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27/02/2025 | FRANCE | N°24LY01919

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 27 février 2025, 24LY01919


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2024 par lequel la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2400343 du 6 juin 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2024 par lequel la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2400343 du 6 juin 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2024, M. B... A..., représenté par Me Shibaba, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juin 2024 ;

2°) d'annuler cet arrêté de la préfète du Rhône du 8 janvier 2024 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien de dix ans dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai ; ou à titre subsidiaire, d'examiner à nouveau sa situation dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt et délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas fait application des articles L. 423-1 à L. 423-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les articles L. 423-1 à L. 423-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ainsi que l'article 1er de son protocole additionnel n° 12, et entraîne une discrimination prohibée par l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- elle méconnaît les stipulations des a et h de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- elle est entachée d'abus de pouvoir et ne tient pas compte de la circulaire IOCL1200311C du 5 janvier 2012 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La procédure a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 9 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée le 25 septembre 2024.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 août 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Haïli, président-assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité algérienne, né le 16 octobre 1968, est entré sur le territoire français le 17 juin 2018 sous couvert d'un visa Schengen valable jusqu'en novembre 2018. Le 23 juin 2018, il s'est marié avec Mme C..., ressortissante française et a obtenu un certificat de résidence algérien portant la mention vie privée et familiale valable du 4 décembre 2018 jusqu'au 3 décembre 2019. Le 7 février 2019, sa conjointe, Mme C..., est décédée. Le 17 janvier 2020, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence d'une durée de dix ans sur le fondement des stipulations du a de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 8 janvier 2024 la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 6 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si l'appelant fait valoir que les premiers juges ont commis des erreurs de droit dans l'application des dispositions de l'article L. 110-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme de l'article 1er de son protocole additionnel n° 12, de tels moyens relèvent de l'appréciation du bien-fondé de leur jugement et non de sa régularité.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit (...) : / a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article ; / (...) / h) Au ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une validité d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", lorsqu'il remplit les conditions prévues aux alinéas précédents ou, à défaut, lorsqu'il justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France ; / (...). ". Aux termes de l'article 6 de cet accord : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / (...) / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. ".

4. L'accord franco-algérien régit de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent lui être délivrés. Dès lors, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance ne sont pas applicables aux ressortissants algériens.

La différence de traitement ainsi réservée à ces ressortissants, par rapport à d'autres catégories d'étrangers soumis au code précité, résulte ainsi de l'accord international lui-même. Par suite, et alors même que les stipulations de l'accord franco-algérien rappelées ci-dessus sont plus restrictives que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en soumettant le renouvellement du certificat de résidence pour les conjoints de Français à une condition de communauté de vie sans prévoir d'exception en cas du décès du conjoint, M. A..., en tant que ressortissant algérien, ne peut utilement se prévaloir de l'article L. 423-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu duquel la rupture du lien conjugal n'est pas opposable lorsqu'elle résulte du décès du conjoint. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Rhône a méconnu ces dispositions en refusant de lui délivrer un certificat de résidence en qualité de conjoint français au seul motif de la rupture de la communauté de vie due au décès de son épouse.

5. En deuxième lieu, les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel n°12 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne font pas obstacle à ce que les conditions du séjour en France des ressortissants étrangers soient régies par des accords internationaux pouvant prévoir le cas échéant, des conditions différentes de celles fixées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la conformité d'un traité ou d'un accord international à la Constitution. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 est contraire à ces textes en ce qu'il ne prévoit pas un droit au renouvellement du titre de séjour en cas de décès du conjoint est inopérant.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige M. A... est veuf et sans charge de famille et n'établit ni même n'allègue ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à son arrivée en France le 17 juin 2018. Dans ces conditions, compte tenu notamment du caractère relativement récent de son séjour et en l'absence d'attaches anciennes en France, et alors que l'appelant ne fait état d'aucune circonstance précise sur une intégration dans la société française, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'un " abus de droit ".

8. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait présenté une demande de certificat de résidence algérien sur le fondement de l'article 7 bis h) de l'accord franco-algérien. Par ailleurs, la préfète du Rhône n'a pas pris sa décision en se fondant sur de telles dispositions. Dès lors, M. A... ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations.

9. En cinquième lieu, M. A... ne peut utilement invoquer le bénéfice de la circulaire n° IOCL1200311C du 5 janvier 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions de délivrance et durée de validité des récépissés et des titres de séjour qui est dépourvue de caractère règlementaire.

10. En sixième lieu, M. A... reprend en appel le moyen soulevé en première instance, tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait l'article " L. 511-4, 6° " du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ne développe au soutien de ce moyen aucun argument pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 5 et 6 du jugement attaqué.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 6 février 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Haïli, président-assesseur,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 février 2025.

Le rapporteur,

X. Haïli

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

G. Tarlet

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY01919


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01919
Date de la décision : 27/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SHIBABA

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-27;24ly01919 ?
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