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19/09/2024 | FRANCE | N°23LY02539

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 19 septembre 2024, 23LY02539


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SARL Société de rénovation et d'exploitation du Léman a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, de la contribution à l'audiovisuel public à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015, des pénalités correspondantes, de l'amende qui lui a été infligée en application de l'article 1840 W ter 2

du code général des impôts et la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la déte...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Société de rénovation et d'exploitation du Léman a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, de la contribution à l'audiovisuel public à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015, des pénalités correspondantes, de l'amende qui lui a été infligée en application de l'article 1840 W ter 2 du code général des impôts et la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination du résultat déficitaire des exercices clos en 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 2005045 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer à hauteur du montant de 2 704 euros dégrevé en cours d'instance (article 1er) et a rejeté le surplus de sa demande (article 2).

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2023, la SARL Société de rénovation et d'exploitation du Léman, représentée par Me Thouvenot, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des pénalités correspondantes, et de réparer les erreurs commises par l'administration dans la détermination du résultat déficitaire des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens, et de mettre à sa charge une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ne lui communiquant pas les plannings de réservations des années 2014 et 2015 et l'article de presse paru dans Maison Française Magazine ;

- l'administration ne pouvait pas procéder à des rehaussements de loyers concernant l'intégralité de la propriété ; elle a déterminé de manière arbitraire les périodes d'occupation du bien immobilier par son associé-gérant et l'autre associée ;

- elle fournit des prestations de type hôtelier passibles de la taxe sur la valeur ajoutée dans le cadre de son activité de location ;

- le paragraphe 40 de la documentation administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 est opposable à l'administration ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par un mémoire, enregistré le 15 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 7 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Société de rénovation et d'exploitation du Léman (SREL), dont le siège était à Sciez (Haute-Savoie) et qui avait pour activité la réalisation d'opérations immobilières, la location de biens immobiliers et l'exploitation de vignes, a acquis, en 2011, un corps de ferme et des bâtiments agricoles faisant partie d'un ancien mas situé à Aimargues (Gard) qu'elle a destiné à la location meublée. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, la vérificatrice a notamment, d'une part, réintégré dans ses résultats des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 les produits correspondant aux recettes locatives dont la société s'était privée en laissant la jouissance de certains locaux à ses associés et, d'autre part, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, taxé les recettes omises et remis en cause la taxe grevant les dépenses de travaux de réaménagement effectuées dans cet ensemble immobilier entre 2012 et 2014. En conséquence de ces rectifications notifiées suivant la procédure contradictoire, l'administration a mis à la charge de la SARL SREL des compléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée par avis de mise en recouvrement du 15 mars 2017, les rehaussements de recettes ayant pour seul effet de réduire les déficits déclarés au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée ont été assortis de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du même code. Par un jugement du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel à concurrence d'un montant de 2 704 euros correspondant à la contribution à l'audiovisuel public, aux amendes et aux intérêts de retard dégrevés en cours d'instance, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des impositions à la taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes ainsi qu'à la rectification des résultats déficitaires des exercices clos en 2014 et 2015. La SARL SREL relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions relatives à l'impôt sur les sociétés, au rappel de taxe sur la valeur ajoutée déductible et aux pénalités appliquées à la taxe sur la valeur ajoutée collectée.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.

3. La vérificatrice a retenu que la SARL SREL n'avait pu donner en location le bien immobilier d'Aimargues du 10 au 13 juin, du 12 au 26 juillet 2014, et du 4 au 11 juillet 2015 dont elle avait laissé la jouissance à ses deux associés et réintégré dans les produits de la société requérante les loyers correspondants dont elle s'était privée.

4. D'une part, il résulte de l'instruction que la vérificatrice s'est fondée, pour procéder à ce rehaussement, sur les calendriers de réservations du Loft n° 9 des années 2014 et 2015 portant la mention " Nous - vacances en famille ". La SARL SREL reconnaît dans ses écritures que ces calendriers ont été transmis à la vérificatrice par l'expert-comptable qu'elle a mandaté pour la représenter lors de la vérification de comptabilité. La société requérante ne peut par suite se prévaloir de l'absence de communication de documents qui n'ont pas été recueillis auprès de tiers.

5. D'autre part, si la SARL SREL soutient que l'administration ne lui a pas communiqué un article de presse paru dans l'édition de juillet / août 2015 de la revue Maison Française Magazine dans lequel ses associés ont indiqué être les propriétaires du Mas Saint-Rémy qui constituait leur résidence secondaire, il résulte de l'instruction que l'administration ne s'est référée à ce document que dans la décision statuant sur sa réclamation contentieuse du 5 juin 2020, soit postérieurement à la date de mise en recouvrement des impositions de sorte que la vérificatrice ne peut être regardée comme ayant utilisé l'article de presse en cause pour établir les rectifications de loyers.

6. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de communication au contribuable des documents et renseignements obtenus auprès de tiers prescrite par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

Sur les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés des exercices clos en 2014 et 2015 :

7. Si la proposition de rectification fait état d'avantages en nature et se réfère à l'article 54 bis du code général des impôts, il en ressort que la vérificatrice a réintégré dans les résultats imposables de la SARL SREL des produits d'exploitation constitués de loyers non comptabilisés pour des montants de 4 900 euros et de 2 500 euros au titre respectivement des exercices clos en 2014 et 2015 au motif que son associé-gérant et l'autre associée s'étaient réservés la jouissance à titre personnel et gratuit du Mas Saint-Rémy du 10 au 13 juin 2024, du 12 au 26 juillet 2014 et du 4 au 11 juillet 2015.

8. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ".

9. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

10. D'une part, le ministre soutient, sans être contesté, que le domaine du Mas Saint-Rémy comprend plusieurs gîtes, le Saint-Louis, la Maison de Maître, la Maison des Vignerons, le Saint-Rémy et le Loft. Il résulte de l'instruction que la vérificatrice n'a procédé qu'aux rehaussements des loyers du Loft n° 9 de sorte que la SARL SREL n'est pas fondée à soutenir que la rectification porte sur la location de l'ensemble de la propriété.

11. D'autre part, le calendrier de réservations du loft n° 9 portant sur les exercices clos en 2014 et 2015 désigne l'associé-gérant et l'autre associée de la SARL SREL comme occupants de ce logement au cours des périodes du 10 au 13 juin 2014, du 12 au 26 juillet 2014 et du 4 au 11 juillet 2015. En se bornant à faire valoir que le loft n° 9 est équipé d'une seule cuisine et d'une seule salle à manger, la SARL SREL ne démontre pas que ce logement pouvait être occupé par plusieurs familles. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que le loft n° 9 a été occupé à titre exclusif par l'associé-gérant et l'autre associée pour les durées retenues que la société requérante ne remet pas en cause.

12. Eu égard à la relation d'intérêt liant la SARL SREL, son associé-gérant et l'autre associée, l'administration établit qu'en s'abstenant de facturer aux occupants les loyers afférents à la mise à disposition de ce logement pendant les périodes en cause, la société, qui ne conteste pas la valeur retenue, leur a volontairement consenti un avantage constitutif d'un acte anormal de gestion justifiant l'inclusion des recettes locatives omises dans ses résultats des exercices clos en 2014 et 2015.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée déductible :

13. La SARL SREL a porté en déduction sur les déclarations CA3 qu'elle a souscrites la taxe sur la valeur ajoutée se rapportant aux travaux qu'elle a fait réaliser entre 2012 et 2014 dans l'ensemble immobilier, Le Mas Saint-Rémy, pour des montants de, respectivement, 44 881 euros, 1 955 euros et 20 458 euros en 2013, 2014 et 2015. L'administration a remis en cause la déduction de la taxe grevant ces travaux au motif que l'activité de location meublée du Mas Saint-Rémy étant exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, le coefficient de déduction déterminé selon les règles de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts était nul.

14. L'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, reprenant les dispositions du b) du B de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, prévoit au point l) de son paragraphe 1 que les Etats membres exonèrent " la location de biens immeubles ". Toutefois, en application de son 2, " Sont exclues de l'exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes : / a) les opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (...) ".

15. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. - 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II de ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ". Aux termes de l'article 206 de la même annexe : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. (...) III. - 1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. 2. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction. (...) ".

16. Aux termes de l'article 261 du code général des impôts " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 5. (...) 2° les livraisons d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans. (...) ". Aux termes de l'article 261 D de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : (...) b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. (...) ".

17. Ces dispositions ont pour effet d'inclure dans le champ de l'exonération toute mise à disposition d'un local meublé qui n'est pas assortie de l'offre, par l'exploitant, d'au moins trois des quatre services que constituent la fourniture du petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture du linge de maison et la réception de la clientèle. Elles sont ainsi susceptibles d'entraîner l'exonération de locations de logements meublés au seul motif que deux de ces prestations accessoires ne sont pas offertes à la clientèle dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers, alors que le cumul de trois de ces quatre prestations n'apparaît pas systématiquement indispensable pour que de telles locations puissent, selon le contexte dans lequel elles sont proposées, être regardées comme se trouvant en concurrence avec le secteur hôtelier.

18. Le b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts a pour effet d'inclure dans le champ de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu'il prévoit toute mise à disposition d'un local meublé qui n'est pas assortie de l'offre, par l'exploitant, d'au moins trois des quatre services que constituent la fourniture du petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture du linge de maison et la réception de la clientèle. Ces dispositions sont ainsi susceptibles d'entraîner l'exonération de locations de logements meublés au seul motif que deux de ces prestations accessoires ne sont pas offertes à la clientèle dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers, alors que le cumul de trois de ces quatre prestations n'apparaît pas systématiquement indispensable pour que de telles locations puissent, selon le contexte dans lequel elles sont proposées, être regardées comme se trouvant en concurrence avec le secteur hôtelier. Par suite, ce b. est incompatible avec les objectifs de l'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 en tant qu'il subordonne la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des activités de mise à disposition d'un local meublé ou garni à la condition que soient proposées au moins trois des quatre prestations accessoires qu'il énumère, dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers. En revanche, ces dispositions demeurent compatibles avec les objectifs dudit article en tant qu'elles excluent de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient les activités se trouvant dans une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. Il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'impôt, d'apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l'hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.

19. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

20. Il résulte de l'instruction que les contrats conclus par la SARL SREL pour la location des logements situés dans la propriété stipulent, dans leurs conditions générales, que le locataire est tenu de souscrire une assurance pour le local pris en location et que, pendant la période estivale, les locations se font du samedi 15 heures au samedi 10 heures, sauf accord préalable, auquel cas les conditions seront prévues au contrat. Ces contrats stipulent également que le locataire s'engage à rendre le local meublé, à son départ, aussi propre et rangé qu'il l'aura trouvé à son arrivée et qu'à défaut, la caution versée sera retenue en tout ou partie. Si la SARL SREL affirme avoir fourni un service de ménage, la seule prestation de cette nature comprise dans le prix est celle prévue par le contrat avant l'entrée dans les lieux, le nettoyage régulier des locaux n'étant proposé aux locataires qu'en option moyennant un supplément de prix. Il ne résulte au demeurant pas de l'instruction que la SARL SREL ait eu recours à du personnel pour assurer cette prestation, de même que le service de réception de la clientèle qu'elle affirme avoir également assuré. Enfin, si la SARL SREL soutient avoir fourni le linge de maison, les contrats précisent qu'aucune serviette de bain n'est fournie et la société ne conteste pas que les factures de nettoyage de linge qu'elle a présentées au cours du contrôle, au demeurant libellées au nom d'un autre domaine, ne faisaient état que du nettoyage de draps, housses et couettes de lit. Dans ces conditions, la SARL SREL, qui ne proposait aucun service de petit déjeuner, ne peut être regardée comme ayant assuré, au cours de la période en litige, les fonctions essentielles d'une entreprise hôtelière la plaçant en concurrence potentielle avec les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle. Par suite, l'administration est fondée à soutenir qu'elle devait être exonérée de taxe sur la valeur ajoutée en application des disposition précitées, ce qui faisait obstacle à la déduction de la taxe sur les déclarations qu'elle a souscrites au titre de la période en litige.

21. En second lieu, la SARL SREL n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le paragraphe 40 de la documentation administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20, qui ne comporte pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

Sur les pénalités :

22. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

23. L'administration a appliqué la majoration de 40 % pour manquement délibéré aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis sur la reprise d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée reporté au 1er janvier 2013 et sur l'insuffisance de taxe sur la valeur ajoutée collectée déclarée au titre des années 2013 et 2015.

24. Pour établir le caractère délibéré des manquements constatés, l'administration a notamment relevé que la SARL SREL n'avait déclaré aucune taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre des années 2012 et 2015, alors qu'elle aurait dû en déclarer respectivement les sommes de 3 753 euros et de 13 128 euros, qu'elle a également éludé la taxe sur la valeur ajoutée collectée d'un montant de 5 763 euros, représentant 41 % de ladite taxe exigible, au titre de l'année 2013, que la société requérante a alors dégagé un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 2 591 euros au 31 décembre 2012 qui a été reporté sur la déclaration de taxe CA3 de janvier 2013, qu'elle a également bénéficié de remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 18 064 euros au titre du mois d'août 2013 et de 5 282 euros au titre du mois d'octobre 2015, qui auraient dû être compensés en tout ou partie par la taxe sur la valeur ajoutée insuffisamment déclarée. La SARL SREL ne démontre pas que ces omissions et anomalies résultent de simples erreurs comptables. Dans ces conditions, eu égard au caractère répété des insuffisances déclaratives de taxe sur la valeur ajoutée collectée, l'administration établit l'intention délibérée de la société requérante d'éluder une partie des impositions dont elle était redevable, justifiant l'application de majorations pour manquement délibéré.

25. Il résulte de ce qui précède que la SARL SREL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas entièrement fait droit à sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que, en tout état de cause, celles relatives aux dépens, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Société de rénovation et d'exploitation du Léman est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Société de rénovation et d'exploitation du Léman (SREL) et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Haïli, président-assesseur,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 septembre 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02539


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