La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | FRANCE | N°23LY00774

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 20 juin 2024, 23LY00774


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les décisions du 20 avril 2022 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de ces mesures d'éloignement.



Par jugement nos 2206331-2206332 du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a re

jeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 février 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les décisions du 20 avril 2022 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de ces mesures d'éloignement.

Par jugement nos 2206331-2206332 du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 février 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Rodrigues, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les décisions de la préfète de la Loire du 20 avril 2022 ;

2°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de leur délivrer, sous huitaine puis dans un délai d'un mois, des autorisations provisoires de séjour puis des cartes de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer leur situation, dans le délai d'un mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à leur avocate de la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la préfète de la Loire n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation personnelle avant de refuser de leur délivrer un titre de séjour ;

- ces refus de titre reposent sur des motifs entachés d'erreur matérielle ;

- ils méconnaissent l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article L. 423-23 du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les obligations de quitter le territoire français sont illégales en raison de l'illégalité des refus de titre de séjour ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elles méconnaissent l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français.

M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec ;

Considérant ce qui suit :

1. Originaires de Palestine et disposant de la qualité de réfugié au Liban, M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 2 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions de la préfète de la Loire du 20 avril 2022 rejetant leurs demandes de titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de ces mesures d'éloignement.

Sur les décisions concernant M. C... :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

3. Pour rejeter la demande présentée par M. C..., la préfète de la Loire a relevé que, d'après l'avis du 8 mars 2022, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que celui-ci peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé, dans " le pays dont il est originaire ". Toutefois, il ressort de cet avis que M. C... a alors été considéré à tort comme étant de nationalité libanaise. Contrairement à ce qu'a indiqué la préfète de la Loire, cet avis n'a ainsi pas eu pour objet de se prononcer sur la disponibilité de traitements dans le pays d'origine de l'intéressé, qui, disposant seulement de la qualité de réfugié au Liban, n'a pas la nationalité libanaise. La préfète de la Loire qui n'a, dans sa décision, fait état d'aucun autre Etat vers lequel l'intéressé aurait vocation à être éloigné, en raison de son statut de réfugié ou d'un éventuel droit au séjour aux Etats-Unis, a ainsi entaché sa décision d'une inexactitude matérielle, sans qu'il résulte de l'instruction que la même décision aurait été adoptée en l'absence d'une telle erreur.

4. Le refus de titre de séjour opposé à M. C... étant ainsi entaché d'illégalité, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination dont il est assorti doivent, par voie de conséquence, également être annulées.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dont se prévaut M. C..., que celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions de la préfète de la Loire du 20 avril 2022 le concernant.

Sur les décisions concernant Mme C... :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, la préfète de la Loire, qui n'était pas tenue de reprendre l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle et administrative de Mme C..., a énoncé les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision. Il ressort ainsi de ses termes mêmes que, bien que n'ayant pas mentionné son statut de réfugié au Liban, la préfète de la Loire a, contrairement à ce que prétend Mme C..., préalablement procédé à un examen de sa situation particulière. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté, sans que puissent être utilement invoquées à son appui les prétendues erreurs de fait ou d'appréciation dont cet examen serait entaché.

7. En deuxième lieu, pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme C... sur le fondement des dispositions citées au point 2, la préfète de la Loire, qui a fait état de l'origine palestinienne de l'intéressée, a suivi l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII du 8 mars 2022, selon lequel si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sans se prononcer sur la disponibilité de ces soins dans son pays d'origine. Par suite, la circonstance que le collège de l'OFII s'est, ainsi qu'il ressort de son avis, mépris sur la nationalité de l'intéressée n'est pas de nature à entacher d'inexactitude matérielle les motifs sur lesquels la préfète de la Loire s'est fondée pour adopter le refus de titre de séjour litigieux.

8. En troisième lieu, comme indiqué ci-dessus, la préfète de la Loire a estimé, pour rejeter la demande de titre de séjour de Mme C..., que le défaut de prise en charge médicale de cette dernière ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, suivant ainsi l'avis rendu en ce sens par le collège des médecins de l'OFII. Mme C... ne produit aucune pièce, notamment médicale, tendant à démentir cette appréciation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En quatrième lieu, Mme C... n'établissant pas avoir sollicité la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'a pas été examiné par la préfète de la Loire, elle ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions pour contester le refus en litige.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays, (...) à la prévention des infractions pénales (...) ".

11. M. et Mme C..., nés, respectivement, en 1940 et 1944, sont entrés, en dernier lieu, le 10 juin 2021 sur le territoire français. A la date des refus litigieux, ils y résidaient ainsi depuis moins d'un an, sans y avoir séjourné durablement par le passé. Si trois de leurs enfants, de nationalité française, y résident, ils ne peuvent pour autant prétendre être dépourvus d'attaches privées et familiales au Liban où, disposant d'un statut de réfugié, ils ont vécu de nombreuses années et où demeure leur fille, ou aux Etats-Unis, où ils bénéficient d'une autorisation de séjour valable jusqu'en 2029, sans démontrer ne plus y être admissibles, et où demeure un de leur fils. Enfin, et comme indiqué au point 8, Mme C... ne démontre pas que son état de santé nécessite qu'ils demeurent sur le territoire français. Dans ces circonstances, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, la préfète de la Loire a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées. Pour ces mêmes motifs, la préfète de la Loire n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de destination :

12. Le présent arrêt annulant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français opposés à son époux, Mme C... est fondée à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, la préfète de la Loire a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

13. L'obligation de quitter le territoire français opposée à Mme C... étant ainsi entachée d'illégalité, la fixation du pays de destination de cette mesure d'éloignement doit, par voie de conséquence, également être annulée.

14. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dont se prévaut Mme C... à l'encontre de ces décisions, que celle-ci est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de la préfète de la Loire du 20 avril 2022 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

15. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ". Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

16. Eu égard au motif qu'il retient pour annuler les décisions prises à l'encontre de M. C..., le présent arrêt implique seulement que le préfet territorialement compétent lui délivre une autorisation provisoire de séjour et procède à un nouvel examen de sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

17. Le présent arrêt annulant également l'obligation de quitter le territoire français adoptée à l'encontre de Mme C..., il y a lieu d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Rodrigues, avocate de M. et Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette dernière de la somme de 1 200 euros qu'elle demande, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 2206331-2206332 du tribunal administratif de Lyon du 2 décembre 2022 est annulé, en tant qu'il rejette la demande de M. C... tendant à l'annulation des décisions de la préfète de la Loire du 20 avril 2022 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et celle de Mme C... tendant à l'annulation des décisions de la préfète de la Loire du 20 avril 2022 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Article 2 : Les décisions de la préfète de la Loire du 20 avril 2022 refusant de délivrer un titre de séjour à M. C..., lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et celles faisant obligation de quitter le territoire français à Mme C... et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. C... et à Mme C... et de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. C... et de la situation de Mme C..., dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Rodrigues la somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme C... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Mme B... A... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La rapporteure,

S. CorvellecLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00774


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00774
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : RODRIGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23ly00774 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award