Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 2 août 2023 par lesquelles la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2309301 du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 2 mai 2024, M. A... C..., représenté par Me Robin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le même délai sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- elle méconnaît le 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'inexacte application des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'inexacte application de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La préfète du Rhône, qui a reçu communication de la requête, n'a pas présenté d'observations.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien, né le 27 novembre 1984, est entré irrégulièrement sur le territoire français en janvier 2022. Il a demandé le 7 février 2023 un certificat de résidence sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par des décisions du 2 août 2023, la préfète du Rhône a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 30 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". L'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens, dispose que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour (...) au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. À défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'office. ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Par un avis du 27 juin 2023, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé du requérant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard, à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et que cet état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est atteint d'une spondylarthrite ankylosante, correspondant à l'enraidissement du rachis et des hanches, d'un aspergillome pulmonaire et d'un état de stress post-traumatique d'une extrême sévérité, qu'il bénéficie d'un traitement à base de perfusion d'infliximab qui est un anti-TNF, de versatis, de lyrica, de paracétamol et de tramadol, ainsi que de suivis réguliers en services de rhumatologie, de chirurgie thoracique et de psychologie. Toutefois, si l'intéressé démontre que l'infliximab ne figure pas sur la liste des médicaments remboursables par la sécurité sociale algérienne, il ne prouve pas, notamment par le certificat d'un médecin rhumatologue de l'hôpital Saint Joseph Saint Luc de Lyon, eu égard à ses termes très peu précis, qu'aucun traitement équivalent à l'infliximab serait disponible en Algérie. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. C... n'a été admis en appartement de coordination thérapeutique que postérieurement à la décision de refus de titre de séjour. Si M. C... se prévaut de la pénurie de médicaments en Algérie, de difficultés d'accès aux soins médicaux dans son pays d'origine pour ses ressortissants y retournant et de la mauvaise qualité des suivis médicaux dans ce pays, le rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) du 21 septembre 2018 et les articles du journal El Watan des 10 avril et 15 juillet 2022 ne mentionnent que des données générales ne concernant pas spécifiquement les maladies dont est atteint le requérant. Le rapport de l'OSAR ne fait état que d'un manque de clarté sur l'accès aux hôpitaux et sur le soutien de la direction de l'action sociale pour les personnes revenant en Algérie, sans pouvoir toutefois se prononcer précisément et ce rapport indique que les algériens rapatriés de l'étranger ne sont plus couverts par la sécurité sociale légale, à moins qu'ils ne soient réinscrits auprès de l'assurance en tant qu'enfants d'assurés ou qu'ils n'exercent eux-mêmes un travail soumis à l'assurance. Le requérant n'apporte aucune précision tendant à démontrer qu'il ne pourrait relever d'un de ces deux derniers cas. Enfin, M. C... ne démontre pas qu'il ne pourrait pas assumer financièrement en Algérie un traitement équivalent à l'infliximab. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article 8 de la même convention : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Les moyens tirés de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'inexacte application des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision de refus de titre de séjour sur la situation personnelle du requérant, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt.
7. En troisième et dernier lieu, M. C... reprend en appel les moyens tirés de l'exception d'illégalité qu'il avait invoqués en première instance à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 8 et 14 du jugement.
8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2024.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01257