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16/11/2023 | FRANCE | N°23LY00347

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 16 novembre 2023, 23LY00347


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... F... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2205760 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande d'annulation (article 1er) et a enjoint au préfet de l'Isère d

e procéder au réexamen de sa situation sous trois mois (article 2).

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... F... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2205760 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande d'annulation (article 1er) et a enjoint au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de sa situation sous trois mois (article 2).

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2023, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme F... C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2022 ;

Il soutient que :

- le tribunal administratif devait apprécier la légalité de l'arrêté du 21 juillet 2022 à la date de son édiction, et en fonction des documents présentés à l'appui de la demande de titre de séjour dont disposait la préfecture pour prendre sa décision ;

- c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à la demande de substitution de motif qu'il a formulée, tiré de l'absence de participation du père, de nationalité française, à l'entretien et l'éducation de l'enfant de Mme F... C..., dès lors que les justificatifs produit en première instance ne permettent pas d'établir la réalité de sa participation financière à l'entretien de cet enfant ;

- en tout état de cause, il n'est pas justifié de la participation du père à l'éducation de l'enfant ;

- l'arrêté du 21 juillet 2022 a été signé par une autorité compétente ;

- cet arrêté est suffisamment motivé ;

- il fait suite à un examen particulier de la situation de Mme F... C... ;

- la décision de refus de titre de séjour ne méconnaît pas les articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'est pas démontré que le père de l'enfant contribue à son entretien et son éducation, motif qui doit être substitué à celui tiré de l'absence de résidence en France de l'enfant ;

- cette décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle n'est entachée d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de Mme F... C... ;

- Mme F... C... ayant, à bon droit, fait l'objet d'un refus de séjour, elle pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 30 mars 2023, Mme F... C..., représentée par Me Gillioen, conclut :

1°) au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 2 de ce jugement, par lequel le tribunal a enjoint au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de sa situation ;

2°) d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de l'Isère ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... F... C..., ressortissante brésilienne, née le 3 août 1996, est entrée en France métropolitaine le 24 décembre 2020 selon ses déclarations, après avoir vécu en Guyane. Le 28 juillet 2021, elle a demandé la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 21 juillet 2022, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un jugement du 30 décembre 2022, dont le préfet de l'Isère relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté. Par la voie de l'appel incident, Mme F... C... demande l'annulation de l'article 2 de ce jugement enjoignant au préfet de procéder au réexamen de sa situation.

Sur l'appel principal du préfet de l'Isère :

2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 423-8 de ce code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant./ Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... C... est mère d'un enfant de nationalité française, Lucca A... H..., né le 22 avril 2021 à Villeurbanne, reconnu le 28 août 2020 par M. D... A..., ressortissant français résidant en Guyane. Cet enfant réside avec elle sur le territoire métropolitain depuis sa naissance. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif au point 3 de sa décision, le préfet de l'Isère, qui ne le conteste d'ailleurs pas, ne pouvait fonder le refus de séjour en litige sur l'absence de résidence en France du fils de Mme F... C....

4. Les premiers juges ont refusé de faire droit à la demande de substitution de motif présentée par le préfet en première instance, tirée de l'absence de justification de la contribution du père de cet enfant, M. A..., à son entretien et à son éducation.

5. Il ressort des pièces du dossier de première instance, et notamment des relevés bancaires de Mme G... E..., mère de Mme F... C..., et chez qui cette dernière réside, qu'à compter du mois de juin 2021, des virements mensuels de 200 euros ont été effectués par M. A... sur le compte bancaire de Mme E.... Mme F... C... a fait valoir, à cet égard, que ces virements étaient effectués sur le compte de sa mère parce qu'elle ne disposait pas encore de compte bancaire personnel. Contrairement à ce que soutient le préfet de l'Isère, ces sommes, versées par le père de l'enfant à la grand-mère de celui-ci, chez laquelle il réside avec sa mère, ont nécessairement pour objet de participer à son entretien. Il ressort par ailleurs des relevés du compte bancaire de M. A..., produits pour la première fois en appel, et qui corroborent les copies d'écran du téléphone de Mme H..., produites devant les premiers juges, qu'à compter du mois de novembre 2021, M. A... a versé directement à la mère de son fils une somme de 200 euros chaque mois. Figurent également au dossier des copies de billets d'avion Cayenne-Paris au nom de M. A..., ou de M. A... et de son fils, pour des voyages effectués entre avril 2021 et août 2022, ainsi que des photos de M. A... et de son enfant. Dans ces conditions, Mme H... doit être regardée comme ayant justifié de la participation de M. A... à l'entretien et l'éducation de son fils de nationalité française. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges, qui devaient apprécier la légalité de la décision de refus de séjour à la date à laquelle elle a été prise, ont refusé de faire droit à la demande de substitution de motif présentée par le préfet en première instance.

Sur l'appel incident de Mme F... C... :

6. Eu égard au motif qui la fonde, l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2022 prononcée par le tribunal administratif impliquait que l'autorité administrative délivre le titre sollicité, et non, comme l'a décidé le tribunal, qu'elle procède au réexamen de la situation de Mme H....

7. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de Mme F... C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2022, par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, que Mme F... C... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation administrative sous trois mois.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de l'Isère de délivrer à Mme H... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Mme F... C....

DÉCIDE:

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 décembre 2022 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à Mme F... C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme F... C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00347


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00347
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : GILLIOEN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-11-16;23ly00347 ?
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