Vu la procédure suivante :
Par un déféré, enregistré le 23 janvier 2023, le préfet de la Nièvre a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation de construire, l'arrêté du 8 août 2022 par lequel le maire de Varennes-Vauzelles a délivré à la SAS Redeim un permis en vue de la construction de deux bâtiments à usage commercial.
Par une ordonnance n° 2300221 du 12 avril 2023, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Dijon a transmis à la cour, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, le déféré du préfet de la Nièvre.
Par ce déféré, désormais enregistré sous le n°23LY01262, et par un mémoire enregistré le 3 mai 2023, le préfet de la Nièvre demande à la cour d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation de construire, l'arrêté du 8 août 2022 par lequel le maire de Varennes-Vauzelles a délivré à la SAS Redeim un permis en vue de la construction de deux bâtiments à usage commercial.
Il soutient que :
- cette décision a été prise par une autorité incompétente ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires enregistrés le 21 février 2023 et le 16 juin 2023, la SAS Redeim, représentée par Mes Guillini et Castera, conclut au rejet du déféré et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision en litige a été prise par une autorité compétente ;
- cette décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste appréciation, au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire enregistré le 2 juin 2023, la commune de Varennes-Vauzelles, représentée par Me Tissot, conclut au rejet du déféré et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision en litige a été prise par une autorité compétente ;
- cette décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste appréciation, au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente ;
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;
- les observations de Me Douvreleur, représentant la SAS Redeim ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 9 mars 2022, la SAS Redeim a déposé auprès de la mairie de Varennes-Vauzelles une demande d'autorisation de construire pour deux bâtiments à usage commercial et de services, sur un terrain situé, rue Henri Boquillard, sur le territoire de cette commune, en zone UE du plan local d'urbanisme (PLU) et dans le prolongement de l'axe de la piste 12 de l'aérodrome de Nevers Fourchambault qui est régi par un plan des servitudes aéronautiques approuvé le 16 juin 1976. Par un arrêté du 8 août 2022, le maire de Varennes-Vauzelles a délivré à la SAS Redeim le permis de construire sollicité. Par un courrier du 20 septembre 2022, le préfet de la Nièvre a adressé un recours gracieux au maire de Varennes-Vauzelles, lui demandant de retirer son arrêté, qu'il estimait illégal au regard de l'avis défavorable émis par le service national d'ingénierie aéroportuaire Centre et Est de la direction générale de l'aviation civile et des disposions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Ce recours ayant été implicitement rejeté, le préfet de la Nièvre demande à la cour d'annuler cet arrêté du 8 août 2022.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales : " En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par le conseil ou, à défaut, pris dans l'ordre du tableau. ".
3. Il résulte de ces dispositions législatives, qui n'ont pas pour vocation de suppléer les délégations que le maire peut consentir à ses adjoints en vertu de l'article L. 2122-18 du même code, qu'elles ne donnent compétence au suppléant que pour les actes dont l'accomplissement, au moment où il s'impose, serait empêché par l'absence du maire et ne permettrait donc pas un fonctionnement normal de l'administration municipale.
4. L'arrêté contesté a été signé le 8 août 2022, " pour le maire empêché ", par M. B... A... en sa qualité de premier adjoint. Il ressort des pièces du dossier que cet arrêté n'a pas été signé sur le fondement de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, par délégation du maire de la commune, mais, en application de l'article L. 2122-17 du même code, à la suite d'un empêchement du maire. Il ressort également des pièces du dossier, notamment d'une attestation établie par le maire de la commune que le préfet ne conteste pas utilement, que le maire était effectivement absent dans la semaine du 8 au 14 août 2022. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté, M. A..., 1er adjoint, doit être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".
6. Les risques d'atteinte à la sécurité publique visés par ce texte sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.
7. Il ressort des pièces du dossier que, le 26 juillet 2022, le service national d'ingénierie aéroportuaire Centre et Est de la direction générale de l'aviation civile a rendu un avis défavorable au projet dont il a précisé les motifs, le 18 novembre 2022, en indiquant que l'aérodrome de Nevers Fourchambault dispose d'un plan de servitudes aéronautiques en date du 16 juin 1976 qui, en vertu de normes techniques utilisées lors de son établissement, ne protège pas les trouées de décollage alors que les normes techniques actuelles tiennent désormais compte de ces trouées. Il ressort également des explications fournies par ce service de la direction de l'aviation civile qu'à cet effet, dès 2016, la direction de l'aviation civile a saisi le président du syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation de l'aéroport du Grand Nevers et de la Nièvre afin de lui faire part des non-conformités en matière d'infrastructure et d'obstacles, ainsi que de la nécessité de procéder à une révision du plan de servitudes aéronautiques. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une note d'analyse en date du 26 avril 2023 rédigée par le même service national d'ingénierie aéroportuaire Centre et Est de la direction générale de l'aviation civile que, depuis 2016, aucune procédure de révision du plan de servitudes aéronautiques n'a effectivement été lancée et que des mesures conservatoires ont été mises en place pour compenser l'absence de conformité des trouées de décollage, se traduisant notamment par la limitation des types d'aéronefs acceptés sur l'aérodrome, et que le propriétaire de l'aérodrome a envisagé une réduction de piste, laquelle permettrait au projet de ne plus être impacté par la future trouée de décollage. Si le préfet fait valoir que " le risque que comporte la réalisation de ce projet pour la sécurité aérienne n'est pas acceptable, au regard de l'exploitation actuelle de l'aéroport de Nevers-Fourchambault, nonobstant les mesures conservatoires dont il fait actuellement l'objet ", il n'apporte aucun élément permettant d'établir que ces mesures conservatoires seraient insuffisantes pour éviter tout risque sur la sécurité aérienne. Par ailleurs, les circonstances que ces mesures conservatoires n'auraient pas vocation à être pérennisées et que d'autres restrictions d'exploitation ou des modifications de l'infrastructure devront être envisagées pour permettre l'exploitation convenable de l'aérodrome ne sauraient être regardées comme constituant un risque pour la sécurité aérienne. Dans ces conditions, et eu égard au caractère imprécis et incertain de la modification des conditions d'exploitation de l'aérodrome et de son développement futur ainsi que de l'éventuelle modification du plan de servitude aéronautique annexé au plan d'occupation des sols de la commune de Varennes-Vauzelles, et alors qu'il est constant que le projet est conforme à ce plan de servitude, le préfet n'est pas fondé à soutenir que le projet en litige est de nature à porter atteinte à la sécurité aérienne. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit, par conséquent, être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède, que les conclusions du préfet tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2022 doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros à la SAS Redeim et une somme de 2 500 euros à la commune de Varennes-Vauzelles, au titre des frais exposés par elles dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Nièvre est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la SAS Redeim une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : L'Etat versera à la commune de Varennes-Vauzelles une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Redeim, à la commune de Varennes-Vauzelles, au préfet de la Nièvre et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Dèche, présidente,
Mme Vergnaud, première conseillère,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.
La rapporteure,
P. Dèche
L'assesseure la plus ancienne,
E. Vergnaud
Le greffier en chef,
C. Gomez
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier en chef
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N° 23LY01262
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