Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme E... A..., M. D... I..., Mme F... C..., M. et Mme J... H... et M. et Mme B... G... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 24 août 2020 par lequel le maire de Clermont-Ferrand a délivré à la société Arcade immobilière de construction un permis de construire un immeuble collectif de dix-huit logements et une maison individuelle ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.
Par un jugement n° 2100374 du 28 avril 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 juin 2023, 26 mars et 17 mai 2024, M. et Mme E... A..., M. D... I..., Mme F... C..., M. et Mme J... H... et M. et Mme B... G..., représentés par Me Marion, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, cet arrêté et la décision implicite rejetant leur recours gracieux ;
2°) de rejeter la demande indemnitaire présentée par la société Arcade immobilière de construction sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Clermont-Ferrand le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête est recevable dès lors qu'ils justifient d'intérêt pour agir ;
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de répondre à une partie du moyen tiré de la méconnaissance de l'article UG3 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article UG3 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- le permis méconnaît les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme concernant la voirie et les accès ;
- le permis méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- le permis méconnaît les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et de l'article UG6 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- le projet n'est pas compatible avec les orientations d'aménagement et de programmation concernant " la trame verte et bleue " et les " franges urbaines ".
Par un mémoire en défense enregistré le 16 février 2024, la commune de Clermont-Ferrand, représentée par Me Bonicel-Bonnefoi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme A... et autres le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable, faute pour les requérants de justifier d'un intérêt pour agir ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 février 2024, la société Arcade immobilière de construction, représentée par Me Fribourg, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme A... et autres le versement de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable, faute pour les requérants de justifier d'un intérêt pour agir ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire distinct, enregistré le 18 avril 2024, la société Arcade immobilière de construction demande à la cour de condamner M. et Mme A... et autres à lui verser la somme totale de 500 000 euros en application des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.
Par un courrier du 17 décembre 2024, les parties ont été invitées à présenter des observations sur la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, afin de permettre l'intervention d'une mesure de régularisation du permis délivré le 24 août 2020 sur le vice tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UG3 du règlement du plan local d'urbanisme.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Moya, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;
- les observations de Me Marion pour M. et Mme A... et autres, ainsi que celles de Me Bonicel-Bonnefoi, pour la commune de Clermont-Ferrand ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 24 août 2020, le maire de Clermont-Ferrand a délivré à la société Arcade immobilière de construction un permis de construire en vue de la réalisation d'un ensemble immobilier comprenant dix-huit logements et une maison. M. et Mme A..., M. I..., Mme C..., M. et Mme H... et M. et Mme G... relèvent appel du jugement du 28 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté et du rejet de leur recours gracieux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. et Mme A... et autres soutiennent que le jugement attaqué a omis de répondre à une branche de leur moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UG3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de Clermont-Ferrand relatif à la hauteur maximale autorisée des constructions. Toutefois, en soutenant, dans un mémoire en réplique devant le tribunal administratif, que " de la même façon ", le règlement du PLU prévoit des règles de retrait lorsque le projet porte une atteinte significative aux conditions d'éclairement et d'ensoleillement des constructions voisines, les requérants n'ont pas entendu soulever un moyen nouveau tiré de la méconnaissance des règles de retrait prévues par le PLU mais ont présenté un argument complémentaire au soutien de leur moyen tiré de la méconnaissance par le projet des règles de hauteur maximale prévues par le PLU, auquel le tribunal administratif, qui n'avait pas à répondre à l'intégralité des arguments venant au soutien du moyen, a répondu aux points 4 à 6 de son jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges ont omis d'examiner un moyen ou une branche de moyen doit être écarté.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande en première instance :
3. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A..., M. I..., Mme C... et M. et Mme G... sont voisins immédiats du projet qui emporte la construction, d'une part, d'un bâtiment d'habitation collective de dix-huit logements, édifié sur quatre niveaux surmontés d'une canopée habitée et, d'autre part, d'une maison individuelle. Eu égard à l'importance du projet en litige et à sa proximité avec la propriété des intéressés, ce projet est de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leurs biens. Ils justifient ainsi d'un intérêt pour agir contre le permis en litige au sens des dispositions précitées.
Sur la légalité du permis de construire délivré :
5. Aux termes de l'article UG3 du règlement du plan local d'urbanisme de Clermont-Ferrand : " Les hauteurs maximales de façade (le plénum) figurent au Plan des hauteurs et sont mesurées du terrain naturel à l'égout de toiture ou à l'acrotère. (...) / Sans préjudice des dispositions énoncées aux paragraphes ci-après, aucune construction, installation ou ouvrage nouveau ne peut dépasser la hauteur de façade indiquée au Plan des hauteurs. (...) / La mesure du TN (terrain naturel) se fait en milieu de façade principale. Pour les façades supérieures à 20 mètres de long, elles sont divisées en sections de 20 mètres en partant du point le plus bas dans le cas d'un terrain en pente et en partant de l'angle dans le cas d'un terrain situé à l'angle de deux voies ou espaces publics. (...) / Les hauteurs maximales pourront être dépassées dans le cas de la formation d'une canopée habitée (attique, émergence...). / Ce bonus n'est autorisé que lorsque la toiture est traitée sur tout ou partie sous forme de toiture végétalisée ou comporte des terrasses accessibles bénéficiant de dispositifs intégrés à la construction permettant la plantation de végétaux. / Les surfaces de plancher supplémentaires autorisées, par application du bonus ne pourront dépasser 80 % de la surface de toiture du dernier niveau n'ayant pas dépassé le plénum / (...). ".
6. Il ressort des dispositions précitées que la hauteur maximale de façade, dans le secteur d'implantation du projet, ne doit pas excéder 10 mètres hors toiture végétalisée ou terrasses accessibles bénéficiant de dispositifs permettant la plantation de végétaux en application du plan des hauteurs figurant à l'article UG3 du règlement du plan local d'urbanisme. Cette hauteur est mesurée à partir du terrain naturel, dont il est constant qu'il se situe à la cote 108,24. La commune fait valoir qu'il ressort du plan de coupe de la façade intitulé " coupes AA DD " que la hauteur du dernier niveau du bâtiment A, sans prise en compte du bonus lié à la création de la canopée, est situé à la cote 118,04. Il ressort toutefois des dispositions précitées que la hauteur est mesurée jusqu'à l'acrotère, dont il ressort du plan de coupe de la façade qu'il se situe à la cote 119,31. Dans ces conditions, M. et Mme A... et autres sont fondés à soutenir que la hauteur de la façade excède la hauteur maximale de 10 mètres fixée par le plan des hauteurs et que le projet a été autorisé en méconnaissance des dispositions de l'article UG3 du règlement du plan local d'urbanisme.
7. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués à l'encontre de l'arrêté du 24 août 2020 et de la décision prise sur recours gracieux n'est susceptible de fonder leur annulation.
Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
8. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".
9. Le vice dont est entaché l'arrêté en litige, relevé au point 6 du présent arrêt, nécessite de prévoir que la hauteur de l'immeuble d'habitat collectif soit conforme aux dispositions de l'article UG3 du règlement du plan local d'urbanisme. La régularisation de ce vice n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Il appartient aux parties de notifier cette mesure de régularisation à la cour administrative d'appel de Lyon dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions indemnitaires présentées par la société Arcade immobilière de construction sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :
10. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. ".
11. Dans les circonstances de l'espèce, l'exercice du droit au recours exercé par M. et Mme A... et autres contre le permis de construire délivré à la société Arcade immobilière de construction ne traduit pas un comportement abusif de leur part. Dès lors, les conclusions indemnitaires présentées par la société Arcade immobilière de construction sur le fondement des dispositions citées au point précédent doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions présentées par la société Arcade immobilière de construction sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme sont rejetées.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur les conclusions de M. et Mme A... et autres.
Article 3 : Il est imparti à la société Arcade immobilière de construction un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt pour produire à la cour une mesure de régularisation du vice retenu au point 6 du présent arrêt.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... A..., M. D... I..., Mme F... C..., M. et Mme J... H..., M. et Mme B... G..., à la commune de Clermont-Ferrand et à la société Arcade immobilière de construction.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Vinet, présidente de la formation de jugement ;
M. Moya, premier conseiller ;
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2025.
Le rapporteur,
P. MoyaLa présidente,
C. Vinet
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne à la ministre, auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de décentralisation, chargée du logement ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY02180
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