Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2016, et des majorations correspondantes.
Par une ordonnance n° 2000180 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de Lyon a transmis la demande de Mme A... au tribunal administratif de Grenoble.
Par un jugement n° 2000691 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 août 2022 et 20 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Chetail, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et majorations ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'article 150-0 B ter du code général des impôts et la documentation administrative référencée BOI-BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60 commentant cet article ne subordonnent le maintien du report d'imposition qu'au financement durable d'une activité éligible dans le délai de vingt-quatre mois, et non à la condition que la société dont l'activité est financée procède elle-même à des investissements éligibles au moyen des fonds apportés dans ce même délai ;
- l'avance en compte courant d'associé de 415 000 euros, consentie à la SARL La Cachette, bloquée pour une durée de quatre ans aux termes de la convention du 20 octobre 2016, constitue une mise à disposition effective et durable de fonds pour les besoins du démarrage et du fonctionnement de l'activité hôtelière de cette société ;
- cette avance répondait à un besoin de trésorerie de la SARL La Cachette, indispensable au financement de ses investissements, alors qu'elle n'a pas eu recours à l'emprunt ; elle a notamment été utilisée pour couvrir les dépenses de travaux de second œuvre, engagés à hauteur de 531 500 euros au cours de la période de septembre à décembre 2016, ainsi que l'achat du mobilier et du matériel nécessaire à l'exploitation du fonds de commerce.
Par deux mémoires, enregistrés les 20 février et 7 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 8 septembre 2023, la clôture d'instruction, initialement fixée au 12 septembre 2023, a été reportée au 27 septembre 2023.
Mme A... a produit un nouveau mémoire le 26 septembre 2023, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,
- et les observations de Me Chetail, représentant Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 8 décembre 2014, Mme A... a réalisé une plus-value de 1 840 531 euros à l'occasion de l'apport à la société FBL Wastel de 6 000 titres de la SAS Boa participations qu'elle détenait, d'une valeur de 1 932 000 euros, en contrepartie duquel elle a reçu 180 439 parts de la société FBS Wastel et une soulte de 127 610 euros. Cette plus-value a été placée en report d'imposition en application de l'article 150-0 B ter du code général des impôts. Par décision d'assemblée générale extraordinaire du 9 décembre 2014, la SAS Boa participations a procédé à la réduction de son capital social de 6 998 actions et remboursé la somme de 1 932 000 euros à la société FBL Wastel à la suite de l'annulation de ses titres. Estimant que la condition, applicable dans un tel cas, de réinvestissement d'au moins la moitié du produit de la cession des titres apportés dans le financement d'une activité éligible dans le délai imparti par l'article 150-0 B ter n'était pas satisfaite, l'administration a remis en cause le report d'imposition dont bénéficiait Mme A... et a taxé la plus-value d'apport au titre de l'année 2016. Mme A... a, en conséquence, été assujettie, au titre de l'année 2016, à un complément d'impôt sur le revenu et à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, assortis des intérêts de retard de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts, ainsi qu'à des prélèvements sociaux assortis des intérêts de retard. Elle relève appel du jugement du 7 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et majorations.
2. Aux termes du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " L'imposition de la plus-value réalisée, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant tels que définis à l'article 150-0 A à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent est reportée si les conditions prévues au III du présent article sont remplies. / (...) Il est mis fin au report d'imposition à l'occasion : / (...) 2° De la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l'annulation des titres apportés, si cet événement intervient dans un délai, décompté de date à date, de trois ans à compter de l'apport des titres. Toutefois, il n'est pas mis fin au report d'imposition lorsque la société bénéficiaire de l'apport cède les titres dans un délai de trois ans et prend l'engagement d'investir le produit de leur cession, dans un délai de deux ans à compter de la date de la cession et à hauteur d'au moins 50 % du montant de ce produit, dans le financement d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l'exception de la gestion d'un patrimoine mobilier ou immobilier (...). Le non-respect de la condition de réinvestissement met fin au report d'imposition au titre de l'année au cours de laquelle le délai de deux ans expire. "
3. La réduction de capital a laquelle a procédé la société Boa Participations, le 9 décembre 2014, après que Mme A... a apporté 6 000 titres de cette société à la SARL FBL Wastel, a entraîné l'annulation de ces titres et le remboursement, à cette dernière, d'une somme de 1 932 000 euros correspondant à la valeur des titres apportés. En application des dispositions du 2° du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, le maintien du report d'imposition de la plus-value réalisée par Mme A... est subordonné au réemploi, par la SARL FBL Wastel, de la moitié de la somme remboursée, dans un délai de deux ans et à hauteur d'au moins 50 % du montant de ce produit, dans le financement d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière. Il résulte de l'instruction que la SARL FBL Wastel a souscrit au capital de la SASU Pause Déjeuner, créée le 26 octobre 2015, à hauteur de 150 000 euros et au capital de la SARL La Cachette, créée le 5 octobre 2016 pour exploiter un hôtel, à hauteur de 405 000 euros. Elle a également, le 18 novembre 2016, consenti à cette dernière société une avance en compte courant d'associé de 415 000 euros.
4. Mme A... fait valoir que l'avance en compte courant consentie par la SARL FBL Wastel à la SARL La Cachette, bloquée pendant quatre ans et destinée à financer les investissements nécessaires à l'exploitation de l'hôtel, présente un caractère économique et doit être prise en compte dans l'appréciation du seuil de 50 % prévu par les dispositions énoncées au point 2.
5. Les avances en compte courant au profit de la société dans laquelle a été prise une participation présentent, sauf circonstances particulières de nature à leur retirer ce caractère, un caractère patrimonial et non économique.
6. Il résulte de l'instruction que le projet hôtelier porté par la SARL FBL Wastel consistait en l'acquisition des murs par la SCI Well Be, dont elle est associée à 50 % et l'exploitation de l'hôtel par la SARL La Cachette. La SCI Well Be a signé un compromis d'acquisition des murs de l'hôtel en avril 2015 mais l'acte d'achat n'a été signé que le 23 juillet 2016, en raison d'une hypothèque judiciaire grevant le bien. La SARL FBL Wastel, qui a pris, ainsi qu'il a été dit au point 3, une participation de 405 000 euros dans le capital de la SARL La Cachette, s'est engagée, par convention du 20 octobre 2016, à verser une avance en compte-courant d'associé d'un montant de 415 000 euros, bloquée pendant quatre ans, " dans le cadre des travaux de rénovation de l'hôtel exploité par la société La Cachette ", versement effectué le 18 novembre 2016. Il résulte toutefois de l'instruction qu'à ces dates, les deux sociétés n'avaient une connaissance précise ni de la nature ni du montant des travaux à la charge de la société exploitante dès lors que le bail commercial, conclu entre la SCI Well Be et la SARL La Cachette, quoique prenant effet au 1er octobre 2016, n'a été signé que le 14 décembre 2016. Il ressort par ailleurs des termes de ce bail que les travaux de rénovation de l'hôtel étaient à la charge du bailleur, que la livraison des sept premières chambres était prévue en mai 2017, celle de dix autres chambres et d'un studio en mai 2018 et que la SARL La Cachette, preneuse, n'était en charge que des travaux de second œuvre à réaliser nécessairement après ces livraisons. Si Mme A... se prévaut du dossier prévisionnel de la SARL La Cachette sur la période d'octobre 2016 à décembre 2019, réalisé par le cabinet Ekylis, il ne résulte pas de l'instruction que ce dossier, non daté, aurait été établi avant la convention de blocage et le versement de l'avance. En tout état de cause, il fait état d'un besoin de financement des immobilisations, à fin 2017, inférieur au montant du capital social de la société et d'un besoin de financement à plus long terme qui, à la date de l'avance, ne présentait qu'un caractère hypothétique. Dans ces conditions, même si la SARL La Cachette n'a souscrit aucun emprunt bancaire, l'avance en compte courant de la SARL FBL Wastel, bien que bloquée, ne peut être regardée comme ayant été consentie dans des circonstances particulières de nature à lui ôter son caractère patrimonial. Il s'ensuit qu'à l'expiration du délai de deux ans prévu à l'article 150 B ter du code général des impôts, la SARL FBL Wastel, bénéficiaire de l'apport, n'avait réinvesti, dans le financement d'une activité économique, qu'une somme de 555 000 euros correspondant à la souscription au capital des sociétés la Pause Déjeuner et la Cachette, soit un montant inférieur à 50 % de la valeur des titres annulés et remboursés, de telle sorte que l'administration était fondée à remettre en cause, au titre de l'année 2016, le report de l'imposition de la plus-value réalisée en 2014 par Mme A... lors de l'apport des titres de la société Boa Participations à la SARL JBL Wastel.
7. Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des paragraphes 290 et suivants de la documentation administrative référencée BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60, que ce soit dans sa version publiée le 2 juillet 2015 ou dans celle du 4 mars 2016, dès lors qu'elles ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui lui a été appliquée ci-dessus.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.
La rapporteure,
A. Courbon
Le président,
D. PruvostLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY02437