Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'association Le Petit Pays - Andilly Loisirs a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er février 2012 au 31 janvier 2014, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 janvier 2013 et 2014, ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Par un jugement n° 2000886 du 5 juillet 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 août 2023, 18 janvier et 29 février 2024, l'association Le Petit Pays - Andilly Loisirs, représentée par Me Brunet, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et intérêts de retard ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser des intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation ;
- la gestion de ses activités d'organisation de la manifestation dénommée Les Grandes Médiévales d'Andilly, d'actions sociales d'insertion et associatives diverses, n'est pas intéressée ; les dirigeants de l'association ne sont pas rémunérés ; seul le partage des excédents entre membres de l'association est interdit, mais non le partage des excédents d'une activité à une autre, qui sont demeurés investis dans le patrimoine associatif et ont été affectés à l'objet social de l'association ; les charges et amortissements, qui ont été répartis prorata temporis, ne représentent pas effectivement leurs parts devant être imputées respectivement aux secteurs lucratif et non lucratif ; les excédents dégagés par l'organisation de la manifestation Les Grandes Médiévales d'Andilly ont été versés à ses actions sociales et associatives diverses, ainsi qu'à la commune d'Andilly ;
- elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 207 1. 5° et 5° bis du code général des impôts ;
- les paragraphes 90 à 150 de la documentation de base BOI-IS-CHAMP-30-20 sont opposables à l'administration ;
- la sectorisation des activités ne concerne pas la taxe sur la valeur ajoutée ;
- les paragraphes 120, 180 et 344 de la documentation de base BOI-IS-CHAMP-10-20-20-10, et 100 de la documentation de base BOI-TVA-DED-20-20, et 400 de la documentation de base BOI-TVA-CHAMP-30-10-30, sont opposables à l'administration ;
- les secteurs lucratifs et non lucratifs sont dissociables ; les recettes du secteur non lucratif, qui comprennent notamment les subventions publiques, la billetterie aux parcs à thèmes et les aides en nature, sont prépondérantes par rapport à celles du secteur lucratif ; l'excédent brut d'exploitation démontre le caractère prépondérant du secteur non lucratif ; il faut prendre en considération les moyens humains en raison de l'importance du bénévolat ;
- les paragraphes 150, 180, 190 à 220 de la documentation de base BOI-IS-CHAMP-10-50-20-10, sont opposables à l'administration ;
- les règles de filialisation des activités commerciales ne sont pas applicables ;
- les paragraphes 90 et 100 de la documentation de base BOI-IS-CHAMP-10-50-20-20-20, sont opposables à l'administration.
Par des mémoires, enregistrés les 20 décembre 2023, 12 février et 14 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions relatives aux intérêts moratoires sont irrecevables ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 1er mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 2 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Porée, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association Le Petit Pays - Andilly Loisirs, ayant son siège social à Andilly (Haute-Savoie), qui exploite des parcs à thèmes dénommés Le Parc des Épouvantails, Le Hameau du Père A... et Le Tout Petit Pays-la Cure et exerce une activité de location de costumes, activités qu'elle a soumises aux impôts commerciaux, organise également la manifestation dite Les Grandes Médiévales d'Andilly et assure des actions sociales d'insertion et des activités associatives diverses qu'elle n'a pas assujetties à ces impôts. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er février 2011 au 31 janvier 2014, au terme de laquelle la vérificatrice a, selon la procédure contradictoire, assujetti l'association requérante à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée pour les activités qu'elle avait qualifiées de non lucratives. L'association Le Petit Pays - Andilly Loisirs a, en conséquence, été soumise à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er février 2012 au 31 janvier 2014, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 janvier 2013 et 2014, ainsi qu'à des intérêts de retard. L'association Le Petit Pays - Andilly Loisirs relève appel du jugement du 5 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et intérêts de retard.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de se prononcer sur tous les arguments de l'association Le Petit Pays - Andilly Loisirs, a répondu aux points 7 et 9 de son jugement, de manière suffisamment circonstanciée, sur la gestion intéressée des activités qualifiées par l'association requérante de non lucratives, et sur les conséquences de l'affectation d'excédents issus de ces activités au secteur lucratif. En outre, s'il ressort du point 8 du jugement attaqué que les premiers juges ont repris les éléments retenus par la vérificatrice sur l'indissociabilité des secteurs lucratifs et non lucratifs, et sur l'absence de caractère prépondérant de ce dernier secteur, ils n'avaient pas à se prononcer eux-mêmes sur ces deux conditions dès lors qu'ils avaient conclu à une gestion intéressée de ce secteur. Enfin, le tribunal administratif pouvait se limiter à mentionner que l'association Le Petit Pays - Andilly Loisirs ne démontrait pas remplir les conditions prévues à l'article 207 1. 5° du code général des impôts. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué ne serait pas suffisamment motivé doit être écarté.
Sur l'assujettissement aux impôts commerciaux :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
4. En premier lieu, aux termes du 1 bis de l'article 206 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " (...) ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 €. (...) ".
5. Aux termes de l'article 261 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7. (Organismes d'utilité générale) : 1° (...) b. les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des œuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient (...) d. le caractère désintéressé de la gestion résulte de la réunion des conditions ci-après : L'organisme doit, en principe, être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation. Toutefois, lorsqu'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association (...) décide que l'exercice des fonctions dévolues à ses dirigeants justifie le versement d'une rémunération, le caractère désintéressé de sa gestion n'est pas remis en cause si ses statuts et ses modalités de fonctionnement assurent sa transparence financière, l'élection régulière et périodique de ses dirigeants, le contrôle effectif de sa gestion par ses membres et l'adéquation de la rémunération aux sujétions effectivement imposées aux dirigeants concernés ; cette disposition s'applique dans les conditions suivantes : (...) l'organisme ne doit procéder à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice, sous quelque forme que ce soit (...) ".
6. Pour l'application de ces dispositions, les associations ne sont exonérées d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé et si, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où une association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, elle reste exclue du champ de l'impôt sur les sociétés et continue de bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre.
7. Ainsi qu'il a été dit, l'association Le Petit Pays - Andilly Loisirs a constitué deux secteurs d'activité, un secteur lucratif soumis aux impôts commerciaux, constitué de son activité de location de costumes et des parcs à thèmes Le Parc des Épouvantails, Le Hameau du Père A..., Le Tout Petit Pays-la Cure et un secteur non lucratif, qu'elle n'a pas soumis aux impôts commerciaux, correspondant à la manifestation Les Grandes Médiévales d'Andilly, à ses actions sociales d'insertion et activités associatives diverses.
8. Il résulte de l'instruction que la vérificatrice a déterminé les excédents bruts d'exploitation des activités lucratives des exercices clos les 31 janvier 2012, 2013 et 2014, desquels elle a déduit des charges et auxquels elle a ajouté les disponibilités bancaires au 1er février 2011, les emprunts souscrits et les subventions reçues pour le secteur lucratif. La vérificatrice a alors constaté que les ressources financières disponibles des activités lucratives s'élevaient à 232 484,41 euros, 13 873,81 euros et de 114 320,58 euros au titre respectivement de chacun des exercices précités. Il résulte par ailleurs de la proposition de rectification et n'est pas contesté que l'association requérante a réalisé des investissements dans le cadre de ses activités lucratives à hauteur de 511 234 euros, 246 132 euros, 218 151 euros au titre des trois exercices précités, pour des montants supérieurs à ses ressources financières disponibles pour les activités lucratives et que ses activités déclarées non lucratives ont généré des excédents bruts d'exploitation de 439 726 euros, 463 944 euros et de 171 140 euros au cours des exercices précités. Il en résulte un besoin de financement des investissements dans le secteur lucratif de 278 749,59 euros, de 232 258,19 euros et de 103 830,42 euros pour les trois exercices précités. Si l'association Le Petit Pays - Andilly Loisirs soutient que la répartition des dotations aux amortissements entre les activités lucratives et non lucratives ne correspond pas à la réalité, il résulte de la proposition de rectification que la vérificatrice n'a pas pris en considération les amortissements pour le calcul des excédents bruts d'exploitation (EBE) et de la capacité d'autofinancement (CAF). Si elle soutient que la répartition des charges est également erronée, et qu'elle a versé ses excédents dégagés par ses activités non lucratives à ses actions sociales d'insertion et associatives diverses, ainsi qu'à la commune d'Andilly, elle ne démontre pas que ces circonstances auraient fait obstacle à ce qu'elle finance également ses activités lucratives par ces excédents. D'ailleurs, il résulte de la proposition de rectification que le président et le trésorier de l'association Le Petit Pays - Andilly Loisirs ont déclaré à la vérificatrice que les excédents de trésorerie générés par la manifestation des Grandes Médiévales d'Andilly, qui relève du secteur déclaré comme non lucratif, ont permis de financer les différents projets mis en place notamment dans le cadre du secteur lucratif, ce que confirme la plaquette de programme des Grandes Médiévales d'Andilly de l'année 2012 indiquant que les recettes qui en sont issues sont notamment affectées aux parcs thématiques des Épouvantails, du Tout Petit Pays - la Cure et du Hameau du Père A.... Enfin, l'association ne dispose pas de comptes bancaires spécifiquement dédiés, d'une part, aux activités qualifiées de non lucratives, et, d'autre part, aux activités lucratives. Dans ces conditions, la manifestation Les Grandes Médiévales d'Andilly permet à l'association requérante de développer ses parcs à thèmes. C'est ainsi à bon droit que l'administration fiscale a estimé que la communauté d'intérêts existant entre la manifestation Les Grandes Médiévales d'Andilly et son secteur lucratif, excluait que la gestion du secteur qualifié de non lucratif, qui procurait au secteur lucratif de l'association un avantage concurrentiel indirect, fut regardée comme présentant un caractère désintéressé.
9. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres conditions requises pour bénéficier des exonérations prévues par ces dispositions, le moyen tiré de ce que l'association devait être exonérée de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée pour les activités qu'elle n'a pas soumises aux impôts commerciaux doit être écarté.
10. En second lieu, aux termes de l'article 207 du code général des impôts : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) 5° Les bénéfices réalisés par des associations sans but lucratif régies par la loi du 1er juillet 1901 organisant, avec le concours des communes ou des départements, des foires, expositions, réunions sportives et autres manifestations publiques, correspondant à l'objet défini par leurs statuts et présentant, du point de vue économique, un intérêt certain pour la commune ou la région ; 5° bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l'article 261, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée (...) ".
11. Pour l'application de ces dispositions, les associations ne sont exonérées de l'impôt sur les sociétés que si leur gestion présente un caractère désintéressé. Il résulte du point précédent que l'association Le Petit Pays - Andilly Loisirs ne peut soutenir qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier de l'exonération d'impôt sur les sociétés, prévue par les dispositions précitées de l'article 207 du code général des impôts.
En ce qui concerne la documentation administrative :
12. L'association Le Petit Pays - Andilly Loisirs ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation de base référencée BOI-IS-CHAMP-30-20, qui concerne les sociétés d'investissements immobiliers cotées.
13. Il résulte de ce qui précède que l'association Le Petit Pays - Andilly Loisirs n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux intérêts moratoires doivent être en tout état de cause rejetées, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association Le Petit Pays - Andilly Loisirs est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Le Petit Pays - Andilly Loisirs et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2024.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY02766