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08/01/2025 | FRANCE | N°24LY00323

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 08 janvier 2025, 24LY00323


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 14 juin 2023 par lequel la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.



Par un jugement n° 2306535 du 9 janvier 2024, le tribunal admi

nistratif de Lyon a annulé l'arrêté du 14 juin 2023 susvisé et enjoint à la préfète du Rhône de procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 14 juin 2023 par lequel la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2306535 du 9 janvier 2024, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 14 juin 2023 susvisé et enjoint à la préfète du Rhône de procéder au réexamen de la demande de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé de demande de titre de séjour dans un délai de huit jours.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 février 2024, la préfète du Rhône demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, un procès-verbal a été dressé et lui a été transmis avec l'avis motivé de la commission du titre de séjour conformément aux dispositions de l'article R. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en tout état de cause, une telle irrégularité n'a pas eu d'influence sur la décision édictée et n'a privé l'intéressé d'aucune garantie ;

- elle est fondée à solliciter une substitution de motifs dès lors que si son arrêté retient à tort que l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) mentionne que le défaut de soins ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité alors que l'avis du 4 juillet 2022 mentionne que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge dont le défaut devrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut toutefois y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ;

- les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 423-23 du même code et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celui tiré de la méconnaissance de l'article L. 612-10 du code précité ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2024, M. B..., représenté par Me Drahy, conclut, après avoir demandé à la cour de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre en œuvre ses pouvoirs d'enquête visés à l'article R. 623-1 du code de justice administrative, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le procès-verbal produit n'est pas régulier dès lors qu'il n'est ni daté ni signé ni tamponné, que son auteur n'est pas identifié, et que l'ensemble des questions qui lui ont été posées et les observations de son conseil ne sont pas mentionnées ;

- la décision portant refus de séjour est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que les médecins composant le collège des médecins de l'OFII étaient régulièrement nommés à cet effet, que ce collège a statué au regard d'un rapport médical et que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein dudit collège ;

- l'avis du collège de médecins de l'OFII produit par la préfète du Rhône a été rendu un an avant la décision attaquée et est devenu obsolète ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée en droit ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour ayant désigné Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 23 novembre 1980, déclare être entré en France le 1er mai 2011. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au mois d'août 2012. Par un arrêté du 12 septembre 2012, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. Le 23 juillet 2019, M. B... a, de nouveau, sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 14 juin 2023, la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. La préfète du Rhône relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mars 2024. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de l'intimé tendant à ce qu'il soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

3. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ". Aux termes de l'article R. 432-14 du même code : " Devant la commission du titre de séjour, l'étranger fait valoir les motifs qu'il invoque à l'appui de sa demande d'octroi ou de renouvellement d'un titre de séjour. Un procès-verbal enregistrant ses explications est transmis au préfet avec l'avis motivé de la commission. ".

4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

5. Pour annuler l'arrêté édicté le 14 juin 2023 par la préfète du Rhône, le tribunal a relevé qu'alors que M. B... était présent lors la réunion du 25 mai 2023 au cours de laquelle sa situation a été examinée par la commission du titre de séjour, saisie par la préfète du Rhône en application des dispositions du 4° de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aucune pièce du dossier ne permettait d'établir qu'un procès-verbal enregistrant ses explications aurait été dressé et transmis à la préfète du Rhône avec l'avis motivé de cette commission conformément aux dispositions de l'article R. 432-14 du même code. Si la préfète produit en appel un " procès-verbal " dressé à la suite de la réunion de la commission du 25 mai 2023, ce document, par ailleurs dénué de toute signature et de mention de l'identité de son auteur, ne consiste qu'en l'apposition, au rapport de saisine de la commission par les services de la préfecture, de quelques questions/réponses échangées avec l'intéressé. En outre, M. B... fait valoir sans être contredit sur ce point que ni l'ensemble des questions qui lui ont été posées au cours de la séance de la commission ni les observations de son conseil n'ont été retranscrites dans le document produit. Ainsi, la préfète du Rhône n'établit pas qu'un procès-verbal au sens des dispositions précitées, enregistrant les explications de M. B..., lui aurait été adressé avant l'édiction de sa décision. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie que les explications qu'il a soumises à la commission du titre de séjour aient été portées à la connaissance de la préfète avant qu'il soit statué sur sa demande. Par suite, et sans qu'il soit utile de mettre en œuvre les dispositions de l'article R. 623-1 du code de justice administrative, c'est à bon droit que, pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Rhône n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 14 juin 2023 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B....

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Drahy, avocat de M. B... au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Drahy renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire présentée par M. B....

Article 2 : La requête de la préfète du Rhône est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à Me Drahy une somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Drahy renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la préfète du Rhône, à M. A... B..., à Me Drahy et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 janvier 2025.

La rapporteure,

Vanessa Rémy-NérisLa présidente,

Emilie Felmy

La greffière,

Péroline Lanoy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

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N° 24LY00323


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00323
Date de la décision : 08/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : DRAHY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-08;24ly00323 ?
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