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13/03/2024 | FRANCE | N°22LY01993

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 13 mars 2024, 22LY01993


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 19 décembre 2017 par laquelle le chef du service environnement de la direction départementale des territoires du Cantal a rejeté la demande de fixation de la consistance légale du droit fondé en titre attaché au Moulin du Paschou et considéré que les ouvrages ne bénéficieraient pas de l'exonération prévue par l'article L 214-18-1 du code de l'environnement en matière de franchissement pi

scicole et sédimentaire.



Par un jugement n° 1800343 du 28 avril 2022, le tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 19 décembre 2017 par laquelle le chef du service environnement de la direction départementale des territoires du Cantal a rejeté la demande de fixation de la consistance légale du droit fondé en titre attaché au Moulin du Paschou et considéré que les ouvrages ne bénéficieraient pas de l'exonération prévue par l'article L 214-18-1 du code de l'environnement en matière de franchissement piscicole et sédimentaire.

Par un jugement n° 1800343 du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fixé à 203 kW la consistance du droit fondé en titre attaché au Moulin du Paschou et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 juin 2022 et un mémoire enregistré le 22 janvier 2024, M. A... B... représenté par Me Rémy, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 28 avril 2022 et la décision du 19 décembre 2017 ;

2°) de reconnaître l'existence du droit fondé en titre attaché au Moulin du Paschou et en fixer la consistance légale à 348 kW ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'instance d'appel, et de 5 000 euros au titre de la première instance, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'existence du moulin du Paschou est attestée dès les années 1775 et 1776 ; il est dès lors fondé en titre ; l'administration l'ayant reconnu, la question n'est plus en litige ;

- la demande de reconnaissance du droit fondé en titre et de sa consistance ayant été présentée hors du contexte d'un projet de confortement, remise en eau ou remise en service d'un ouvrage, l'arrêté du 11 septembre 2015 était inapplicable ; la demande a en outre été adressée à l'administration avant l'entrée en vigueur de cet arrêté ;

- le débit maximal dérivé est de 4 m3/s ; la hauteur de chute étant de 8,46 mètres, la consistance du droit est de 332 kW ; la circonstance qu'une des vannes a été obturée n'a pu altérer cette consistance, qui doit être fondé sur le plus ancien état connu des installations ;

- les ouvrages du Moulin du Paschou, qui font l'objet d'un projet d'équipement pour la production d'électricité, sont exonérés des obligations en matière de franchissement piscicole ou sédimentaire résultant du classement de l'Alagnon au titre de l'article L 214-17 I 2° du code de l'environnement en vertu de l'article L. 214-18-1 du même code.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 décembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 22 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 13 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 ;

- l'arrêté du 11 septembre 2015 fixant les prescriptions techniques générales applicables aux installations, ouvrages, épis et remblais soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement et relevant de la rubrique 3.1.1.0. de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 7 mars 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., propriétaire du " Moulin de Paschou " à Neussargues-en-Pinatelle, dont l'existence est antérieure à la Révolution, a sollicité la reconnaissance d'un droit fondé en titre pour l'usage de la force motrice de l'Alagnon. Par une lettre du 11 mars 2014, le préfet du Cantal a reconnu l'existence de ce droit, informé l'intéressé de ce que la continuité écologique devrait être assurée avant le 22 juillet 2017, et l'a invité à fournir les éléments nécessaires à la fixation de la consistance de son droit. Deux visites des lieux par la direction départementale des territoires, le 30 novembre 2015 et le 27 avril 2016, ont conduit au constat que l'ouvrage était difficilement franchissable d'un point de vue piscicole et sédimentaire, et l'intéressé a été invité à déposer un dossier sur les mesures de restauration proposées avant le 22 juillet 2017. M. B... a sollicité des délais supplémentaires, puis la fixation de la consistance du droit fondé en titre de l'installation à 203 kW. Par des lettres du 14 juin et du 5 octobre 2017, le directeur départemental des territoires a indiqué que la loi n'autorisait pas l'administration à octroyer un délai supplémentaire concernant la restauration de la continuité écologique, et rejeté la demande de fixation de la consistance du droit fondé en titre en sollicitant la modification de l'étude fournie sur certains points. Par un courrier de son conseil du 24 novembre 2017, M. B... a demandé à être exonéré de l'application des dispositions relatives à l'obligation de continuité écologique sur le fondement de l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement, et que la consistance du droit fondé en titre associé à son moulin soit fixée à 329 kW. Par un courrier du 19 décembre 2017, le directeur départemental des territoires du Cantal a refusé de faire droit à ces demandes. M. B... relève appel du jugement du 28 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fixé la consistance du droit fondé en titre associé au moulin de Paschou à 203 kW seulement, et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à la reconnaissance de l'existence du droit fondé en titre :

2. Comme que l'a relevé le préfet du Cantal devant le tribunal, et ainsi que le reconnaît M. B... lui-même, l'administration ayant reconnu le 11 mars 2014 l'existence du droit fondé en titre du moulin de Paschou, il n'y a pas de litige sur ce point. Les conclusions tendant à ce que la Cour reconnaisse l'existence de ce droit doivent dès lors être rejetées comme irrecevables.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la consistance du droit fondé en titre :

3. Aux termes de l'article R. 214-18-1 du code de l'environnement : " I - Le confortement, la remise en eau ou la remise en exploitation d'installations ou d'ouvrages existants fondés en titre ou autorisés avant le 16 octobre 1919 pour une puissance hydroélectrique inférieure à 150 kW sont portés, avant leur réalisation, à la connaissance du préfet avec tous les éléments d'appréciation. / II. - Le préfet, au vu de ces éléments d'appréciation, peut prendre une ou plusieurs des dispositions suivantes : 1° Reconnaître le droit fondé en titre attaché à l'installation ou à l'ouvrage et sa consistance légale ou en reconnaître le caractère autorisé avant 1919 pour une puissance inférieure à 150 kW ; (...) 4° Fixer, s'il y a lieu, des prescriptions complémentaires dans les formes prévues à l'article R. 181-45 ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 11 septembre 2015 visé ci-dessus : " Les dispositions du présent arrêté sont applicables, sauf précision contraire, au confortement, à la remise en eau ou la remise en exploitation, dans les conditions prévues à l'article R. 214-18-1 du code de l'environnement, des ouvrages fondés en titre (...) Pour l'application du présent article aux ouvrages et installations fondés, la puissance autorisée, correspondant à la consistance légale, est établie en kW de la manière suivante : - sur la base d'éléments : états statistiques, tout élément relatif à la capacité de production passée, au nombre de meules, données disponibles sur des installations comparables, etc. ; - à défaut, par la formule P (kW) = Qmax (m3/s) × Hmax (m) × 9,81 établie sur la base des caractéristiques de l'ouvrage avant toute modification récente connue de l'administration concernant le débit dérivé, la hauteur de chute, la côte légale, etc. / Dans la formule ci-dessus, Qmax représente le débit maximal dérivé dans les anciennes installations, déterminé à partir des caractéristiques de la section de contrôle hydraulique du débit (selon les configurations des sites : section la plus limitante du canal d'amenée ou section de contrôle des anciens organes). Hmax représente la hauteur maximale de chute de l'installation comptée entre la cote normale de fonctionnement de la prise d'eau et celle de la restitution à la rivière pour un débit total du cours d'eau égal à la somme du débit maximal d'équipement et du débit réservé à l'aval ".

4. En premier lieu, il est constant que les installations hydrauliques du Moulin de Paschou ont cessé d'être exploitées. La consistance légale du droit fondé en titre qu'il appartenait au préfet de fixer étant celle qui leur sera applicable dès leur remise en exploitation, ce dernier a pu, sans erreur de droit, pour apprécier cette consistance, faire application des dispositions de l'article R. 214-18-1 du code de l'environnement et de l'arrêté du 11 septembre 2015 citées ci-dessus, alors même que M. B... n'a pas encore déposé de projet précis de remise en exploitation. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions seraient inapplicables en l'espèce doit en tout état de cause être écarté.

5. En deuxième lieu, le jugement attaqué, pour fixer la consistance du droit fondé en titre en litige, a pris en compte l'ouverture créée par les deux vannes situées au niveau du pertuis d'entrée du canal d'amenée. Par suite, pour soutenir que le tribunal a fixé la consistance de ce droit à un niveau insuffisant, M. B... ne peut utilement faire valoir en appel que l'obstruction de l'une de ces deux vannes était temporaire, et réversible par des travaux limités.

6. En troisième lieu, M. B... fait valoir que l'étude du cabinet Cincle du 20 novembre 2019 a corrigé les conclusions de l'étude du même cabinet du 12 septembre 2017 initialement fournie à l'administration. Cette nouvelle étude, actualisée encore une fois le 17 janvier 2024, évalue l'aire de la section d'écoulement et le périmètre mouillé du canal d'amenée d'eau dans ses premiers mètres, dans l'état initial et entretenu de cette infrastructure. Elle en déduit la vitesse du courant V en faisant usage de la formule de Manning-Strickler, soit V=Ks x R2/3 x I1/2, I étant la pente hydraulique, R le rayon hydraulique, c'est-à-dire le rapport entre l'aire de la section d'écoulement et le périmètre mouillé, et Ks le coefficient de rugosité, fixé en l'espèce à 40. Sur la base d'un résultat de 1,96 m/s, elle en déduit que le débit maximal dérivé dans le canal Qmax était de 4,19m3/s, ce qui conduit, compte tenu d'une hauteur de chute de 8,46 mètres, à une puissance maximale brute de 348 kW. Toutefois, cette étude n'est pas cohérente avec l'étude du 12 septembre 2017 qu'elle prétend corriger, laquelle, parvenant à une vitesse du courant V de 1,73 m/s, rectifie ce résultat au motif que cette vitesse excessive dégraderait les installations, et ne retient qu'une vitesse de 1,1 m/s. D'autre part, cette vitesse et ce débit ne sont pas calculés au niveau de la section la plus limitante du canal d'amenée, et l'étude invoquée ne fait état d'aucun élément justifiant que l'aire plus réduite de la section d'écoulement au niveau de cette section la plus limitante, n'altèrerait pas le résultat des calculs qu'elle expose.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fixé la consistance du droit fondé en titre associé au Moulin de Paschou à 203 kW.

En ce qui concerne l'obligation de restaurer la continuité écologique :

8. Il appartient au juge du plein contentieux de la police de l'eau d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation, parmi lesquelles figurent celles relatives au contenu du dossier de demande d'autorisation, au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation. En revanche, le respect des règles de fond qui s'imposent à l'autorisation s'apprécie en fonction des considérations de droit et de fait en vigueur à la date de la présente décision.

9. Les dispositions de l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement, qui exonéraient les moulins à eau existant à la date de publication de la loi du 24 février 2017 des obligations mentionnées au 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement, ont été abrogées par l'article 71 de la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, visée ci-dessus. Dès lors, M. B... ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 décembre 2017 en ce qu'elle lui a refusé le bénéfice d'une exemption de l'obligation de restaurer la continuité écologique.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 27 février 2024, à laquelle siégeaient :

M Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mars 2024.

Le rapporteur,

Joël ArnouldLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01993


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01993
Date de la décision : 13/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Eaux - Ouvrages.

Energie - Énergie hydraulique.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Joël ARNOULD
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : REMY

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-13;22ly01993 ?
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