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18/07/2024 | FRANCE | N°22LY03301

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 18 juillet 2024, 22LY03301


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société Mazet SAS a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de réviser le solde créditeur du décompte du marché du lot n° 6 doublage, cloisons, faux-plafonds et peinture conclu avec l'Université Clermont-Auvergne pour la construction d'un centre de recherches biocliniques et de condamner l'Université Clermont-Auvergne à lui verser la somme de 595 088 euros HT en conséquence de cette révision.



Par jugement n° 2000874 du 22 septembre 2022, le t

ribunal, après avoir dégagé un solde débiteur de 40 812,50 euros, a rejeté cette demande.





Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Mazet SAS a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de réviser le solde créditeur du décompte du marché du lot n° 6 doublage, cloisons, faux-plafonds et peinture conclu avec l'Université Clermont-Auvergne pour la construction d'un centre de recherches biocliniques et de condamner l'Université Clermont-Auvergne à lui verser la somme de 595 088 euros HT en conséquence de cette révision.

Par jugement n° 2000874 du 22 septembre 2022, le tribunal, après avoir dégagé un solde débiteur de 40 812,50 euros, a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par requête et mémoire enregistrés le 15 novembre 2022 et le 10 juin 2024, la société Mazet, représentée par Me Langlais (SCP Langlais Brustel Ledoux), demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer ce jugement et de condamner l'Université Clermont-Auvergne à lui verser la somme de 648 377 euros dont 607 564,33 euros HT ;

2°) de mettre à la charge de l'Université Clermont-Auvergne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les pénalités de retard mises à sa charge par le tribunal ne sont pas fondées ; le retard pris dans l'exécution du marché relève du seul fait du maître de l'ouvrage, à l'origine d'une désorganisation du chantier et de l'ensemble des retards subis par tous les intervenants ; le maître de l'ouvrage a manifesté de manière non équivoque sa volonté de ne pas appliquer la clause du marché afférente aux pénalités de retard ;

- du fait du décalage de six mois du démarrage de chantier, entièrement imputable au maître de l'ouvrage et ayant dû garder ses équipes mobilisées sans pouvoir les répartir sur des chantiers équivalents, elle est fondée à demander le versement d'une somme de 98 382 euros HT du fait d'une perte d'amortissement sur frais généraux et d'une somme de 382 725 euros HT du fait de l'immobilisation de ses moyens humains et matériels ;

- du fait de la désorganisation du chantier, faute imputable à hauteur des deux tiers au maître de l'ouvrage, elle est fondée à demander le versement d'une somme de 126 457,33 euros HT au titre de la perte de rendement ;

- elle est fondée à demander une somme de 5 000 euros HT au titre de travaux supplémentaires de calfeutrement en sous-sol non prévus initialement au marché et demandés par le maître de l'ouvrage.

Par mémoire enregistré le 25 janvier 2023, l'Université Clermont-Auvergne, représentée par Me Gardien (Selarl Sisyphe Avocats), conclut au rejet de la requête et à ce que la société Mazet lui verse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le décompte du nombre de jours de retard n'est pas contesté par la société Mazet qui ne conteste pas avoir reçu les ordres de services 1, 3 et 6 modifiant le planning des travaux et les états d'avancement du chantier des 12 novembre 2015 et 17 mars 2016, sans les avoir contestés ; la société Mazet ne conteste pas sa responsabilité dans les retards de 137 jours pour les " peintures et plafonds du logement " et de 186 jours pour la " mise en peinture de la zone ERP ", lesquels suffisaient à fonder le montant des pénalités mises à sa charge, dont le montant est, en application des stipulations contractuelles, trois fois supérieur à celui qu'elle a finalement exigé dans le décompte ; la responsabilité des autres entreprises ou du maître de l'ouvrage n'est pas établie ;

- en l'absence de faute de sa part dans l'organisation du chantier, les demandes de la société Mazet tendant à l'indemniser des sommes demandées au titre de la perte d'amortissement sur frais généraux, au titre de l'immobilisation des moyens humains et matériels et de la perte de rendement ; les indemnités demandées ne sont pas justifiées dans leur montant ;

- en l'absence de facture régulière correspondante aux travaux supplémentaires allégués, ceux-ci ne sauraient être indemnisés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 24 janvier 2024 par ordonnance du même jour, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure,

- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Langlais pour la société Mazet SAS, de Me Gardien pour l'Université Clermont-Auvergne ;

Une note en délibéré a été présentée pour l'Université Clermont-Auvergne, enregistrée le 27 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. L'Université Auvergne, à laquelle a succédé l'Université Clermont-Auvergne, a attribué le marché du lot n° 6, rémunéré à prix forfaitaire, doublages, cloisons, faux-plafonds et peintures des travaux de construction de son centre de recherches biocliniques à la société Mazet SAS par acte d'engagement du 5 janvier 2015. Après achèvement de l'ouvrage, l'université a notifié à l'entreprise, le 28 novembre 2018, une proposition de décompte général du marché. La société Mazet SAS a notifié au maître de l'ouvrage, le 2 janvier 2019, une réclamation contre ce décompte, rejetée implicitement. Elle relève appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande de fixation d'un solde créditeur et conclut à ce que l'Université Clermont-Auvergne soit condamnée à lui verser la somme de 648 377 euros dont 607 564,33 euros HT.

Sur les conclusions de la requête :

En ce qui concerne les pénalités de retard imputées au débit du décompte :

2. Aux termes de l'article 20.1 du CCAG travaux applicable au marché en litige : " En cas de retard imputable au titulaire dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué une pénalité journalière de 1/3 000 du montant hors taxes de l'ensemble du marché (...) Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ; il est évalué à partir des prix initiaux du marché hors TVA (...) ". Aux termes de l'article 4.2 du CCAP du marché litigieux : " (...) Par dérogation à l'article 20.1 du CCAG, en cas de non-respect des délais d'exécution du marché (...), le titulaire pourra se voir appliquer des pénalités dont le montant est fixé par jour de retard à : (...) - délai intermédiaire figurant dans le calendrier d'exécution des travaux (début et/ou fin de tâche) : 1/3000e du montant du marché (...) ". Enfin aux termes de l'article 4.4 du même document : " (...) Les pénalités pourront être indifféremment appliquées dans le cadre des décomptes mensuels et/ou dans le cadre du décompte général du marché (...) ". Il résulte des stipulations précitées que tout jour de retard constaté sur le calendrier contractuel d'exécution des travaux peut engendrer, à l'appréciation du maître de l'ouvrage, des pénalités de retard.

3. Il résulte de l'instruction, notamment du courrier du 18 juillet 2017, que l'Université Clermont-Auvergne a décompté à la fin de l'exécution des travaux, un retard de 1 424 jours qu'elle a considéré comme imputable à la société Mazet SAS dans l'exécution des travaux figurant au calendrier contractuel d'exécution recalé en cours de chantier et notifié par ordre de service du 8 mars 2016. Il résulte par ailleurs de l'instruction que, faisant usage de la faculté que lui ouvrait l'article 4.2 du CCAP, le maître de l'ouvrage a, dans le projet décompte général, limité les pénalités à 40 812,50 euros sanctionnant un retard réduit à 323 jours.

4. Or, la société Mazet SAS ne conteste pas ni que ce reliquat recouvre 137 jours et 186 de retard ayant affecté, respectivement, les peintures et plafonds du logement et la mise en peinture de la zone ERP, ni que la méconnaissance du calendrier contractuel dans l'exécution de ces deux tâches lui soit entièrement imputable. Par ailleurs, dans son courriel du 19 mars 2018, le maître d'œuvre se borne à informer l'entreprise qu'elle peut intégrer à son projet de décompte une demande de remise des pénalités sans prendre d'engagement sur la suite qui lui sera donnée. La société Mazet SAS ne peut, dès lors, se prévaloir d'une manifestation d'intention du maître de l'ouvrage de renoncer à la totalité des pénalités de retard et n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions aux fins de réintégration à son crédit de la somme de 40 812,50 euros.

En ce qui concerne l'indemnisation du retard pris dans le démarrage des travaux :

5. Aux termes de l'article 19.1.1 du CCAG dans sa rédaction applicable au marché litigieux : " Le délai d'exécution du marché comprend la période de préparation définie à l'article 28.1 et le délai d'exécution des travaux défini ci-dessous. Un ordre de service précise la date à partir de laquelle démarre la période de préparation. / Le délai d'exécution des travaux est celui imparti pour la réalisation des travaux incombant au titulaire, y compris le repliement des installations de chantier et la remise en état des terrains et des lieux. Un ordre de service précise la date à partir de laquelle démarre le délai d'exécution des travaux. / (...) le titulaire ne peut se prévaloir d'aucun préjudice si la date, fixée par ordre de service, pour le début de la période de préparation lorsqu'il en existe une, ou de début d'exécution des travaux n'est pas postérieure de plus de six mois à celle de la notification du marché ".

6. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

7. La société Mazet soutient que l'université a mis tardivement à sa disposition les emprises où elle devait intervenir après de multiples plannings successifs traduisant une faute dans l'organisation du chantier. Si, pour justifier la notification de l'ordre de service de démarrage des travaux du lot n° 6, le 8 mars 2016, avec plus de six mois de retard sur les pièces contractuelles, l'université invoque des travaux de désamiantage imprévus de la partie d'ouvrage à reconvertir ayant interdit l'accès au site des autres corps d'état, une telle circonstance lui est imputable dès lors qu'elle a pris l'engagement de mettre le site à disposition du titulaire du lot considéré au visa d'un diagnostic erroné. Il y a donc lieu pour la cour d'entrer en voie d'examen du préjudice indemnisable.

8. Il résulte de l'instruction que, dans les modalités de calcul de ses préjudices, présentées après mesure d'instruction diligentée par la cour, la société Mazet SAS demande l'allocation d'une somme de 98 382 euros HT pour pertes d'amortissement sur frais généraux recouvrant indistinctement les pertes de productivité des moyens affectés aux fonctions support et au chantier. Elle demande, en outre, l'indemnisation de l'immobilisation des moyens humains et matériels affectés au chantier à hauteur de 382 725 euros HT calculé sur la base d'un effectif de 243 employés mobilisés alors qu'il résulte des pièces versées qu'elle n'en a finalement mobilisés que 47. Le préjudice d'immobilisation étant, suivant la présentation qui en est faite par l'entreprise elle-même, redondant avec les pertes d'amortissement sur frais généraux, il convient de limiter l'indemnisation à la somme de 98 382 euros HT soit 118'058,40 euros TTC. Par suite, la société Mazet SAS est fondée à demander l'imputation à son crédit de cette somme.

En ce qui concerne l'indemnisation des conditions d'intervention sur le chantier :

9. Si la société Mazet SAS se prévaut d'un courriel du 10 septembre 2015 par lequel la maîtrise d'œuvre l'aurait invitée à chiffrer les conséquences de conditions plus difficiles de son intervention dans l'hypothèse où le titulaire du lot " réseau " interviendrait avant elle, les éléments qu'elle invoque ne révèlent pas de faute imputable au maître de l'ouvrage dans l'organisation du chantier. Par suite, la demande d'indemnisation d'un préjudice de rendement doit être rejetée.

En ce qui concerne la rémunération de travaux supplémentaires :

10. Il n'est pas sérieusement contesté, d'une part, que les travaux supplémentaires dont la société Mazet demande la rémunération pour un montant de 5 000 euros HT, soit 6 000 euros TTC, n'étaient pas compris dans le forfait de rémunération et que leur exécution a été demandée par le maître de l'ouvrage, d'autre part, qu'ayant été facturés le 31 juillet 2020, ils ont été effectivement livrés, sans avoir été payés à la date du présent arrêt. Par suite, la société Mazet SAS est fondée à demander l'imputation à son crédit de cette somme.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Mazet SAS est seulement fondée à soutenir que doivent être réintégrées au crédit du décompte général de son marché, les sommes de 6 000 euros TTC et de 118'058,40 euros TTC et à demander la condamnation de l'Université Clermont-Auvergne lui à verser la somme de 124 058,40 euros TTC, déduction faite de tous les acomptes déjà versés et à demander la réformation du jugement en ce sens.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'Université Clermont-Auvergne est condamnée à verser à la société Mazet SAS la somme de 124 058,40 euros TTC.

Article 2 : Le jugement n° 2000874 du 22 septembre 2022 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mazet SAS, à l'Université Clermont-Auvergne et au ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbaretaz, président

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.

La rapporteure,

Ch. Psilakis

Le président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre chargé de la transition écologique et de de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 22LY03301


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03301
Date de la décision : 18/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL SISYPHE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-18;22ly03301 ?
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