment établie, ne s'est pas fondé sur ces seuls éléments pour refuser de lui délivrer un titre de séjour, mais a pris en compte le parcours scolaire et professionnel de l'intéressée, sa qualification, son expérience et ses diplômes pour estimer que l'ensemble de ces éléments ne constituaient pas un tel motif. Contrairement à ce qui est soutenu, le préfet du Rhône n'était pas tenu de se prononcer sur tous les critères mentionnés à l'article R. 5221-20 du code du travail, lequel ne concerne que la délivrance des autorisations de travail préalables à la délivrance de titres de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
8. Les éléments caractérisant la situation personnelle et familiale de Mme C..., décrits au point 3 ci-dessus, ne constituent pas des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, c'est sans commettre d'erreur manifeste que le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer, à titre exceptionnel, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par ailleurs, si l'intéressée justifie avoir conclu un contrat de professionnalisation en septembre 2021, dans le cadre duquel elle bénéficie d'un contrat à durée déterminée de dix-huit mois dans un restaurant au titre du volet professionnel de cette formation en alternance, cette seule circonstance ne saurait être regardée, au regard de l'ensemble de sa situation, comme un motif exceptionnel ouvrant droit à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " alors que Mme C... ne justifie d'aucun diplôme et que l'expérience professionnelle dont elle se prévaut est inférieure à un an à la date de la décision contestée. Par suite, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer, à titre exceptionnel, un titre de séjour portant la mention " salarié ".
9. En troisième lieu, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement des articles L. 312-3 et D. 312-11 du code des relations entre le public et l'administration, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour l'exercice de ce pouvoir.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
11. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que le refus d'admission au séjour contesté n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer la fille mineure de Mme C... de l'un de ses parents, dès lors que la cellule familiale pourra se reconstituer en Albanie, où elle pourra poursuivre sa scolarité. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît les stipulations précitées doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision par laquelle le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C... n'est pas illégale. Par suite, l'intéressée n'est pas fondée à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
13. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 3 et 11 du présent arrêt.
Sur la décision relative au délai de départ volontaire :
14. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision relative au délai de départ volontaire.
Sur la décision désignant le pays de destination :
15. La décision obligeant Mme C... à quitter le territoire français n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi, ne peut qu'être écarté. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application, ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, Mme C... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
16. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées, ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2023.
La rapporteure,
A. Courbon
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY00038