La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/10/2024 | FRANCE | N°23LY00190

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 09 octobre 2024, 23LY00190


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 7 septembre 2020 par laquelle le maire de la commune de Chambéry lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre à cette autorité de lui accorder le bénéfice de cette protection et de verser à ce titre à son avocat une provision de 24 600 euros.



Par un jugement n° 2006581 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.





Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 17 janvier 2023, M. B... A..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 7 septembre 2020 par laquelle le maire de la commune de Chambéry lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre à cette autorité de lui accorder le bénéfice de cette protection et de verser à ce titre à son avocat une provision de 24 600 euros.

Par un jugement n° 2006581 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2023, M. B... A..., représenté par Me Adamo-Rossi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 décembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du maire de la commune de Chambéry du 7 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre à cette autorité de lui verser une provision de 24 600 euros au titre des frais de procédure qu'il a engagés ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Chambéry une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée au regard de l'ensemble des faits dont il avait fait état dans sa demande ;

- le maire de la commune de Chambéry ne pouvait statuer sur sa demande de protection fonctionnelle sans méconnaître le principe d'impartialité ;

- en raison des accusations dont il a fait l'objet, le refus de lui accorder la protection fonctionnelle méconnaît l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ; en effet, il a été victime de harcèlement moral de la part de l'autorité communale, ainsi que de menaces et propos diffamatoires ;

- compte tenu des procédures qu'il a dû engager et pour lesquelles il a eu besoin de l'assistance d'un avocat, une provision de 24 600 euros doit lui être allouée.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 mars 2024, la commune de Chambéry, représentée par la SELARL Cabinet d'avocats Philippe Petit et Associés, agissant par Me Petit, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 18 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Yves Tallec, président ;

- les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Garaudet, représentant la commune de Chambéry ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ingénieur principal, occupait en dernier lieu le poste de chef du service " maintenance des bâtiments " de la commune de Chambéry. Il a présenté le 30 juillet 2018 une demande de protection fonctionnelle que l'autorité communale a rejetée par une décision du 20 septembre 2018. Cette décision a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Grenoble rendu le 30 juin 2020 en raison de l'insuffisance de sa motivation et le tribunal a enjoint à la commune de Chambéry de réexaminer la demande de l'intéressé. En exécution de ce jugement, la première adjointe au maire de la commune de Chambéry a procédé à ce réexamen et a rejeté la demande de M. A... par une décision du 7 septembre 2020. M. A... relève appel du jugement du 13 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a notamment rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette nouvelle décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". Aux termes de l'article L.211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "

3. La décision attaquée, qui rappelle les circonstances et les termes de la demande de protection fonctionnelle de M. A..., et énonce les raisons pour lesquelles celle-ci ne peut être satisfaite, est suffisamment motivée en fait. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent ne peut donc qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 2122-17 et L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales que le maire ou l'adjoint auquel il a donné délégation est en principe compétent pour se prononcer sur une demande de protection fonctionnelle émanant des agents de sa commune. Toutefois, face à une demande mettant personnellement en cause le maire ou son adjoint, celui-ci ne peut se prononcer sans méconnaître les exigences qui découlent du principe d'impartialité. La demande doit alors être transmise à un adjoint qui n'est pas mis en cause ou à un conseiller municipal désigné à cette fin par le conseil municipal.

5. En l'espèce, il ressort des termes de la demande de protection fonctionnelle datée du 30 juillet 2018 que M. A... a fait valoir qu'il avait été victime de harcèlement moral et d'atteintes à sa dignité, et a notamment accusé le maire et plusieurs de ses adjoints, qu'il a nommément désignés, de l'avoir diffamé, et de lui avoir adressé des menaces. Toutefois, la décision attaquée a été signée par Mme C..., première adjointe au maire notamment chargée des ressources humaines, qui n'avait pas été personnellement mise en cause par M. A.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " III.- Lorsque le fonctionnaire fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection. Le fonctionnaire entendu en qualité de témoin assisté pour de tels faits bénéficie de cette protection. La collectivité publique est également tenue de protéger le fonctionnaire qui, à raison de tels faits, est placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de composition pénale. / IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. (...) "

7. Les dispositions citées au point précédent établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

8. D'une part, aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".

9. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

10. En l'espèce, si M. A... fait valoir qu'à la suite de dénonciations anonymes visant le fonctionnement de son service, le maire de la commune de Chambéry a déposé, sans constitution de partie civile, une plainte " contre X " auprès du procureur de la République, qu'une enquête préliminaire a été ouverte, et que la suspicion dont il a fait l'objet l'a conduit à développer un syndrome dépressif dont l'imputabilité au service a été reconnue, ces circonstances ne suffisent pas à faire présumer le harcèlement moral dont il indique avoir été victime.

11. D'autre part, s'il invoque les courriers anonymes mettant en cause son intégrité et la plainte du maire mentionnée au point précédent, et s'il fait état, sans en justifier, de propos intimidants qui auraient été selon lui tenus à son encontre, ces éléments ne sauraient suffire à établir qu'il aurait fait l'objet de la part de plusieurs élus municipaux de menaces et de propos diffamatoires.

12. Par suite, c'est à bon droit que l'autorité communale a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions rappelées au point 6 doit donc être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 septembre 2020 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par voie de conséquence, il y a également lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Chambéry, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la commune de Chambéry présentée sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Chambéry sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Chambéry.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

- Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

- Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 octobre 2024.

Le président rapporteur,

Jean-Yves TallecLa présidente assesseure,

Emilie Felmy

La greffière,

Michèle Daval

La République mande et ordonne au préfet de la Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00190


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00190
Date de la décision : 09/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers. - Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Jean-Yves TALLEC
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : CABINET PHILIPPE PETIT & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-09;23ly00190 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award