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29/01/2025 | FRANCE | N°23LY01675

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 29 janvier 2025, 23LY01675


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SCCV Les palais du Léman a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 août 2014 et des pénalités correspondantes à hauteur d'un montant total de 165 125 euros.



Par un jugement n° 2005074 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure devant la

cour



Par une requête enregistrée le 16 mai 2023, la SCCV Les palais du Léman, représentée par Me Thouveno...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCCV Les palais du Léman a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 août 2014 et des pénalités correspondantes à hauteur d'un montant total de 165 125 euros.

Par un jugement n° 2005074 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 mai 2023, la SCCV Les palais du Léman, représentée par Me Thouvenot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le contribuable se trouve destinataire de deux avis de mise en recouvrement qui visent un même impôt et une même période, une même proposition de rectification, de sorte qu'il lui est impossible de comprendre quel est le montant exact des droits mis en recouvrement, et sur lesquels doit s'appuyer sa contestation ;

- la plainte de M. C... fondant les rappels en litige a été classée sans suite par le parquet de Thonon-les-Bains ;

- la réalité de la prestation effectuée par la société SAI D... en application de la convention signée entre les trois associés ne fait pas de doute, la société s'étant adjointe les services de la société Partimo selon des modèles de convention que le Procureur de Thonon-les-Bains a considérés comme parfaitement valables ;

- ce chef de rectification est mis à mal par l'arrêt rendu par la cour d'appel de Chambéry du 1er février 2022, revêtu de l'autorité de la chose jugée, lequel retient que les allégations de M. C... sont en réalité le fruit d'un chantage d'une part, que d'autre part et en définitive, la société civile a, à l'unanimité, validé les charges litigieuses ;

- les majorations appliquées sont mal fondées.

Par un mémoire, enregistré le 29 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'avis de mise en recouvrement du 23 août 2016 pour un montant de 165 125 euros, qui n'a pas fait l'objet d'une réclamation préalable, ne relève pas du litige dans le cadre de la présente instance ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée le 2 août 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCCV Les Palais du Léman ayant pour objet la réalisation d'une opération de construction-vente à Neuvecelle (Haute-Savoie) dont le capital était détenu à parts égales par la SARL Lodge conseils, la SAS SAI D... et la SARL Evian immobilier structure 74 et qui avait pour co-gérants M. A..., dirigeant de la SARL Lodge conseils, M. D..., dirigeant de la SAS SAI D... et M. C..., dirigeant de la SARL Evian immobilier structure 74, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2012 au 31 août 2014. A la suite de ce contrôle, l'administration a, par un premier avis de mise en recouvrement n° 160705082 du 23 août 2016, réclamé à la SCCV Les Palais du Léman les droits de taxe sur la valeur ajoutée résultant de rectifications de taxe collectée exigible non déclarées au titre de livraisons d'immeubles acceptées par la société pour un montant total de 165 125 euros pénalités incluses. Par un second avis de mise en recouvrement n° 170600030 du 15 juin 2017, l'administration a mis à sa charge les droits de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la remise en cause de la taxe déductible grevant des prestations facturées par la Société Partimo, pour un montant total de 94 442 euros pénalités incluses. La SCCV Les Palais du Léman a présenté, le 16 décembre 2019, une réclamation contre cet avis de mise en recouvrement n° 170600030 du 15 juin 2017, laquelle a été rejetée par une décision du directeur départemental des finances publiques du 22 juin 2020. Elle relève appel du jugement susvisé du 16 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 août 2014 à hauteur de 165 125 euros pénalités incluses.

Sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) ". Aux termes de l'article R. 256-1 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis (...) Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications (...) ".

3. D'une part, l'avis de mise en recouvrement n° 160705082 du 23 août 2016 d'un un montant de 165 125 euros concernant les rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée collectée et des pénalités afférentes, qui n'ont pas été soumises à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, se réfère à une proposition de rectification du 2 décembre 2015 et une réponse aux observations du contribuable du 3 mars 2016, et mentionne un montant total de la créance, dont 19 872 euros d'intérêt de retard au titre de l'article 1727 du code général des impôts. D'autre part, l'avis de mise en recouvrement n° 170600030 du 15 juin 2014 pour un montant de 94 442 euros concernant les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée en litige se réfère à ladite proposition de rectification du 2 décembre 2015 et une réponse aux observations du contribuable du 3 mars 2016, ainsi qu'à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires notifié par lettre du 14 mars 2017 et mentionne un montant total de la créance de 94 442 euros, dont 87 714 euros en droits, 5 750 euros en majorations et 978 euros d'intérêts de retard au titre de l'article 1727 du code général des impôts. Dans ces conditions, eu égard aux références contenues dans les deux avis de mise en recouvrement dont aucune n'est inexacte, la société appelante ne peut être regardée, en l'espèce, comme ayant été privée de la possibilité d'identifier l'origine des impositions mises en recouvrement en rapprochant ces actes, et de contester utilement les avis de mise en recouvrement. Par suite, les dispositions précitées de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que, lors de la vérification de comptabilité de la SCCV Les Palais du Léman, le vérificateur a relevé que cette société avait comptabilisé dans ses écritures le 2 juillet 2012 une somme d'un montant de 447 522 euros au débit du compte 33350000 libellé " honoraires et commissions ", une somme de 535 236,31 euros au crédit du compte 401 libellé " SAI D... " et une somme de 87 714,31 euros au compte 44566000 " TVA déductible ". Cette opération correspond à une facture émise par la SAS Sai D... datant du 5 août 2013 dans le cadre d'une convention d'honoraires signée avec la société Partimo SA. Le service a relevé que la SCCV Les Palais du Léman a porté la taxe sur la valeur ajoutée déductible figurant sur cette facture, au titre de commissions ou honoraires sur ses déclarations de TVA Modèle CA3 du mois de juillet 2013 pour un montant de 73 340 euros et d'août 2013 pour un montant de 14 374,31 euros. A l'issue de ce contrôle, compte tenu des relations entre ces sociétés, ainsi que des éléments obtenus auprès du procureur de la République de Thonon-Les-Bains, le service vérificateur a remis en cause la déduction de cette taxe sur la valeur ajoutée qui serait relative aux prestations de services qui auraient été effectuées par la société suisse Partimo, estimant que ces prestations n'avaient aucune réalité. Aussi, le service a notifié à ladite société une proposition de rectification du 2 décembre 2015 qui a notamment porté sur la remise en cause de la taxe sur la valeur ajoutée déductible à raison de prestations dont la réalité n'est pas établie pour un montant de 73 340 euros au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2013 et pour un montant de 14 374 euros au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2014, en vertu du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts.

6. D'une part, pour établir que la taxe sur la valeur ajoutée déductible portée sur les factures d'honoraires ne correspondent pas à une prestation de services effectivement fournie et justifiée, l'administration fiscale a relevé d'abord la confusion comptable existant entre la SAI D... et la société Partimo dans la comptabilité de la SCCV Les Palais du Leman, en constatant qu'alors qu'aucune convention ne lie les deux sociétés, les factures ont été adressées directement par la société Partimo à la SCCV Les Palais du Leman, que ces factures qui ne font aucune référence à une convention et ne mentionnent pas la SAI Casalola, ont été directement payées par la SCCV Les Palais du Leman sur le compte suisse de la société Partimo, qu'aucun contrat signé par les trois sociétés ou contrat de délégation de paiement autorisant la société appelante à régler pour le compte de la SAI D... les factures de la société Partimo, qui serait le sous-traitant de cette dernière société n'a été produit et enfin que les factures de la société Partimo SA adressées à la SCCV Les Palais du Leman n'apparaissent pas en tant que telles dans la comptabilité de la société requérante puisqu'elle ne contient pas de compte fournisseur au nom de la société suisse. De même, l'administration fiscale a relevé que la facture, établie par la SAI D... concernant les prestations payées à la société Partimo, qui justifie le paiement acquitté par la société appelante, en date du 6 août 2013, porte la mention " Facture sai-2013-03 " et la date du 5 août 2013, mais que cette date a été barrée pour être remplacée de manière manuscrite par la mention " Fact du 02/07/2012 ". De plus, le service a relevé qu'afin de justifier les prestations facturées et payées d'un montant total de 447 522 euros, la société requérante produit des devis ou factures de suivi des travaux modificatifs, qui s'élèvent à 126 535,16 euros HT dont 9 833,77 euros HT d'honoraires de gestion facturés aux différents clients, sans toutefois que le montant nettement supérieur des prestations facturées par la société Partimo correspondent aux travaux modificatifs faisant l'objet de devis ou de factures. Enfin, l'administration fiscale a constaté que l'intervention de la société Partimo dans la commercialisation du programme immobilier portée par la SCCV Les Palais du Leman n'est pas établie, alors que la commercialisation des locaux a été confiée à la SARL Evian Immobilier Structure 74, dont l'agence est située à proximité du programme immobilier. Selon les explications données par la société appelante, les prestations en litige d'un montant de 447 522 euros sur une période de quatre mois et quatre jours en 2012, seraient effectives dès lors que le montant versé des honoraires, en adéquation avec le service rendu, correspondent à des commissions de 6 % versées à la société suisse Partimo sur le prix de vente d'appartements cédés entre le 20 février et le 22 juin 2012 et que ces prestations sont intervenues en application d'une convention signée entre les trois associés. Toutefois, en l'absence de justificatifs probants versés, ces éléments explicatifs ne suffisent pas à établir la réalité des prestations fournies par la société Partimo, pour le compte de la SAI D... et dont la société appelante serait la bénéficiaire.

7. D'autre part, la société fait valoir à hauteur d'appel que la réalité des prestations a été confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 1er février 2022 dont l'attendu en page 11 retient que, s'agissant de la régularité de l'intermédiation de la société Partimo directement payée par la SCCV à la demande de la société D... par le biais de son propre compte fournisseur pour un montant de 447 522 euros, il n'apparaît pas que M. D... aurait commis une faute de gestion séparable de ses fonctions de cogérants alors que l'ensemble de ce montage a été validé in fine par la SCVV et qu'il était connu des deux autres associés. Toutefois, la société appelante ne peut utilement se prévaloir pour bénéficier d'un droit à déduction, en application de l'article 271 précité du code général des impôts, de l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, saisie sur une action en dommages et intérêts présentée par M. C... et la SARL Evian Immobilier Structure 74 au titre de la fraude éventuellement commise par M. D..., qui, concernant un litige civil distinct est dépourvu de l'autorité relative de la chose jugée et dont les énonciations, qui ne portent pas sur la somme ayant donné lieu au rappel de taxe sur la valeur ajoutée en litige, ne peuvent être regardées comme contredisant la rectification en litige procédant de ce que le versement d'honoraires à la société Partimo en 2012 ne correspond à aucune prestation réelle.

8. En alléguant que les rectifications ne sont pas fondées en ce que la fictivité des charges engagées par la société Partimo n'est pas établie, la requérante n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les éléments tels que relevés par l'administration ni, par suite, le bien-fondé de l'application des majorations pour manquement délibéré dont les droits supplémentaires ont été assortis.

9. Par suite, eu égard aux éléments et explications fournies respectivement par l'administration fiscale et par la société contribuable, la réalité des prestations facturées ne peut être regardée comme établie. Il s'ensuit que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause son droit à déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures en cause à hauteur de la somme de 87 714 euros.

10. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance, que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par la partie appelante.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCCV Les palais du Léman est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCCV Les palais du Léman et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Haïli, président-assesseur,

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 janvier 2025.

Le rapporteur,

X. Haïli

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY01675


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01675
Date de la décision : 29/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : RIERA-TRYSTRAM-AZEMA

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-29;23ly01675 ?
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