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09/01/2025 | FRANCE | N°24LY01451

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 09 janvier 2025, 24LY01451


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Par une requête enregistrée sous le n° 2400889, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 12 avril 2024 par lequel la préfète de l'Allier a retiré son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.



Par une requête

enregistrée sous le n° 2400896, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une requête enregistrée sous le n° 2400889, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 12 avril 2024 par lequel la préfète de l'Allier a retiré son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par une requête enregistrée sous le n° 2400896, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 16 avril 2024 par lequel la préfète de l'Allier l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement nos 2400889-2400896 du 20 avril 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, après avoir joint ces demandes, renvoyé à une formation collégiale la demande tendant à l'annulation du retrait de titre de séjour et a annulé les décisions du 12 avril 2024 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ainsi que celle du 16 avril 2024 portant assignation à résidence.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 mai 2024, la préfète de l'Allier demande à la cour d'annuler ce jugement.

Elle soutient que :

- elle était fondée à retirer le titre de séjour de M. B... dès lors que la communauté de vie avec son épouse avait cessé ;

- M. B... ne peut bénéficier d'un titre en qualité de parent d'enfant français dès lors qu'il ne démontre pas contribuer à l'éducation et à l'entretien de son enfant ;

- la décision de retrait ne méconnaît pas le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 28 juin 2024, M. B..., représenté par Me Osseni, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête et confirmer le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 avril 2024 ;

2°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui restituer son titre de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;

- les décisions portant retrait de son titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été prises par une autorité incompétente ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- la préfète ne pouvait légalement retirer son titre de séjour dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- la décision de retrait de son titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du retrait de son titre de séjour ;

- il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Philippe Moya ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 13 décembre 1987, est entré en France en septembre 2022 muni d'un visa de long séjour et s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint d'une ressortissante française, hypothèse prévue à l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, titre valable en dernier lieu jusqu'au 21 septembre 2025. Toutefois, par arrêté du 12 avril 2024, la préfète de l'Allier lui a retiré son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour de trois ans. Par un arrêté du 16 avril 2024, la préfète de l'Allier a assigné M. B... à résidence. Par un jugement du 20 avril 2024, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après avoir joint les demandes dirigées contre ces deux arrêtés, a renvoyé à une formation collégiale les conclusions dirigées contre la décision de retrait du titre de séjour de M. B... et contre le refus de délivrance d'un autre titre de séjour, et a annulé les autres décisions prises par la préfète de l'Allier les 12 et 16 avril 2024. La préfète de l'Allier relève appel de ce jugement dans cette mesure.

2. Pour retirer le titre de séjour de M. B... et prendre une décision d'obligation de quitter le territoire français à son encontre, la préfète de l'Allier s'est fondée respectivement sur les dispositions de l'article L. 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient que le titre de séjour délivré sur le fondement de l'article L. 423-1 peut être retiré en cas de rupture du lien conjugal ou de la vie commune constatée au cours de la durée de validité du titre, et sur les dispositions du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que l'administration peut prendre une décision d'obligation de quitter le territoire français notamment dans le cas où l'étranger s'est vu retirer un titre de séjour. Ce faisant, la préfète de l'Allier n'a pas fondé la décision de retrait du titre de séjour de M. B... sur l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lequel notamment une carte de séjour pluriannuelle peut être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public, quand bien même elle a mentionné dans la décision à plusieurs reprises que sa femme avait porté plainte pour violences conjugales. Il suit de là que la préfète de l'Allier est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 12 avril 2014 en ce qu'il oblige M. B... à quitter le territoire français, fixe le pays de destination et prononce une interdiction de retour sur le territoire français, et l'arrêté du 16 avril 2014, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et devant la cour.

3. En premier lieu, les décisions contestées mentionnent les textes applicables et rappellent les éléments factuels propres au parcours de l'intéressé. Elles comprennent ainsi les éléments de droit et de fait permettant à M. B... d'en contester utilement le bien-fondé. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions contestées doit, par suite, être écarté. Il ressort de la motivation de ces décisions que la préfète de l'Allier a procédé à un examen particulier et circonstancié de la situation de M. B..., lequel n'invoque d'ailleurs aucun élément décisif pour l'examen de sa situation qui n'aurait pas été pris en compte bien que porté à la connaissance de la préfète.

4. En deuxième lieu, les décisions portant retrait de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été signées par M. Maurel, secrétaire général de la préfecture de l'Allier, qui disposait d'une délégation de signature à cet effet consentie par un arrêté de la préfète de l'Allier du 28 juin 2023, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ces décisions doit être écarté.

5. En troisième lieu, M. B... ne peut utilement soutenir qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public dès lors qu'ainsi qu'il a été dit, les décisions en litige ne sont pas fondées sur ce motif, pas plus que la décision de retrait de son titre de séjour dont il peut être regardé comme excipant de l'illégalité.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Pour soutenir que ces stipulations ont été méconnues, M. B... se prévaut, d'une part, de ce qu'il est marié à une ressortissante française et, d'autre part, qu'il a eu avec cette dernière un enfant de nationalité française. Toutefois, M. B... est entré en France très récemment, au mois de septembre 2022. Son épouse a porté plainte contre lui pour des faits de violences conjugales et de viols par conjoint et a sollicité une ordonnance de protection afin d'obtenir notamment qu'il cesse tout contact avec elle et qu'il quitte le domicile. Il a été placé en garde à vue le 11 avril 2024 pour les faits en cause, dont la matérialité ressort suffisamment des pièces du dossier. S'il se prévaut de la présence de sa fille en France, qui avait six mois seulement à la date de la décision contestée et à l'éducation et à l'entretien de laquelle il n'établit pas contribuer, il a également un enfant né d'une précédente union qui réside en Côte d'Ivoire. Dans ces conditions, la décision d'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de retour sur le territoire français litigieuses ne méconnaissent ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, la décision d'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

8. En cinquième lieu, si, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français, M. B... ne peut, pour les motifs indiqués au point 7, prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire pour ce motif.

9. En sixième lieu, si M. B... fait valoir qu'il est exposé à des traitements inhumains et dégradants en Côte d'Ivoire, dès lors qu'il a pris la décision d'abandonner, sans autorisation hiérarchique, la profession de gendarme, il n'assortit cette allégation d'aucune précision ni élément de preuve. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

10. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Allier est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui doit être annulé, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit aux conclusions de M. B... non renvoyées à une formation collégiale.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt annulant le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ayant fait droit à la demande de M. B..., ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la préfète de l'Allier de lui restituer son titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais du litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 3, 4 et 5 du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 avril 2024 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de M. B... présentées en première instance et non renvoyées à une formation collégiale sont rejetées, ainsi que celles présentées en appel.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Moulins en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Vinet, présidente de la formation de jugement,

M. Moya, premier conseiller,

Mme Soubié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025.

Le rapporteur,

P. MoyaLa présidente,

C. Vinet

La greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY01451

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01451
Date de la décision : 09/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINET
Rapporteur ?: M. Philippe MOYA
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : OSSENI SALIOU

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-09;24ly01451 ?
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