La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/04/2025 | FRANCE | N°24LY02611

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 10 avril 2025, 24LY02611


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 avril 2024 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2403293 du 5 août 2024, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 4 avril 202

4 en tant qu'il fixe le pays à destination duquel Mme C... B... pourra être éloignée (article 2) et a reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 avril 2024 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2403293 du 5 août 2024, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 4 avril 2024 en tant qu'il fixe le pays à destination duquel Mme C... B... pourra être éloignée (article 2) et a rejeté le surplus de sa demande (article 3).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 septembre 2024, Mme C... B... représentée par Me Joie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 août 2024 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions du préfet de la Haute-Savoie lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 avril 2024 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement en litige est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé sur le moyen tiré de l'application de l'article L. 441-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 4 avril 2024 est entaché d'insuffisante motivation ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- la décision de refus de séjour porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale par exception d'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La procédure a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 20 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée le 6 décembre 2024.

En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête d'appel aux fins d'annulation de la décision du 4 avril 2024 en tant qu'elle fixe le pays à destination duquel Mme C... B... pourra être éloignée, dès lors que le premier juge a fait droit aux conclusions de l'intéressée sur ce point et que l'intérêt à faire appel d'un jugement s'apprécie par rapport à son dispositif.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme C... B... a été rejetée par une décision du 2 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à Mayotte du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., de nationalité comorienne, est née le 28 décembre 2001. Elle s'est présentée en préfecture le 17 janvier 2023 afin de demander un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 avril 2024, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution forcée de la mesure. Par un jugement n° 2403293 du 5 août 2024, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 4 avril 2024 en tant qu'il fixe le pays à destination duquel Mme C... B... pourra être éloignée et a rejeté le surplus de sa demande d'annulation de cet arrêté. Par la présente requête, Mme C... B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande et demande l'annulation de l'arrêté du 4 avril 2024 dans son ensemble.

Sur la recevabilité des conclusions de la requête :

2. L'intérêt à faire appel s'apprécie par rapport au dispositif de la décision juridictionnelle attaquée. Par le jugement attaqué du tribunal administratif de Grenoble, l'appelante a obtenu l'annulation de la décision du 4 avril 2024 du préfet de la Haute-Savoie fixant le pays de destination. Par suite, quels que soient les motifs de cette annulation, la requérante n'est pas recevable à demander à la Cour d'annuler l'arrêté préfectoral du 4 avril 2024 en tant qu'il fixe le pays à destination duquel Mme C... B... pourra être éloignée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort des motifs du jugement attaqué en son point 3 que les premiers juges ont suffisamment motivé la réponse qu'ils ont apportée au moyen tiré de l'inexacte application de l'article L. 441-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit dès lors être écarté. La circonstance que l'appelante en conteste le bien-fondé est sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. L'arrêté attaqué comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par conséquent, suffisamment motivé.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

5. Il ne ressort ni des termes de la décision de refus de séjour attaquée, qui comporte des éléments personnalisés de la situation de la requérante, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de la Haute-Savoie n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de l'intéressée, notamment au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si l'appelante fait valoir que l'arrêté indique par erreur que son titre de séjour a été délivré à Mayotte alors qu'il l'a été à La Réunion et qu'en outre, l'arrêté retient que Mme C... B... est arrivée le 25 décembre 2020 " en France ", sans préciser qu'elle a grandi dans le département français de Mayotte de 2010 à 2019, ces erreurs et imprécisions, qui n'ont pu influer sur l'appréciation par l'autorité préfectorale de son droit au séjour en métropole au titre de sa vie privée et familiale, ne sont pas de nature à révéler un défaut d'examen sérieux de sa situation.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

7. Mme C... B... soutient qu'elle réside en France de façon ininterrompue depuis 2010, que toute sa famille réside de manière régulière sur le territoire national et qu'elle est parfaitement intégrée en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante, qui a vécu à Mayotte de 2010 à 2019 où demeurent sa mère et sa sœur, est entrée en France métropolitaine le 25 décembre 2020, soit trois ans et trois mois seulement avant l'édiction de la décision attaquée. En dépit de la présence d'un oncle en France métropolitaine, l'appelante ne justifie pas y avoir fixé durablement le centre de sa vie et y disposer de liens personnels et familiaux durables et stables. En outre, si la requérante fait valoir qu'elle a débuté une formation en CAP accompagnement éducatif petite enfance, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas allégué de circonstance particulière faisant obstacle à la poursuite de cette formation dans le département de Mayotte. Dès lors, en édictant la décision en litige, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis et n'a, par suite, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché la décision en litige d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'il emporte sur la situation personnelle de l'intéressée.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui précède que l'illégalité de la décision portant refus de séjour n'est pas démontrée. Par voie de conséquence, la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt, et même en tenant compte des conséquences spécifiques à la mesure d'éloignement, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant la mesure d'éloignement à l'encontre de la requérante, ni entaché d'erreur manifeste son appréciation de la situation de Mme C... B.... Enfin, si l'appelante soutient que le préfet a obligé la requérante à quitter le territoire français " sans excepter Mayotte ", cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que les conclusions présentées sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence et en tout état de cause.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Haïli, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Djebiri, première conseillère,

- M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 avril 2025.

Le président-rapporteur,

X. HaïliL'assesseure la plus ancienne,

C. Djebiri

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02611
Date de la décision : 10/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. HAILI
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : JOIE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-10;24ly02611 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award