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15/02/2024 | FRANCE | N°23LY02460

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 15 février 2024, 23LY02460


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre de l'année 2013.



Par un jugement n° 2002075 du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour



Par une requête, enregist

rée le 25 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Daly, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 2002075 du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Daly, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration ne rapporte pas la preuve de ce que la SAS Etablissements A... lui a cédé la moitié de la nue-propriété d'un tènement immobilier à un prix inférieur à sa valeur vénale, si bien qu'aucun avantage occulte n'est imposable entre ses mains sur le fondement de l'article 111-c du code général des impôts ;

- l'administration ne pouvait déterminer la valeur vénale du bien sans recourir à des termes de comparaison, qui est la méthode préconisée dans la doctrine administrative, notamment celle référencée BOI-ISF-PAT-30-50-10 et la réponse ministérielle Peyrou et sans démontrer que cette méthode était impossible en l'espèce ;

- l'administration, en ajoutant à la valeur de l'assiette foncière déterminée par les experts le coût des travaux réalisés à la date de la cession ou restant à réaliser, a procédé à une analyse erronée de l'opération, dès lors que le bâtiment existant n'a pas été démoli mais rénové, que la valeur du bâtiment n'est pas égale au coût de rénovation, qu'il fallait appliquer une décote de 10 % pour tenir compte de l'encombrement du terrain et que les travaux de réalisation du nouveau bâtiment étaient en cours à la date de la cession ;

- les travaux réalisés ou à réaliser par l'usufruitier ne peuvent être pris en considération pour évaluer les droits de nue-propriété cédés, dès lors que le nu-propriétaire n'entrera en possession des constructions qu'à l'extinction de l'usufruit ;

- l'opération en litige n'est pas une vente en l'état futur d'achèvement et l'administration ne pouvait, en tout état de cause, prendre en compte que les travaux achevés à la date de la cession ;

- la valeur en pleine propriété du bien ne peut être supérieure à la valeur du terrain déduction faite d'une décote pour terrain encombré, la valeur du bâtiment existant et la quote-part des travaux engagés pour la construction du nouveau bâtiment à la date de la cession, déduction faite d'un abattement de 10 % pour aléa ;

- la valeur déterminée par l'expert mandaté par la SAS Etablissements A... doit être retenue, dès lors qu'elle se fonde sur des mutations antérieures portant sur des biens comparables et qu'elle prend en compte la situation du terrain et des bâtiments ; cette valeur a été validée par le commissaire aux comptes de la société ;

- la pénalité pour manquement délibéré est injustifiée.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Par acte notarié des 13 et 14 mai 2013, la SAS Etablissement A..., qui exerce une activité de négoce de produits en bois, a cédé à ses deux associés, MM. Dominique et C... A..., la nue-propriété indivise du tènement immobilier à usage industriel figurant à son actif immobilisé qu'elle possédait à Annemasse (Haute-Savoie), moyennant une réserve d'usufruit de vingt-et-un ans. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SAS Etablissements A..., l'administration a estimé que le prix de cession était minoré de 332 809 euros par rapport à la valeur de celle-ci et que l'insuffisance de prix consentie constituait une libéralité accordée par la société à ses associés. En conséquence, M. C... A... et son épouse ont été imposés à l'impôt sur le revenu, au titre de l'année 2013, sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts, à raison du revenu distribué correspondant à la moitié de libéralité retenue par l'administration, ainsi qu'à des contributions sociales. Par une décision du 12 mars 2018, l'administration a prononcé un dégrèvement, en droits et pénalités, des contributions sociales de 11 231 euros puis le 24 février 2020, un dégrèvement de l'ensemble des impositions et des majorations correspondantes à hauteur de 128 401 euros. M. A... relève appel du jugement du 16 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et majorations auxquelles son foyer fiscal demeure assujetti au titre de l'année 2013.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

3. En cas d'acquisition d'un bien par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minorée, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé relève d'une gestion anormale et doit être requalifié en libéralité constitutive d'une distribution de revenus. La preuve d'une telle distribution doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé et, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir une libéralité du fait des conditions de la cession. Dans le cas où le vendeur et l'acquéreur sont liés par une relation d'intérêts, cette intention est présumée.

4. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la SAS Etablissements A... a cédé à ses deux associés la nue-propriété indivise du tènement immobilier dont elle était propriétaire, qui figurait à son actif immobilisé, moyennant une réserve d'usufruit de vingt-et-un ans. La valeur du tènement, établie par un cabinet d'expertise le 21 janvier 2013, a été fixée à 1 million d'euros, comprenant un montant de 769 335 euros pour le terrain d'assiette, la somme de 216 000 euros pour la construction existante et une plus-value de 15 000 euros pour l'aménagement des abords. La valeur de l'usufruit ayant été fixée à 69 % de cette somme, soit 690 000 euros, en application du barème prévu à l'article 669 II du code général des impôts, la valeur de la nue-propriété a, en conséquence, été fixée à 310 000 euros. Les travaux prévus sur le terrain, non achevés à la date de la cession et dont la convention de démembrement du 13 mai 2013 prévoyait qu'ils étaient à la charge de l'usufruitier, consistaient en la démolition, la remise à neuf et la transformation d'un bâtiment industriel existant, dénommé " bâtiment B ", en un bâtiment commercial neuf de type show-room et en la construction d'un second bâtiment commercial, dénommé " bâtiment A ", d'une surface de 1 596 m².

5. Pour évaluer la valeur vénale des biens cédés, l'administration s'est fondée sur les conclusions du rapport d'expertise effectué à la demande de la SAS Etablissements A.... Elle n'a pas remis en cause la valeur retenue dans ce rapport s'agissant du terrain d'assiette et des aménagements des abords, mais a substitué à la valeur de la construction (216 000 euros) le montant du prêt bancaire de 1 500 000 euros souscrit par la SAS Etablissement A... pour financer les travaux de démolition et de reconstruction programmés sur le terrain. Ayant toutefois admis, au cours de la procédure, que ce faisant, elle n'avait pas pris en compte la circonstance que les travaux en cause étaient en cours mais non achevés à la date de la cession et que la pleine propriété du bien ne serait réunie entre les mains des nus-propriétaires qu'à l'extinction de la période d'usufruit, elle a ramené la valeur des constructions au prix de revient immobilisé des travaux comptabilisés à l'actif de la société à la date de la cession, soit 624 182 euros, et prononcé le dégrèvement correspondant par décision du 24 février 2020. Elle a ainsi déterminé, en dernier lieu, la valeur de la nue-propriété à 436 640 euros, soit une insuffisance de prix de 126 640 euros TTC par rapport au prix de cession convenu de 310 000 euros.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus que, s'agissant de la valeur du terrain et des aménagements des abords, le service vérificateur a repris le montant retenu par l'expert de la société, qui a lui-même procédé selon la méthode comparative, à partir du prix moyen de cession de terrains intervenues dans le même secteur géographique en 2010 et 2012. S'agissant des constructions, il résulte de l'instruction, et notamment des termes de l'acte notarié des 13 et 14 mai 2013, qui fait état d'" une propriété bâtie à usage commercial " et d'" une propriété inachevée brut de décoffrage ", qu'elles n'étaient pas terminées à la date de la cession. L'administration fait valoir, à cet égard, qu'elle ne disposait, du fait de cette situation particulière, d'aucun terme de comparaison pertinent pour évaluer leur valeur vénale. Si M. A... le conteste, il se borne à se référer aux cessions mentionnées dans le rapport d'expertise du 21 janvier 2013, dont il ne ressort pas qu'elles correspondraient, s'agissant des constructions, évaluées par référence au seul prix moyen de 300 euros le m2 constaté pour des " entrepôts, terrain intégré, sur le Genevois Haut-Savoyard ", à des biens en cours de construction. Ainsi, l'administration fiscale a pu, à bon droit, se fonder, pour évaluer la valeur vénale des constructions, en cours et non achevées à la date de la cession, sur le montant des travaux réalisés et comptabilisés à cette même date par la SAS Etablissements A..., le requérant, en se bornant à faire valoir que la valeur d'un bâtiment ne correspond pas à celle des travaux effectués, n'apportant aucun élément probant de nature à remettre en cause le montant ainsi retenu. Si M. A... demande la prise en compte d'un abattement de 10 % pour tenir compte de l'état d'encombrement du terrain, et d'un abattement de même montant au titre de l'aléa lié à l'inachèvement des travaux, il ne justifie ni de l'état du terrain, ni de l'existence du risque dont il se prévaut. Enfin, la seule circonstance que la pleine-propriété du bien immobilier ne sera réunie entre les mains des cessionnaires qu'à l'expiration de la période d'usufruit n'est pas, en tant que telle, de nature à faire obstacle à la prise en compte, par l'administration, des travaux réalisés à la date de la cession, laquelle a porté, ainsi qu'il a été dit, sur des biens non achevés, la valeur vénale à prendre en compte étant celle des biens dans l'état où ils étaient à la date du transfert de la nue-propriété.

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 ci-dessus que l'administration fiscale apporte la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'un écart significatif, de 126 640 euros, entre le prix de vente convenu entre la SAS Etablissements A... et ses deux associés et la valeur vénale de la nue-propriété du bien immobilier cédé. M. A..., qui a acquis la moitié de la nue-propriété de ce bien, ne fait état d'aucune contrepartie, pour la SAS Etablissements A..., à l'avantage qu'elle lui a consenti. Par ailleurs, du fait de la relation d'intérêts unissant la SAS Etablissements A... et M. A..., qui est son directeur général et son associé, l'intention pour la société d'octroyer, et pour M. A..., de recevoir une libéralité du fait des conditions de la cession est présumée. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a imposé, entre les mains de M. A..., sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, la somme de 63 320 euros correspondant à la minoration de prix dont il a personnellement bénéficié.

8. M. A... n'est fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni de l'instruction administrative référencée BOI-ISF-PAT-30-50-10, qui concerne l'impôt de solidarité sur la fortune, ni de la réponse ministérielle n° 3035 faite à M. B..., qui ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle précédemment énoncée.

Sur les pénalités :

9. M. A... reprend, dans les mêmes termes qu'en première instance, sans l'assortir d'éléments nouveaux, le moyen tiré de ce que la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts qui lui a été appliquée n'est pas justifiée. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 15 du jugement contesté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 février 2024.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02460


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02460
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : JURISOPHIA SAVOIE - BUREAU D'AIX LES BAINS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;23ly02460 ?
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