Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Jean Durup père et fils a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 30 mars 2020 par lequel le maire de la commune de La Chapelle-Vaupelteigne lui a interdit de faire circuler des engins sur les terrasses et la tournière de la parcelle cadastrée ZI n° 54, a ordonné l'interruption des travaux entrepris sur cette parcelle et lui a prescrit, d'une part, de faire réaliser une étude géotechnique visant à prévenir les risques de glissement de terrain et de chute de blocs, d'autre part, de se conformer aux dispositions du plan de prévention des risques du Chablaisien en matière de ruissellements et coulées de boue.
Par un jugement n° 2001627 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 juillet 2022, la SCEA Jean Durup père et fils, représentée par Me Ferraris (SCP Thuault Ferraris Cornu), demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du maire de La Chapelle-Vaupelteigne du 30 mars 2020 ;
2°) de mettre à la charge de la commune de La Chapelle-Vaupelteigne la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté litigieux a été adopté au terme d'une procédure irrégulière, à défaut d'avoir été précédé de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté litigieux constitue une mesure de police, ni nécessaire, ni adaptée et disproportionnée.
Par mémoire enregistré le 17 mai 2023, la commune de La Chapelle-Vaupelteigne, représentée par Me Tronche (SCP CGBG), conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la SCEA Jean Durup père et fils la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle expose que :
- la requête est irrecevable, à défaut de critiquer le jugement de première instance, en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- subsidiairement, les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public ;
- les observations de Me Tronche, pour la commune de La Chapelle-Vaupelteigne ;
Considérant ce qui suit :
1. La SCEA Jean Durup père et fils relève appel du jugement du 12 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du maire de La Chapelle-Vaupelteigne du 30 mars 2020 lui interdisant de faire circuler des engins sur les terrasses et la tournière de la parcelle cadastrée section ZI n° 54, dont elle est propriétaire sur le territoire de la commune, ordonnant l'interruption des travaux entrepris sur cette parcelle et lui prescrivant, d'une part, de faire réaliser une étude géotechnique visant à prévenir les risques de glissement de terrain et de chute de blocs, d'autre part, de se conformer aux dispositions du plan de prévention des risques du Chablaisien en matière de ruissellements et coulées de boue.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé (...) de la police municipale (...) ". Aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables (...), les accidents (...) de toute nature, tels que (...) les éboulements de terre ou de rochers (...) ".
3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de son article L. 121-2 : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles (...) ". Enfin, aux termes de son article L. 122-1 : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ".
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la SCEA Jean Durup père et fils est propriétaire à La Chapelle-Vaupelteigne, de la parcelle cadastrée section ZI n° 54 où elle a entrepris en 2019 des travaux de terrassement afin d'y réaliser quatre terrasses destinées à la viticulture. Toutefois, compte tenu de la configuration du site, situé sur le flan d'un talweg, la direction départementale des territoires de l'Yonne a sollicité l'avis du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) de l'Yonne qui a établi un rapport approuvé le 16 mars 2020. Il en ressort que ces ouvrages engendrent des risques de glissement de terrain, de chutes de blocs et de coulées de boue, vers des parcelles situées en aval, en raison tant de la pente initiale du site que des remblais non stabilisés constitutifs des terrasses. Ce rapport ajoute que ces phénomènes sont susceptibles d'être déclenchés par des épisodes pluvieux ou de dégel, ainsi que par la poursuite des travaux et la circulation d'engins de chantier. Par suite, et dès lors que les travaux entrepris par la SCEA Jean Durup père et fils étaient appelés à se poursuivre et pouvaient à tout moment provoquer de tels désordres, le maire de La Chapelle-Vaupelteigne a pu, eu égard à la situation d'urgence ainsi constituée et nonobstant le délai écoulé depuis la remise du rapport du BRGM, prendre l'arrêté litigieux sans procédure contradictoire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
5. En second lieu, l'arrêté litigieux reprend les préconisations du rapport du BRGM de l'Yonne, en prescrivant en outre une interruption immédiate des travaux et de la circulation d'engins sur les terrasses réalisées par la SCEA Jean Durup père et fils. Comme indiqué ci-dessus, il résulte de ce rapport que ces terrassements engendrent des risques de glissement de terrain, de chutes de blocs et de coulées de boue, vers des parcelles situées en aval. Ces constats portent notamment sur les terrasses déjà achevées, sans que la SCEA Jean Durup père et fils n'établisse, en se fondant sur les seules constatations opérées visuellement par un huissier, que ces risques se limiteraient à la seule quatrième terrasse inachevée et que la poursuite des travaux aurait également permis la stabilisation des remblais par compactage. Par ailleurs, si le rapport du BRGM préconise la réalisation d'une étude géotechnique, ainsi que des travaux de mise en conformité au plan de prévention des risques local et la mise en garde des propriétaires des parcelles situées en aval, il précise également que la réalisation des risques relevés est susceptible d'être déclenchée par la circulation d'engins de chantier, et donc par la poursuite des travaux, justifiant ainsi la mesure d'interruption immédiate de ces travaux édictée par l'arrêté litigieux. Enfin, la requérante ne saurait utilement invoquer les risques résiduels identifiés par ce rapport, lesquels supposent la mise en œuvre préalable des dispositifs de maîtrise préconisés, pour contester le caractère nécessaire et proportionné des mesures prescrites. Par suite, et contrairement à ce que soutient la SCEA Jean Durup père et fils, les mesures édictées par le maire de La Chapelle-Vaupelteigne apparaissent nécessaires, adaptées et proportionnées aux risques d'éboulement et de glissement de terrain préalablement identifiés. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entaché l'arrêté litigieux doit dès lors être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la SCEA Jean Durup père et fils n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de La Chapelle-Vaupelteigne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la SCEA Jean Durup père et fils. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le paiement des frais exposés par la commune de La Chapelle-Vaupelteigne en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCEA Jean Durup père et fils est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de La Chapelle-Vaupelteigne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA Jean Durup père et fils et à la commune de La Chapelle-Vaupelteigne.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, où siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au préfet de l'Yonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
la greffière,
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N° 22LY02115