Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Verdolini Carrières a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de l'arrêté du 11 août 2020 par lequel le préfet du Rhône l'a mise en demeure de régulariser ses installations situées sur le territoire de la commune de Pusignan (69330).
Par un jugement n° 2007242 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2022, la société Verdolini Carrières, représentée par Me Hercé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 11 août 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il présente une contradiction de motifs ;
- l'arrêté préfectoral contesté n'est pas suffisamment motivé en droit, ce qui entraîne un défaut de base légale ;
- l'activité exercée sur la parcelle cadastrée ZP n° 134 a été régulièrement autorisée depuis la déclaration de décembre 1992, ou du moins, depuis l'arrêté d'autorisation du 28 octobre 1996 ;
- s'agissant de la situation de la parcelle n° 58, la déclaration d'existence du 14 novembre 2013 au titre des droits acquis de l'activité de stockage relevant de la rubrique n° 2517 vaut modification de l'usage futur de la parcelle en cause telle que présentée dans le dossier déposé le 22 novembre 2010 ;
- les délais prescrits par l'arrêté contesté pour procéder à la mise en conformité des installations visées sont insuffisants.
La requête a été communiquée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 8 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Hercé, représentant la société Verdolini Carrières.
Considérant ce qui suit :
1. La société Verdolini relève appel du jugement du 19 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 11 août 2020 la mettant en demeure de régulariser ses installations situées sur le territoire de la commune de Pusignan (69330).
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La contradiction des motifs affecte le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité. La société appelante ne peut donc contester pour ce motif la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. La société Verdolini Carrières exploite sur le site de Pusignan une installation de traitement de broyage et concassage, au titre de la rubrique n° 89 bis (aujourd'hui n° 2517), dont elle a reçu récépissé par le préfet du Rhône le 11 janvier 1993. Le 16 février 1995, elle a déposé un dossier de demande d'autorisation afin d'exploiter une carrière, en continuité et au sud des installations de traitement, sur la parcelle cadastrée SPA n° 58 (actuelle ZP n° 58). Par un arrêté du 28 octobre 1996, le préfet du Rhône a autorisé l'exploitation de cette carrière pour une durée de 15 ans sur cette parcelle, et a rattaché à cette exploitation l'activité de broyage, concassage, criblage de produits minéraux implantée sur la parcelle cadastrée n° 104 (actuelle ZP n° 84). L'article 8 de cet arrêté préfectoral prévoyait de reconstituer un terrain agricole et son article 8.4 imposait à l'exploitant de notifier au préfet la fin de l'exploitation de la carrière, au plus tard six mois avant la date de d'expiration de l'autorisation, soit fin avril 2011. L'installation située sur la parcelle cadastrée ZP n° 104, en revanche, relevant du régime de la déclaration, demeurait autorisée en dépit de la caducité de l'arrêté préfectoral relatif à la carrière, comme l'a confirmé l'inspection des installations classées dans un courriel du 4 novembre 2010. Depuis lors, l'intervention du décret n° 2012-1304 du 26 novembre 2012 modifiant la rubrique n° 2517 ayant fait basculer cette installation du seuil de la déclaration vers celui de l'autorisation, le préfet du Rhône a pris acte de la déclaration de la société Verdolini Carrières du 14 novembre 2013, en vue de bénéficier des droits acquis pour ses installations relevant du régime de l'autorisation sous la rubrique n° 2517. La société Verdolini carrières a également déposé fin 2010 deux dossiers, l'un visant à modifier les modalités de remise en état de la carrière, et l'autre portant déclaration d'une activité de transit de matériaux inertes sur la parcelle ZP n° 58 au titre de la rubrique 2517-2. A la suite d'une visite sur site intervenue le 11 février 2020, l'inspecteur des ICPE a constaté, dans son rapport du 2 mars 2020, que la société Verdolini Carrières, d'une part, n'avait pas déclaré la cessation d'activité de la carrière, d'autre part, qu'elle exerçait de manière irrégulière une activité de transit de matériaux sur la parcelle cadastrée ZP n° 134. Par l'arrêté contesté du 11 août 2020, pris sur le fondement des articles L. 171-7 et L. 171-8 du code de l'environnement, le préfet du Rhône a mis en demeure la société Verdolini Carrières, d'une part, de se conformer aux dispositions de l'article 8.4 de l'arrêté préfectoral du 28 octobre 1996 et de l'article R. 512-39-1 du code de l'environnement pour régulariser la cessation d'activité de la carrière sous un délai de neuf mois, et d'autre part, de régulariser la situation des activités exercées sur la parcelle ZP n° 134, classée en zone agricole du plan d'urbanisme, conformément aux dispositions des articles 1 et 18 de l'arrêté du 28 octobre 1996, sous un délai de trois mois.
4. Aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an ". Aux termes de l'article L. 171-8 de ce code : " I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. (...) ".
5. En premier lieu, la société Verdolini carrières conteste l'irrégularité de sa situation.
6. D'une part, il est constant que la société Verdolini a cessé d'exploiter la carrière située sur la parcelle n° 58 plusieurs années avant l'intervention de l'arrêté en litige. Un premier rapport d'inspection du 27 mars 2008 relevait déjà que la carrière n'était plus exploitée et que la société effectuait, en lieu et place de l'ancienne carrière, une activité de transit de matériaux, sans avoir procédé à la déclaration de cette activité au préfet du Rhône. Invitée dès 2010 par les services de la DREAL à déposer un dossier de cessation d'activité de la carrière dans le but de la récoler, elle n'a jamais procédé à la notification de cessation d'activité telle que prévue par l'article 8.4 de l'arrêté préfectoral d'autorisation du 28 octobre 1996. En outre, elle n'a pas respecté les prescriptions de l'arrêté du 28 octobre 1996 relatives à la remise en état du site. Si la société Verdolini carrières a déposé un dossier visant à en modifier l'usage futur, elle ne saurait sérieusement prétendre que le préfet du Rhône, à travers la reconnaissance des droits acquis au titre de la rubrique 2517, aurait implicitement accepté une telle modification, alors que la procédure d'instruction d'une demande de modification des conditions d'exploitation d'une installation était alors régie par des dispositions spéciales impliquant que soient prises des décisions expresses et ne relevant pas du régime des décisions implicites prévu par les articles L. 231-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. Enfin, la société Verdolini carrières ne peut prétendre par le biais d'un régime déclaratif, venir modifier un arrêté d'autorisation. Ainsi, le dossier de déclaration d'une activité de transit de matériaux inertes sur la parcelle ZP n° 58 au titre de la rubrique 2517-2, à supposer qu'il aurait fait l'objet d'un récépissé, ce dont la requérante ne justifie pas, ne la dispensait pas d'observer les prescriptions qui s'imposaient à elle en vertu de l'arrêté du 28 octobre 1996.
7. D'autre part, l'inspecteur des installations classées a relevé que la société exploitait, sans autorisation ou déclaration, une installation de transit de matériaux sur la parcelle cadastrée ZP n° 134, anciennement 57, et qu'il appartenait à la société de régulariser la situation, soit en obtenant les autorisations requises, soit en cessant l'activité et en remettant en état la parcelle. La requérante soutient que l'activité qui y est exercée aurait été régulièrement autorisée depuis la déclaration de décembre 1992, ou du moins, depuis l'arrêté préfectoral d'autorisation du 28 octobre 1996. Toutefois, le seul récépissé de la déclaration de décembre 1992 ne permet pas de considérer que cette déclaration portait notamment sur la parcelle devenue ZP n° 134. L'article 15.3 de l'arrêté du 28 octobre 1996 n'autorise le stockage de matériaux qu'en ce qu'il se rapporte à l'activité de broyage, concassage, criblage de produits minéraux autorisée sur la seule parcelle cadastrée ZP n° 104 (actuelle ZP n°84). La seule circonstance que le plan de phasage d'exploitation reproduit en annexe 2 de l'arrêté du 28 octobre 1996 laisse apparaître un stockage sur la parcelle ZP n° 134 ne permet pas d'établir qu'il aurait été régulièrement autorisé par cet arrêté préfectoral. La déclaration d'existence du 14 novembre 2013 mentionne des activités relevant des rubriques 2510, 2515, 2517 et 2521. Toutefois, cette déclaration, sans renseigner les références des parcelles concernées, fait seulement état d'un volume des activités exercées représentant une superficie totale de 69 200 m². Contrairement à ce que soutient la requérante, il n'apparaît pas que ce volume intègrerait la parcelle ZP n° 134, alors que la copie d'écran extraite du site internet géoportail qu'elle produit, censée calculer une telle superficie, exclut la parcelle cadastrée ZP n° 84, pourtant concernée au premier chef par les droits acquis dont elle se prévaut. En tout état de cause, l'antériorité étant subordonnée à l'absence de modification des conditions d'exploitation, la société requérante ne peut sérieusement revendiquer pour la parcelle ZP n° 134, non concernée par l'arrêté d'autorisation du 28 octobre 1996, l'existence de droits acquis résultant de sa déclaration.
8. En deuxième lieu, la société Verdolini carrières soutient que les délais prescrits par l'arrêté contesté pour procéder à la mise en conformité des installations visées, sont insuffisants.
9. Lorsqu'un manquement à l'application des conditions prescrites à une installation classée a été constaté, la mise en demeure prévue par les dispositions des articles L. 171-8 et L. 171-7 du code de l'environnement a pour objet, en tenant compte des intérêts qui s'attachent à la fois à la protection de l'environnement et à la continuité de l'exploitation, de permettre à l'exploitant de régulariser sa situation dans un délai déterminé, en vue d'éviter une sanction pouvant aller jusqu'à la suspension du fonctionnement de l'installation. Il incombe donc à l'administration, pour donner un effet utile à ces dispositions, de prescrire dans la mise en demeure un délai en rapport avec les mesures à prendre par l'exploitant.
10. D'une part, la mise en demeure fixe un délai de neuf mois pour procéder à la régularisation de la cessation d'activité de la carrière. L'article 8.4 de l'arrêté préfectoral d'autorisation du 28 octobre 1996 précise que la notification de la fin de l'exploitation de la carrière doit être accompagnée des pièces prévues à l'article 34.1 du décret du 21 septembre 1977, désormais repris à l'article R. 512-39-1 du code de l'environnement, qu'elle liste, en particulier " un mémoire sur l'état du site. Ce mémoire précise les mesures prises ou prévues pour assurer la protection des intérêts visés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 modifiée (...) ". La société fait valoir que la production d'un mémoire de réhabilitation et des pièces mentionnées à l'article 8.4 de l'arrêté du 28 octobre 1996 impliquent l'intervention d'un géomètre et d'un bureau d'étude, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que ce délai, que la société avait elle-même préconisé, dans son courrier du 30 avril 2020, serait irréalisable, alors que l'usage futur du site a déjà été déterminé par l'article 8 de l'arrêté du 28 octobre 1996.
11. D'autre part, l'arrêté du 11 août 2020 impartit un délai de trois mois à la société Verdolini carrières afin de régulariser la situation des activités exercées sur la parcelle n° 134. Il ne résulte pas de l'instruction que ce délai serait insuffisant pour remettre en état cette parcelle de 4 000 m², et qui n'accueille pas de construction ni de stockage de substances polluantes, ainsi que l'a fait valoir le préfet en première instance, aucune autre régularisation n'étant possible au regard du classement en zone agricole du plan d'urbanisme de la commune.
12. Dans ces conditions, le préfet du Rhône a pu légalement, par l'arrêté du 11 août 2020, fixer les délais contestés.
13. En troisième et dernier lieu, le préfet, saisi du rapport par lequel l'inspecteur des installations classées a constaté, selon la procédure requise par le code de l'environnement, l'exploitation d'une activité ressortant d'une installation classée, notamment sans autorisation ou déclaration, ainsi que l'inobservation de conditions légalement imposées à l'exploitant, est tenu d'édicter une mise en demeure de satisfaire à ces conditions, dans un délai déterminé, sans procéder à une nouvelle appréciation de la violation constatée. Il en résulte que le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral contesté serait insuffisamment motivé en droit est, en tout état de cause, inopérant.
14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Verdolini n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société Verdolini Carrières.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Verdolini Carrières est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Verdolini Carrières et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2024.
Le rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Michèle Daval
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY02121