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08/01/2025 | FRANCE | N°23LY02343

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 08 janvier 2025, 23LY02343


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme C... A..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, d'une part, la décision du 18 décembre 2020 par laquelle le directeur du groupement hospitalier Portes de Provence-Montélimar l'a suspendue de ses fonctions à compter du 19 décembre 2020, ainsi que la décision du 27 mai 2021 rendue sur recours gracieux, d'autre part, les décisions des 15 et 16 mars 2021 portant prolongation de suspension à compter du 5 mars 2021 jusqu'à la remise du " rapport d'ex

pertise diligentée par le CHSCT ", ainsi que la décision du 27 mai 2021 rendue sur re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, d'une part, la décision du 18 décembre 2020 par laquelle le directeur du groupement hospitalier Portes de Provence-Montélimar l'a suspendue de ses fonctions à compter du 19 décembre 2020, ainsi que la décision du 27 mai 2021 rendue sur recours gracieux, d'autre part, les décisions des 15 et 16 mars 2021 portant prolongation de suspension à compter du 5 mars 2021 jusqu'à la remise du " rapport d'expertise diligentée par le CHSCT ", ainsi que la décision du 27 mai 2021 rendue sur recours gracieux, enfin la décision du 21 juin 2021 portant prolongation de suspension à compter du 18 juin 2021 jusqu'à la décision du centre national de gestion relative à " la procédure d'insuffisance professionnelle ou disciplinaire qu'il jugera nécessaire d'ouvrir " ; elle a également demandé au tribunal d'enjoindre au groupement hospitalier de la réintégrer immédiatement.

Par un jugement n° 2104969 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir jugé irrecevables les conclusions tendant à l'annulation de la décision de suspension du 18 décembre 2020 et la décision du 27 mai 2021 rendue sur recours gracieux en tant qu'elle porte sur cette première décision, a annulé les décisions du 15 mars 2021 et du 16 mars 2021 par lesquelles le directeur du groupement hospitalier Portes de Provence-Montélimar a prolongé la suspension de fonctions de Mme B... à compter du 5 mars 2021, la décision du 27 mai 2021 rendue sur recours gracieux dans cette mesure et la décision du 21 juin 2021 par laquelle cette même autorité a prolongé la suspension de fonctions de Mme B... à compter du 18 juin 2021 ; il a également enjoint au directeur du groupement hospitalier de réintégrer Mme B... dans ses fonctions, sous réserve qu'aucune sanction disciplinaire, licenciement ou mesure de mutation ne soit intervenue.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2023, et un mémoire, enregistré le 27 novembre 2024, le groupement hospitalier Portes de Provence-Montélimar, représenté par Me Brocheton, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 mai 2023 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... présentée devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le motif d'annulation retenu par les premiers juges, tiré du défaut d'information du centre national de gestion des praticiens hospitaliers, n'est pas fondé, dès lors que ce centre a été informé de la première décision, ainsi que de l'évolution de la situation du praticien ;

- le comportement du docteur B... était de nature à mettre en péril la continuité du service et la sécurité des patients.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2024, Mme B..., représentée par Me de Laubier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du groupement hospitalier Portes de Provence-Montélimar une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le motif d'annulation retenu par le tribunal était fondé, les éléments produits ne permettant pas d'établir que le centre national de gestion des praticiens hospitaliers a été immédiatement informé de la suspension prononcée ;

- les conditions tirées du péril imminent pour la continuité du service et pour la sécurité des patients ne sont pas remplies.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2007-704 du 4 mai 2007 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique,

- et les observations de Me Brocheton, représentant le groupement hospitalier Portes de Provence-Montélimar, et celles de Me Souchon, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., praticienne hospitalière en biologie médicale, a été nommée dans ce corps par arrêté du 6 avril 2012 de la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers. Elle est employée par le centre hospitalier de Montélimar, devenu le groupement hospitalier Portes de Provence-Montélimar depuis 2011 et affectée au laboratoire de biologie médicale. A la suite d'un courriel de la biologiste responsable d'unité de l'établissement signalant des propos et attitudes de dénigrement de la part de Mme B..., celle-ci a fait l'objet, le 18 décembre 2020, d'une décision de suspension du directeur du groupement hospitalier fondée sur son comportement à l'égard de ses collègues et des techniciens et secrétaires du laboratoire, jugé de nature à compromettre l'activité de cette unité. Par des décisions de cette même autorité des 15 et 16 mars 2021, puis du 21 juin 2021, cette suspension a été prolongée à deux reprises, à compter du 5 mars 2021 puis à compter du 18 juin 2021. Les conclusions de l'expertise initiée par le comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail le 5 mars 2021 ont été présentées en juin 2021. Le groupement hospitalier interjette appel des articles 1er à 4 du jugement du 9 mai 2023, par lesquels le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé les décisions de prolongation précitées et la décision du 27 mai 2021 rejetant, dans cette mesure, le recours gracieux de Mme B..., et, d'autre part, enjoint au directeur du groupement hospitalier de réintégrer l'intéressée dans ses fonctions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique : " Le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l'établissement. Il représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de l'établissement. / Le directeur est compétent pour régler les affaires de l'établissement autres que celles énumérées aux 1° à 15° et autres que celles qui relèvent de la compétence du conseil de surveillance énumérées à l'article L. 6143-1. / (...) / Le directeur exerce son autorité sur l'ensemble du personnel dans le respect des règles déontologiques ou professionnelles qui s'imposent aux professions de santé, des responsabilités qui sont les leurs dans l'administration des soins et de l'indépendance professionnelle du praticien dans l'exercice de son art. (...) ". S'il appartient au directeur général de l'agence régionale de santé compétent de suspendre immédiatement, sur le fondement de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, le droit d'exercer d'un médecin qui exposerait ses patients à un danger grave et au directeur général du centre national de gestion (CNG) des praticiens hospitaliers de suspendre un praticien pour une durée maximale de six mois en application des dispositions de l'article R. 6152-77 du code de la santé publique dans le cas où l'intéressé fait l'objet d'une procédure disciplinaire, le directeur d'un centre hospitalier qui, aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, exerce son autorité sur l'ensemble du personnel de son établissement, peut, dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients, décider de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques d'un praticien hospitalier au sein de ce centre, sous le contrôle du juge et à condition d'en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 6152-13 du code de la santé publique : " Les candidats issus du concours national de praticien des établissements publics de santé, (...) sont (...) nommés dans un emploi de praticien à titre permanent, (...) par arrêté du directeur général du Centre national de gestion. (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 4 mai 2007 relatif à l'organisation et au fonctionnement du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière et modifiant le code de la santé publique : " Le directeur général du centre national de gestion assure en qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination et, au nom du ministre chargé de la santé, la gestion statutaire et le développement des ressources humaines des personnels de direction et des directeurs des soins de la fonction publique hospitalière ainsi que des praticiens hospitaliers à temps plein et à temps partiel et, à ce titre : (...) / 2° La nomination et les autres actes de gestion de la carrière des praticiens hospitaliers (...) / 8° L'exercice du pouvoir disciplinaire et de licenciement pour insuffisance professionnelle des personnels de direction, des directeurs des soins et des praticiens hospitaliers ; (...) ".

4. Il ressort des termes du jugement attaqué que, pour annuler les décisions des 15 et 16 mars 2021 portant prolongation de la suspension de Mme B... à compter du 5 mars 2021, puis celles du 27 mai 2021 rendue sur recours gracieux, dans cette mesure, et du 21 juin 2021 prolongeant à nouveau cette suspension à compter du 18 juin 2021, le tribunal a retenu qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'à la date de ces prolongations, l'autorité compétente pour prononcer la nomination de Mme B..., visée à l'article R. 6152-13 du code de la santé publique, ait été informée de la procédure de suspension initiée, le seul courrier produit par le groupement hospitalier pour établir une telle information datant du 22 juillet 2021. Toutefois, le centre national de gestion a lui-même indiqué, dans une correspondance à fin d'inspection adressée le 1er mars 2022 à l'agence régionale de santé Auvergne Rhône-Alpes, qu'il était informé de la mesure de suspension depuis le 18 décembre 2020. En outre, il ne ressort pas des principes cités au point 2 que le centre hospitalier aurait été tenu de soumettre chaque décision de prolongation de cette suspension au centre national de gestion. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'autorité compétente pour prononcer la nomination de Mme B..., visée à l'article R. 6152-13 du code de la santé publique, n'a pas été informée de la suspension de ce praticien.

5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme B....

6. Il ressort de la décision prononçant la suspension de Mme B... que celle-ci est justifiée par le comportement conflictuel et déstabilisant de l'intéressée, tant à l'égard de ses collègues que des techniciens et secrétaires du laboratoire de biologie médicale, de nature à compromettre l'activité de cette unité. Le directeur du groupement hospitalier s'est ensuite fondé, pour prolonger la suspension de Mme B..., sur les comptes-rendus de réunions du comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail (CHSCT) et les constatations du rapport de l'expertise mentionnée au point 1 et réalisée à la demande de ce comité, rendu au mois de juin 2021, relevant que Mme B... a présenté un comportement inapproprié envers les biologistes et agents du laboratoire, entraînant des conflits permanents et un dysfonctionnement de ce service. Si ce rapport en conclut que cette attitude était susceptible de conduire à des erreurs, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'à la date de sa suspension et des décisions de prolongation en litige, et malgré le souhait exprimé par certains membres du laboratoire de quitter le service, le comportement de Mme B... était susceptible de générer, indépendamment d'un risque psycho-social dans le service, des conséquences sur la continuité des soins ou la sécurité des patients. A ce titre, le rapporté précité se réfère notamment à un audit réalisé au mois de mai 2021 par le comité français d'accréditation (Cofrac), au terme duquel celui-ci confirmait " sa confiance dans la qualité des résultats du laboratoire " et " dans sa capacité à faire vivre et améliorer son système de management de la qualité ". Par suite, le groupement hospitalier n'établit pas l'existence, du fait du comportement de Mme B..., de circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients, de nature à justifier les décisions de prolongation de suspension en litige. Dans ces conditions, Mme B... est fondée à soutenir que les décisions des 15 et 16 mars 2021 et 21 juin 2021 par lesquelles le directeur du groupement hospitalier a prolongé la suspension de ses fonctions à compter des 5 mars 2021 et 18 juin 2021 sont entachées d'illégalité tout comme, dans cette mesure, la décision du 27 mai 2021 rendue sur le recours gracieux présenté à l'encontre de la première décision de prolongation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le groupement hospitalier Portes de Provence-Montélimar n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions précitées de son directeur portant prolongation de la suspension de Mme B..., ainsi que la décision du 27 mai 2021 dans cette mesure.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du groupement hospitalier présentées sur leur fondement et dirigées contre Mme B..., qui n'est pas la partie perdante à la présente instance. En application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du groupement hospitalier Portes de Provence-Montélimar une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du groupement hospitalier Portes de Provence-Montélimar est rejetée.

Article 2 : Le groupement hospitalier Portes de Provence-Montélimar versera à Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement hospitalier Portes de Provence-Montélimar et à Mme C... A..., épouse B....

Copie en sera adressée au centre national de gestion des praticiens hospitaliers.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 janvier 2025.

La présidente rapporteure,

Emilie FelmyL'assesseure la plus ancienne,

Sophie Corvellec

La greffière,

Péroline Lanoy

La République mande et ordonne au préfet de la Drôme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY02343


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02343
Date de la décision : 08/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-11-01-02 Fonctionnaires et agents publics. - Dispositions propres aux personnels hospitaliers. - Personnel médical. - Personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : SELARL BROCHETON AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-08;23ly02343 ?
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