Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 avril 2024 par lequel la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé en cas d'exécution d'office, a prononcé une interdiction de retour de sept ans à son encontre et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission au sein du système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2403612 du 23 avril 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 1er mai 2024, M. B... représenté par Me Sguaglia, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler l'arrêté du 3 avril 2024 ;
4°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions et de le munir, dans cette attente et dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, d'une autorisation provisoire de séjour ;
5°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission au sein du système d'information Schengen ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros HT à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve du renoncement à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige est entaché d'insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et l'absence de délai de départ volontaire :
- ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle est disproportionnée.
Par un mémoire, enregistré le 19 juillet 2024, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens présentés dans la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 19 juillet 2024, la clôture d'instruction a été reportée et fixée en dernier lieu au 13 septembre 2024.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Haïli, président-assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 3 avril 2024, la préfète de l'Ain a obligé M. B..., ressortissant algérien né le 28 septembre 1983, incarcéré au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé en cas d'exécution d'office, a prononcé à son encontre une interdiction de retour de sept ans et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non admission au sein du système d'information Schengen. M. B... relève appel du jugement susvisé du 23 avril 2024 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du 28 août 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B.... Dès lors, il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de l'intéressé tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Sur la légalité de l'arrêté :
3. La requête d'appel de M. B... reprend, dans des termes identiques et sans critique utile du jugement attaqué, les moyens tirés de l'insuffisante motivation et du défaut d'examen sérieux de sa situation, invoqués en première instance, auxquels le premier juge a suffisamment et pertinemment répondu au point 5 du jugement. Il y a lieu, par suite, d'écarter l'ensemble de ces moyens par adoption des motifs retenus par le jugement attaqué.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
4. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré en France le 27 octobre 1990 au terme d'une procédure de regroupement familial, selon ses déclarations, se maintient en situation irrégulière à la date de l'arrêté attaqué depuis l'expiration de son dernier titre de séjour le 27 septembre 2021. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé, incarcéré à la date de l'arrêté en litige depuis le 28 mai 2023 au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, a fait l'objet depuis 2002 de dix-neuf condamnations pour des faits délictueux, notamment pour contrebande de marchandise prohibée, détention et transport de stupéfiants, outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, dégradation ou détérioration de bien destiné à l'utilité publique, conduite sous l'empire d'un état alcoolique et sans permis, port d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D, extorsion par violence, menace ou contrainte, vols avec violences, vols aggravés et recel, violences et menaces de mort sur une personne ayant été conjoint. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport du service pénitentiaire d'insertion et de probation établi en mars 2023, que l'appelant présente, eu égard à son comportement, son absence de remise en question et d'implication dans les soins qui lui sont prodigués, un risque de récidive important. Si l'appelant se prévaut d'une résidence en France depuis trente-quatre années, alors qu'au demeurant la période effectuée sous un régime de détention ne peut être regardée comme une période de résidence régulière dès lors qu'elle emporte une obligation de résidence pour l'intéressé ne résultant pas d'un choix délibéré de sa part, cette seule durée de présence ne saurait suffire à caractériser l'intensité et la centralité de ses intérêts en France. Par ailleurs, l'appelant qui ne justifie pas de l'intensité ou de la réalité même des liens qu'il entretiendrait avec les membres de sa fratrie résidant en France en situation régulière, ne démontre aucune réelle insertion sociale et professionnelle stable et ancienne sur le territoire national. Enfin, en se bornant à faire état de la présence en France de sa compagne ressortissante française, sans autre développement dans ses écritures, le requérant n'établit pas davantage l'existence et la persistance d'une vie de couple avec l'intéressée. En outre, âgé de trente-neuf ans à la date de la décision contestée, le requérant n'établit, ni n'allègue aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie à l'étranger et, en particulier, en Algérie. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions de son séjour en France, la décision prononçant son éloignement du territoire français ne peut être regardée comme ayant porté une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale du requérant, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...). Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, le préfet assortit, en principe et sauf circonstances humanitaires, l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour. La durée de cette interdiction doit être déterminée en tenant compte des critères tenant à la durée de présence en France, à la nature et l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France, à l'existence de précédentes mesures d'éloignement et à la menace pour l'ordre public représentée par la présence en France de l'intéressé.
8. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... ne justifie ni du concubinage dont il se prévaut, ni d'une quelconque intégration dans la société française. En outre, pour prononcer à l'encontre du requérant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de sept ans, la préfète de l'Ain s'est fondée sur la menace que représentait l'intéressé pour l'ordre public, circonstance que l'appelant ne conteste pas dans ses écritures d'appel. Il ressort tant de la motivation de l'arrêté en litige que des autres pièces du dossier que ni la nature, ni l'ancienneté de ses liens avec la France ne sont de nature à justifier la disproportion alléguée par l'appelant. Dans ces conditions, nonobstant la durée de sa présence en France, et compte tenu de la situation privée, familiale et pénale de M. B... telle que retracée au point 5 du présent arrêt, quand bien même l'intéressé n'a fait l'objet d'aucune mesure d'éloignement auparavant, en édictant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de sept ans, qui n'est pas disproportionnée, l'autorité administrative n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête ne peut qu'être rejetée, en ce comprises ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. B... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 janvier 2025.
Le rapporteur,
X. Haïli
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 24LY01250 2