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03/04/2025 | FRANCE | N°24LY02750

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 03 avril 2025, 24LY02750


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 février 2024 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2401755 du 13 juin 2024, le tribunal a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 26 septembre 2024, M. A..., représenté p

ar Me Albertin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 15 février 2024 ;



2°) d'enjoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 février 2024 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2401755 du 13 juin 2024, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Albertin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 15 février 2024 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, de lui accorder un titre de séjour mention " salarié " ou de réexaminer sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision portant refus de titre de séjour a été prise au terme d'une procédure irrégulière, le préfet n'ayant pas sollicité l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de M. A... dans la société française, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du même code, dès lors que M. A... remplit les conditions fixées par cet article, et notamment sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance entre ses seize et dix-huit ans ;

- les décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du même code ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que M. A... justifie avoir établi le centre de sa vie en France ;

- la même décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle emporte des conséquences manifestement excessives sur la situation personnelle de M. A... ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont elles-mêmes illégales par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est également illégale en ce que M. A... ne pouvait pas faire l'objet d'une telle décision puisqu'il devait se voir accorder un titre de séjour en application de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est également illégale en tant qu'elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont également illégales en tant qu'elles procèdent d'une erreur manifeste d'appréciation, compte tenu des conséquences excessives qu'elles emportent sur la situation personnelle de M. A....

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 août 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

M. A... ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Picard, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant guinéen qui déclare être né le 2 mai 2004, est entré sur le territoire français le 5 mars 2021. Le 3 octobre 2023, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 15 février 2024, le préfet de la Drôme a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé la Guinée comme pays de destination. Par un jugement du 13 juin 2024, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de séjour :

2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier et complet de la demande de titre de séjour.

3. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

4. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Ce n'est que si ces conditions préalables sont remplies que le préfet, sous le contrôle juridictionnel de l'erreur manifeste, doit prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

5. La délivrance à un étranger d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est subordonnée au respect par l'étranger des conditions qu'il prévoit, en particulier concernant l'âge de l'intéressé, que l'administration vérifie au vu notamment des documents d'état civil produits par celui-ci. A cet égard, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

6. Au regard du motif du refus de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tiré de l'absence de minorité de M. A... au moment de sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance, le préfet n'était pas obligé, avant de prendre sa décision, de saisir le service d'accueil pour obtenir un avis sur l'insertion de l'intéressé dans la société française. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

7. Pour établir sa date de naissance et justifier de sa minorité au moment de sa prise en charge provisoire par l'aide sociale à l'enfance, M. A... a produit un jugement supplétif n° 561 en date du 8 février 2021 du tribunal de première instance de Boke ainsi que l'acte de transcription à l'état civil en date du 19 février 2021. Toutefois, ainsi que l'a relevé la cour d'appel de Grenoble dans son arrêt du 19 novembre 2021 infirmant le jugement plaçant provisoirement M. A... auprès des services de l'aide sociale à l'enfance, ces documents n'ont pas été légalisés par les autorités consulaires françaises en Guinée ou par les autorités consulaires guinéennes en France et ne sont pas sécurisés. La direction de la police zonale aux frontières a pour les mêmes raisons émis un avis défavorable s'agissant de l'authenticité de ces documents. En outre, l'évaluation menée par le conseil départemental de la Drôme en date du 5 mars 2021 a exclu la minorité de l'intéressé, en indiquant que son aspect physique " n'est pas cohérent avec l'âge qu'il déclare " et en se fondant sur le fait qu'il s'était présenté en possession d'un livret de la Croix-Rouge italienne précisant une autre identité que celle déclarée, avec une naissance en 2000 et les mêmes noms que ceux indiqués dans les actes d'état civil mentionnés plus haut. Si M. A... a produit une carte d'identité consulaire portant le 2 mai 2004 comme date de naissance, une telle circonstance, faute de force probante particulière pouvant être accordée à un tel document, n'apparaît pas déterminante. Au vu de ces éléments, et même en admettant qu'il remplissait les autres conditions de l'article L. 435-3 ci-dessus, il n'apparaît pas que le préfet aurait méconnu ces dispositions en refusant la demande de titre de séjour présentée par M. A... sur leur fondement.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / (...). ".

9. M. A... est entré sur le territoire française le 5 mars 2021, soit trois ans avant l'intervention de la décision de refus de titre de séjour. S'il a été scolarisé au sein du lycée Marius Bouvier de Tournon-sur-Rhône puis a suivi un certificat d'aptitude professionnelle " métallier ", il n'apparaît pas que M. A... serait spécialement intégré en France où la présence de membres de sa famille n'est pas avérée, son père et sa mère étant en Guinée. Il ne justifie ainsi pas avoir noué sur le territoire des liens personnels et familiaux tels que le refus de séjour aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés. En outre et pour les mêmes motifs, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet de la Drôme a refusé de régulariser sa situation.

Sur l'obligation de quitter le territoire français et le pays de destination :

10. En premier lieu, et compte tenu de ce qui précède, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ne sont pas illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit plus haut que M. A... ne remplissait pas les conditions d'attribution d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont de toutes les façons pas de plein droit. Par suite, il n'entrait pas dans la catégorie des personnes ne pouvant légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Le moyen ne peut qu'être écarté.

12. En troisième et dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ci-dessus, ces mesures ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale et ne procèdent pas non plus d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2025 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.

Le président, rapporteur,

V-M. PicardLa présidente assesseure,

A. Duguit-Larcher

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02750

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02750
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : ALBERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;24ly02750 ?
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