Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, d'une part, l'arrêté du 22 mars 2023 par lequel le préfet du Doubs l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le préfet de l'Isère l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 2301855-2301856 du 27 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 29 mars 2023, M. B..., représenté par Me Garcia, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet de mettre fin à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
5 ) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il doit se voir communiquer l'ensemble des pièces du dossier sur lesquelles les décisions prises à son encontre sont fondées, en application de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin de pouvoir préparer utilement sa défense ;
- il a été privé du droit d'être entendu garanti par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il a été privé du droit d'être assisté par un avocat préalablement à l'édiction des décisions en litige ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- cette décision n'a pas été précédée d'un examen réel et sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire a été prise en l'absence de risque de fuite caractérisé, au sens de l'article 7 la directive communautaire 2008/115/CE du 17 décembre 2008 et alors qu'il présente des garanties de représentation, ayant dans le même temps été assigné à résidence ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire est insuffisamment motivée ;
- cette décision est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire et du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'assignation à résidence n'est pas motivée en fait ;
- cette décision est entachée d'erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les articles L. 744-1 et L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ;
- l'article R. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est illégal ;
- les mesures de surveillance sont disproportionnées et portent une atteinte grave à sa liberté d'aller et venir.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 6 mars 1992, est entré en France le 6 septembre 2021 selon ses déclarations. Par un arrêté du 22 mars 2023, le préfet du Doubs l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un arrêté du même jour, le préfet de l'Isère, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, avec obligation de se présenter à la gendarmerie d'Eybens deux fois par semaine. M. B... relève appel du jugement du 27 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la demande de M. B... tendant à la communication de son entier dossier :
2. M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont applicables qu'en l'absence de placement en rétention ou d'assignation à résidence. A supposer que l'intéressé ait entendu invoquer l'article L. 614-10 du même code, applicable en cas d'assignation à résidence, aux termes duquel : " L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin (...) la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise ", il résulte de ces dispositions que la faculté qu'elles prévoient pour le ressortissant étranger visé par une mesure d'éloignement de demander la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise n'est ouverte qu'en première instance. Dans ces conditions, la demande de M. B... tendant à la communication de son entier dossier doit, en tout état de cause, être rejetée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions contestées :
3. En premier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".
4. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour.
5. Il ressort du procès-verbal d'audition du 22 mars 2023, préalable à l'édiction des décisions contestées, que M. B... a été mis à même de présenter des observations quant au prononcé, à son encontre, d'une mesure d'éloignement à destination de son pays d'origine, d'une interdiction de retour et d'une mesure d'assignation à résidence. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu.
6. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration doit, en tout état de cause, être écarté.
7. En troisième lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans son arrêt C-249/13 du 11 décembre 2014, le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens que le ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier peut recourir, préalablement à l'adoption par l'autorité administrative nationale compétente d'une décision de retour le concernant, à un conseil juridique pour bénéficier de l'assistance de ce dernier lors de son audition par cette autorité.
8. Il ressort des termes du procès-verbal d'audition du 22 mars 2023 que M. B... n'a pas souhaité être assisté par un avocat. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la possibilité d'être assisté par un conseil.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. ".
10. La décision d'éloignement vise les 1° et 6 ° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et énonce les considérations de faits, relatives à la situation administrative et personnelle de M. B..., qui la fondent. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
11. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision contestée, ni des pièces du dossier, que le préfet du Doubs n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... avant d'édicter la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, par suite, être écarté.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
13. M. B... fait valoir qu'il exerce une activité professionnelle en France et qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française, avec laquelle il projette de conclure un pacte civil de solidarité. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il réside sur le territoire national, où il travaille irrégulièrement, depuis moins de deux ans à la date de la mesure d'éloignement en litige, que la relation alléguée avec une ressortissante française est également récente et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches personnelles et familiales en Algérie, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Dans ces conditions, le préfet du Doubs, en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Il n'a ainsi méconnu ni le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
14. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) "
15. Il ressort des termes de la décision contestée que le préfet du Doubs a estimé qu'il existait un risque, au sens de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. B... se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français, risque regardé comme établi dès lors que l'intéressé n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et n'a pu présenter un document d'identité ou de voyage original en cours de validité. La seule circonstance qu'il a été, par un arrêté du même jour, assigné à résidence au motif qu'il justifiait d'une adresse à Eybens chez sa compagne est sans incidence sur l'appréciation portée par le préfet quant au risque de soustraction tel que prévu par les dispositions précitées de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne saurait constituer, en soi, une circonstance particulière de nature à justifier qu'en dépit de ce risque, un délai de départ volontaire lui soit accordé.
16. En second lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, qui avaient été transposées en droit interne à la date de la décision en litige.
Sur la décision fixant le pays de destination :
17. Alors que M. B... ne fait état d'aucun risque encouru en cas de retour dans son pays d'origine, il n'est pas fondé à soutenir qu'en désignant l'Algérie comme pays de destination, le préfet du Doubs a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
18. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". En vertu de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
19. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
20. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet.
21. Le préfet du Doubs, pour prendre une interdiction de retour en France à l'encontre de M. B..., s'est fondé, après avoir visé l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et relevé que l'intéressé n'avait pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et que sa présence en France ne constituait pas une menace à l'ordre public, sur la circonstance que sa date d'entrée en France était récente et qu'il ne justifiait pas, sur le territoire national, d'attaches familiales fortes. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
22. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
23. M. B..., qui a fait l'objet d'une mesure d'éloignement sans délai de départ volontaire, entre dans le cas prévu au premier alinéa de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où le préfet doit assortir son obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf s'il existe des circonstances humanitaires y faisant obstacle. A cet égard, les éléments avancés par M. B..., tirés de sa relation avec une ressortissante française et de sa situation professionnelle, ne suffisent pas à caractériser l'existence de circonstances humanitaires au sens de ces dispositions. Par suite, en édictant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, le préfet du Doubs n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
24. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 13 du présent arrêt, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur l'assignation à résidence :
25. En premier lieu, aux termes de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées. "
26. La décision portant assignation à résidence comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée.
27. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".
28. M. B..., qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, entre dans les prévisions du 1° de l'article L. 731 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Par suite, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur de droit.
29. M. B..., qui se borne à indiquer qu'il dispose de garanties de représentation, ne conteste pas sérieusement que son éloignement demeure une perspective raisonnable. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Isère a fait une inexacte application de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à son encontre une assignation à résidence, mesure à laquelle l'autorité préfectorale peut précisément recourir, sans porter une atteinte excessive à la liberté d'aller et venir, de préférence à un placement en rétention administrative lorsque l'étranger concerné présente des garanties de représentation.
30. M. B... ne peut utilement se prévaloir des articles L. 744-1 et L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, qui sont sans lien avec sa situation.
31. Aux termes de l'article L. 733-1 du même code : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. (...) ". L'article R. 733-1 de ce code dispose que " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; (...) ".
32. L'article L. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit l'obligation, pour l'étranger assigné à résidence, de se présenter périodiquement aux services de police ou de gendarmerie. L'article R. 733-1 du même code, pris pour son application, définit les modalités de l'assignation à résidence que le préfet qui l'a édictée doit fixer. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'article R. 733-1 est illégal au motif qu'il apporte, à la liberté d'aller et venir, des restrictions non prévues par la loi.
33. La décision d'assignation en litige impose à M. B... de se présenter deux fois par semaine, les mardi et jeudi à 10 heures, y compris les jours fériés, à la gendarmerie d'Eybens, pendant une durée de quarante-cinq jours. Alors que l'intéressé ne fait état d'aucune contrainte personnelle faisant obstacle à ces présentations, il n'est fondé à soutenir ni que ces mesures de surveillance portent une atteinte excessive à sa liberté d'aller et venir, ni que le préfet de l'Isère a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
34. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée aux préfets du Doubs et de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Laval, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.
La rapporteure,
A. Courbon
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY01101