Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Le syndicat Force ouvrière du centre hospitalier Métropole Savoie a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la note de service diffusée en juillet 2019 par le centre hospitalier définissant les critères de choix pour l'avancement de grade de la filière ouvrière de la fonction publique hospitalière.
Par un jugement n° 1905081 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande du syndicat.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2022, le centre hospitalier Métropole Savoie, représenté par le Cabinet CLDAA, agissant par Me Duraz, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 novembre 2021 ;
2°) de rejeter la demande du syndicat Force ouvrière du centre hospitalier Savoie métropole présentée devant le tribunal administratif de Grenoble ;
3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge du syndicat force ouvrière du centre hospitalier Savoie métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande du syndicat, dirigée contre un acte préparatoire, était irrecevable ; en tout état de cause, le protocole ne constitue pas une décision faisant grief et susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;
- la demande du syndicat était tardive au regard de la jurisprudence " Czabaj ", en ce qu'elle conteste seulement le dispositif de grades cibles, appliqué au sein du centre hospitalier Métropole Savoie depuis 2010, dont elle a eu connaissance lors de la présentation en comité technique d'Etablissement le 29 juin 2010, puis le 7 février 2017, à l'occasion de la présentation de la révision des modalités d'avancement de grade de la filière logistique ;
- le jugement est irrégulier pour être insuffisamment motivé ;
- la note de service n'est pas contraire à l'article 69 de la loi du 6 janvier 1984 ; l'avancement au grade cible se fonde sur une objectivation de la manière de servir des agents, et en aucun cas sur un critère de l'emploi occupé ; l'agent qui a atteint son grade cible peut toujours progresser notamment au regard des compétences cibles ou de la fin de carrière.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2022, le syndicat Force ouvrière du centre hospitalier Métropole Savoie, représenté par la SELARL Grimaldi Molina et associés, agissant par Me Grimaldi, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier Métropole Savoie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Par ordonnance du 4 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Le centre hospitalier Métropole Savoie a diffusé en juillet 2019 une note de service définissant les critères de choix de l'avancement de grade de la filière ouvrière et technique de la fonction publique hospitalière. Il relève appel du jugement du 30 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ladite note de service, sur la demande du syndicat Force ouvrière du centre hospitalier Métropole Savoie.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les premiers juges ont expliqué de façon suffisamment précise les raisons pour lesquelles ils ont retenu, au point 5 du jugement contesté, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 69 de la loi du 6 janvier 1984.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
3. En premier lieu, la note de service contestée, diffusée en juillet 2019 et qui ne constitue pas un document préparatoire, définit les critères de choix pour l'avancement de grade de la filière ouvrière de la fonction publique hospitalière. Elle comporte, ainsi, des dispositions impératives à caractère général qui doivent être regardées comme faisant grief. Dès lors, ce document peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
4. En deuxième lieu, le centre hospitalier Métropole Savoie persiste à soutenir que la demande du syndicat était tardive. Il y a lieu d'écarter cette fin de non-recevoir par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
En ce qui concerne le bien-fondé du moyen retenu par le jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article 69 de la loi du 9 janvier 1986 : " Sauf pour les emplois mentionnés à l'article 3, l'avancement de grade a lieu, selon les proportions définies par les statuts particuliers, suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : / 1° Au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement établi par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'avancement de grade au choix est fonction de la seule valeur professionnelle des agents.
6. La note de service définissant les critères de choix pour l'avancement de grade de la filière ouvrière de la fonction publique hospitalière du centre hospitalier Métropole Savoie prévoit " qu'afin de permettre la classification des agents selon leur valeur professionnelle, l'avancement de grade de la filière logistique et technique s'appuie sur une cartographie des métiers qui définit pour chacun des métiers le grade cible correspondant ". L'avancement de grade s'articule autour de trois dispositifs. En premier lieu, l'avancement des agents n'ayant pas été atteint le grade cible défini au niveau de l'établissement en fonction du poste occupé a lieu selon les critères d'avancement suivants : échelon - ancienneté dans l'échelon, notation, évaluation professionnelle, absences, atteinte des compétences cibles et de compétences de niveau supérieur à la cible. En deuxième lieu, la note de service prévoit un avancement " au regard des compétences cibles ", identifiées sur la base d'un référentiel de compétence permettant la reconnaissance de l'expérience professionnelle. En troisième lieu, pour les agents dont la valeur professionnelle est reconnue mais ne possédant pas de compétences étendues en termes de technicité, management, organisation, un dispositif " Fin de carrière " est prévu. En dernier lieu, la note de service prévoit un dispositif de " Liste complémentaire ".
7. Pour annuler la note de service en litige, les premiers juges ont considéré que le dispositif de classification des métiers permettant d'associer à chacun d'eux un grade-cible auquel l'agent qui exerce ce métier peut être en mesure de prétendre conduit en pratique à interdire l'avancement des agents ayant atteint leur grade-cible, et donc à écarter la prise en compte de leur valeur professionnelle et des acquis de leur expérience professionnelle, critères prépondérants de l'avancement de grade au choix prévu par l'article 69 précité.
8. Pour critiquer ce jugement, le centre hospitalier Métropole Savoie soutient que l'avancement au grade-cible se fonde sur une objectivation de la manière de servir des agents. Toutefois, le grade-cible étant défini au niveau de l'établissement, en fonction du poste occupé, le dispositif consistant à définir pour les agents qui l'exercent un grade-cible auquel ils peuvent prétendre consacre bien, contrairement à ce qu'il soutient, un critère de " l'emploi occupé ", indépendamment de l'appréciation de leur valeur professionnelle. Et si le centre hospitalier requérant fait valoir que l'agent qui a atteint son grade-cible peut toujours progresser notamment au regard des compétences cibles ou de la fin de carrière, il ne conteste pas sérieusement que ce mécanisme aura pour effet de favoriser l'avancement de grade d'un agent dont le grade type n'a pas été atteint, au détriment d'un agent dont le grade type aura été atteint, sans se fonder sur sa valeur professionnelle et les acquis de son expérience professionnelle. Dès lors, comme l'ont relevé les premiers juges, ce mécanisme d'avancement méconnaît les dispositions de l'article 69 de la loi du 9 janvier 1986, quand bien même la note de service en litige rappelle que " la valeur professionnelle des agents est au cœur de la démarche d'avancement ".
9. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier Métropole Savoie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la note de service diffusée en juillet 2019 définissant les critères de choix de l'avancement de grade de la filière ouvrière et technique de la fonction publique hospitalière.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que le centre hospitalier Métropole Savoie demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge du syndicat, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Métropole Savoie le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le syndicat Force ouvrière du centre hospitalier Métropole Savoie.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du centre hospitalier Métropole Savoie est rejetée.
Article 2 : Le centre hospitalier Métropole Savoie versera une somme de 2 000 euros au syndicat Force ouvrière du centre hospitalier Métropole Savoie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Métropole Savoie et au syndicat Force ouvrière du centre hospitalier Savoie Métropole.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet de la Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY00276