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09/01/2025 | FRANCE | N°24LY01403

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 09 janvier 2025, 24LY01403


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler, d'une part, l'arrêté du 24 janvier 2024 par lequel la préfète de l'Allier a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel la préfète de l'Allier l'a assign

ée à résidence pour la durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 2400202 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler, d'une part, l'arrêté du 24 janvier 2024 par lequel la préfète de l'Allier a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel la préfète de l'Allier l'a assignée à résidence pour la durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2400202 du 2 février 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 mai 2024, Mme A..., représentée par Me Gauché, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de destination, interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer un récépissé dans un délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ; il a omis de répondre à la deuxième branche du moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de statuer sur les conclusions tendant à la communication de son dossier ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfète ne s'est pas livrée à un examen particulier de sa situation personnelle, en omettant de prendre en compte l'intérêt supérieur de sa fille ;

- cette décision méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa situation et celle de sa fille constituent des circonstances particulières ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ;

- la décision portant assignation à résidence est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée à la préfète de l'Allier qui n'a pas produit d'observations.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau de l'aide juridictionnelle du 17 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Moya.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante du Congo-Brazzaville, entrée irrégulièrement en France en août 2018, a demandé l'asile le 7 avril 2021. Cette demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 19 mai 2022, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 6 août 2022. Mme A... relève appel du jugement du 2 février 2024 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 24 janvier 2024 par lequel la préfète de l'Allier lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois et, d'autre part, de l'arrêté du même jour par lequel la préfète de l'Allier l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, en estimant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme A... ainsi que de sa fille, le premier juge a suffisamment motivé la réponse au moyen soulevé par la requérante. En estimant par ailleurs que la circonstance que la fille de Mme A... a été convoquée devant le juge des enfants dans le cadre d'une procédure de mise à l'épreuve éducative pour les infractions qui lui sont reprochées n'est pas, en elle-même, de nature à faire obstacle à l'éloignement de la requérante et à la reconstitution de sa cellule familiale hors de France et que, par suite, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, le premier juge a suffisamment motivé la réponse au moyen soulevé, auquel il n'a pas davantage omis de répondre, étant précisé qu'il n'avait pas à répondre à tous les arguments soulevés par l'intéressée.

3. En second lieu, si Mme A... soutient que le premier juge a omis de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la préfète de l'Allier de communiquer le dossier contenant les pièces sur la base desquelles les décisions contestées ont été prises, s'agissant d'un pouvoir propre du juge, ce dernier n'était tenu ni de viser ces conclusions, ni même d'y répondre explicitement. En tout état de cause, le premier juge s'est prononcé sur cette demande au point 30 du jugement attaqué, en estimant qu'il n'était pas nécessaire d'ordonner le supplément d'instruction sollicité.

Sur la légalité des décisions contestées :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié / (...). ".

5. Dans son avis du 9 août 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a indiqué que l'état de santé de Mme A..., qui présente un état dépressif majeur exigeant un suivi psychiatrique régulier et des traitements médicaux, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Congo-Brazzaville, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

6. Les éléments généraux dont la requérante se prévaut, relatifs à l'insuffisance de psychiatres et de structures de soins psychiatriques, de même que les trois attestations établies le 17 mai 2023 pour les deux premières, et le 25 janvier 2024, sont insuffisamment circonstanciés pour établir qu'elle ne serait pas en mesure d'accéder personnellement à des soins psychiatriques dans son pays d'origine. Si elle affirme que le médicament antipsychotique qui lui est prescrit n'est pas disponible au Congo, elle ne produit aucun élément à l'appui de cette affirmation et ne justifie ni même n'allègue qu'aucun médicament comportant la même molécule ne serait disponible dans ce pays, ni que cette molécule ne pourrait être substituée par une autre. Si une des attestations établies le 17 mai 2023 indique qu'un retour dans son pays d'origine s'accompagnerait inévitablement d'une mise en danger de la vie de la requérante, cette seule affirmation, qui n'est corroborée par aucun autre élément, n'est pas suffisante pour établir un risque de dégradation psychique du seul fait d'un retour dans son pays d'origine, qui n'est d'ailleurs plus allégué en appel. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision contestée que la préfète de l'Allier, alors même qu'elle n'a pas mentionné la présence de sa fille en France, a, contrairement à ce que prétend Mme A..., procédé à un examen de sa situation particulière. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

9. Mme A... fait valoir que sa fille doit se présenter devant le juge des enfants le 25 mars 2024 dans le cadre d'une procédure de mise à l'épreuve éducative pour des faits de menaces de mort et d'entrée dans un établissement scolaire munie d'un couteau. Toutefois, et alors qu'à la date de la décision contestée, aucune mesure d'assistance éducative n'avait, en tout état de cause, été prononcée au bénéfice de sa fille, une telle circonstance n'est pas de nature, par elle-même, à faire obstacle à l'éloignement de Mme A... et de sa fille mineure. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

10. En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

11. En cinquième lieu, Mme A... réitère en appel, au demeurant sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens de première instance, tirés de ce que la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation et méconnaît les dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à juste titre par le premier juge.

12. En sixième lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale en raison de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

13. En septième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'interdiction de retour édictée serait illégale en raison de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français et de la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire.

14. En huitième lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant assignation à résidence serait illégale en raison de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

15. En neuvième lieu, Mme A... réitère en appel le moyen tiré de ce que la décision portant assignation à résidence méconnaît les dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus par le premier juge dans son jugement du 2 février 2024.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Vinet, présidente de la formation de jugement,

M. Moya, premier conseiller,

Mme Soubié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025.

Le rapporteur,

P. MoyaLa présidente,

C. Vinet

La greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 24LY01403

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01403
Date de la décision : 09/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINET
Rapporteur ?: M. Philippe MOYA
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-09;24ly01403 ?
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