Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SAS Rent Paradise a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2017 pour un montant de 45 099 euros.
Par un jugement n° 2200861 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 mars 2023 et le 27 octobre 2023, la SAS Rent Paradise, représentée par Me Duraffourd, demande à la cour :
1°) d'annuler ou de réformer ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'article 279 du code général des impôts, qui, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017, imposait des contraintes non justifiées susceptibles de fausser la libre concurrence et était incompatible avec les objectifs de la directive taxe sur la valeur ajoutée et de neutralité de l'impôt doit être interprété à la lumière de la nouvelle rédaction sauf à saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;
- elle démontre avoir supporté des dépenses de publicité pour un montant supérieur à 1,5 % de son chiffre d'affaires au regard de l'article 279 du code précité dès lors qu'elle a assuré sa publicité grâce au site Booking.com dont les prestations publicitaires sont assorties d'une prestation de réservation ;
- elle justifie également d'avoir engagé et comptabilisé des dépenses de publicité à concurrence de 14 000 euros HT qui lui ont été facturées par la société Total Cloud ;
- elle n'était pas tenue de délivrer une note d'un modèle agréé pour bénéficier du taux intermédiaire de 10 % puisqu'elle n'est pas exploitante d'un terrain de camping au sens de l'article 279 ancien du code général des impôts mais donne en location des mobil-homes à ses clients.
Par des mémoires, enregistrés le 26 septembre 2023 et le 23 juillet 2024 (non communiqué), le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée le 2 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Rent Paradise, dont M. D... C..., son président, détenait 40 % des actions, le reste du capital étant détenu, à hauteur de, respectivement, 20 % et 40 % par son épouse et par son fils, M. A... C..., et qui donnait en location des mobil-homes installés sur un terrain de camping classé exploité par la SA Les Prairies de La Mer à Port Grimaud (Var) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. A l'issue de ce contrôle, le vérificateur a, notamment soumis au taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée les recettes de location de mobil-homes pour lesquelles la SAS Rent Paradise avait appliqué le taux intermédiaire de 10 % applicable aux prestations relevant du a. de l'article 279 du code général des impôts. La SAS Rent Paradise relève appel du jugement du 9 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à ce titre.
2. Aux termes de l'article 279 du code général des impôts dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2018, de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 10 % en ce qui concerne : a. Les prestations relatives : (...) A la fourniture de logement dans les terrains de camping classés, lorsque l'exploitant du terrain de camping délivre une note dans les conditions fixées au a ter, assure l'accueil et consacre 1,5 % de son chiffre d'affaires total hors taxes à des dépenses de publicité, ou si l'hébergement est assuré par un tiers lorsque celui-ci consacre 1,5 % de son chiffre d'affaires total en France à la publicité (...) ".
3. En premier lieu, pour contester la remise en cause par le service du taux de taxe sur la valeur ajoutée par elle appliqué, la société appelante fait valoir que les conditions opposées par le service tirées des dispositions du a. de l'article 279 précité du code ont été supprimées par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 et que cet article " n'était pas conforme à la directive TVA ". Toutefois, la législation en matière de taux de taxe sur la valeur ajoutée étant celle en vigueur à la date du fait générateur de la taxe collectée, en vertu notamment du 1 de l'article 269 du même code, et la modification des dispositions du a. du 1 de l'article 279 par l'article 14 de la loi du 30 décembre 2017 n'étant applicable qu'à compter du 1er janvier 2018, la société appelante ne peut ni utilement se prévaloir de l'article 279 dudit code, dans sa nouvelle rédaction, pour contester les rappels portant sur la période antérieure, ni utilement demander que l'article 279, dans sa rédaction alors applicable, soit interprété à la lumière des dispositions entrées en vigueur le 1er janvier 2018, ni invoquer l'esprit qui aurait présidé à la modification de la rédaction de ces dispositions. La société appelante ne peut pas davantage, pour faire échec à l'application du a. de l'article 279 dans sa rédaction antérieure à la modification, utilement soutenir que l'application du taux normal de taxe sur la valeur ajoutée s'apparente à une sanction devant bénéficier du principe de rétroactivité de la loi plus douce dès lors que l'administration fiscale a retenu le taux prévu par la loi fiscale ne saurait constituer une sanction. Par suite, ce moyen en toutes ses branches doit être écarté. Enfin, si la société appelante évoque une incompatibilité de ces dispositions avec la " directive taxe sur la valeur ajoutée ", ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
4. En second lieu, il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si les recettes réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du taux intermédiaire de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans celui du taux normal de cette taxe, eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations.
5. Il résulte de l'instruction que la SAS Rent Paradise a conclu avec la société exploitant le terrain de camping à Port Grimaud, un contrat lui conférant un droit d'occupation des emplacements énumérés dans le contrat, à charge pour elle de donner en location à des particuliers ses propres installations mobiles. Il en résulte que, pour l'application des dispositions précitées, ainsi qu'en convient le ministre, la société appelante a la qualité de tiers fournissant un hébergement et peut prétendre à l'application du taux de 10 % si elle consacre 1,5 % de son chiffre d'affaires en France à la publicité.
6. La société appelante fait valoir qu'elle a rémunéré, au cours de la période en litige, Booking.com pour des prestations d'un montant excédant le pourcentage exigé par le a. de l'article 279 du code général des impôts. Il résulte toutefois de l'instruction qu'elle a comptabilisé les prestations de Booking.com dans un compte " 6222 Commissions et courtages sur ventes " et non dans une subdivision du compte n° 623 " publicité, publication relations publiques " et que, selon le vérificateur, les factures libellées Booking ont été facturées comme des commissions au titre d'un service de réservation moyennant égales à 5 % sur le prix de la réservation. Si, contrairement à ce que fait valoir le ministre, la seule comptabilisation erronée de dépenses de publicité ne fait pas obstacle à ce que le contribuable puisse se prévaloir des dispositions précitées du code général des impôts et s'il est exact, ainsi que le fait valoir la société appelante, que les annonces publiées à ses frais sur le internet de Booking.com permettent de promouvoir tant son activité que ses transactions commerciales et la qualité de ses prestations, il n'en résulte pas que les prestations fournies par un opérateur spécialisé dans la mise en relation entre clients et prestataires de services en matière de logement puissent, de ce seul fait, être regardées comme des prestations de publicité, lesquelles recouvrent les opérations, quels qu'en soient les auteurs, la nature ou la forme, dont l'objet est de transmettre un message destiné à informer le public de l'existence et des qualités d'un produit ou service dans le but d'en augmenter les ventes, ou qui, faisant indissociablement partie d'une campagne publicitaire, concourent, de ce fait, à cette transmission. Au demeurant, en l'absence de ventilation dans les factures libellées " réservation " permettant de distinguer entre les montants afférents aux dépenses de publicité et ceux afférents aux prestations de réservation assurées par Booking.com au moyen du site internet, il n'est pas justifié de l'existence de dépenses de publicité atteignant le seuil 1,5 % du chiffre d'affaires. Par conséquent, c'est bon droit que l'administration fiscale a estimé que dès lors que Booking.com n'assurait pas de prestations de publicité, la société appelante ne remplissait pas la condition exigée par le a. de l'article pour bénéficier du taux intermédiaire de 10 % pour l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée de son activité de location de mobil-homes.
7. Compte tenu de ce qui a été dit sur les conditions dans lesquelles la société appelante a exercé son activité, et alors que l'administration fiscale renonce expressément en appel à se prévaloir des dispositions du a. ter de l'article 279 du code général des impôts applicables aux prestations de logement fournies par l'exploitant du terrain du camping classé, le moyen de la société appelante tiré de ce qu'elle a délivré à ses clients des notes conformes au modèle préconisé par l'administration doit être écarté comme inopérant.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ".
9. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que la société requérante n'a pas présenté d'observations en réponse à la proposition de rectification n° 2120 du 16 décembre 2020 qui lui a été régulièrement adressée et est revenue au service expéditeur avec la mention " pli avisé non réclamé ". Par suite, en application de l'article R. 194-1 précité, il lui appartient de démontrer le caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge selon la procédure de rectification contradictoire.
10. Pour remettre en cause le bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 10 % au titre de l'année 2017, l'administration fiscale a écarté, au titre des dépenses de publicité affectées à 1,5 % du chiffre d'affaires, une facture de la société Total Cloud émise le 29 décembre 2017 d'un montant de 14 000 euros HT, libellé " communication de l'image et de la notoriété de la société Rent Paradise par : achat de mot clé et campagne Google adwords, entretien et refonte globale du site pour 2018 et communication sur les supports utilisés par Total Cloud en complément dès que possible. Exemple sur les partenariats sportifs réalisés via Total Cloud ". Le service a relevé que l'activité de gestion de centres de données de la société Total Cloud ne présente pas de lien avec la prestation délivrée de " communication de l'image et de la notoriété " de la SAS Rent Paradise, que ladite facture a été émise postérieurement à la réception le 13 décembre 2017 de la proposition de rectification n° 3924 du 11 décembre 2017 faisant suite à la vérification de comptabilité portant sur la période antérieure du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 et enfin que la société Total Cloud présente des liens de direction avec la société requérante. En se bornant à produire l'extrait du grand livre des comptes traduisant l'inscription de ces frais de publicité dans un compte de charges 623 libellé " publicités, publication ", qui atteste seulement l'enregistrement de cette dépense facturée lors de l'exercice clos le 31 décembre 2017, et en l'absence d'autres éléments justificatifs de l'objet de la prestation fournie par cette société, la SAS Rent Paradise n'établit pas la réalité de la prestation de publicité invoquée. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que la SAS Rent Paradise ne remplissait pas la condition exigée par le a. de l'article 279 pour bénéficier du taux intermédiaire de 10 % pour l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée de son activité de location de mobil-homes.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer pour un renvoi d'une question préjudicielle, que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions aux fins de décharge ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Rent Paradise est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Rent Paradise et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 février 2025.
Le rapporteur,
X. Haïli
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY01037