Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a autorisé, en vertu de l'article L. 214-1 du code de l'environnement, le projet de centrale hydroélectrique de la Sallanche et a déclaré d'utilité publique l'établissement d'une servitude au titre du code de l'énergie.
Par un jugement n° 2002004 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 26 décembre 2019 du préfet de la Haute-Savoie, a enjoint à la Régie de Gaz et d'Electricité de Sallanches de procéder à la remise en état du site dans un délai de douze mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 23LY00401 le 5 février 2023, et deux mémoires, enregistrés les 9 avril 2024 et 23 mai 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la Régie de Gaz et d'Electricité de Sallanches, représentée par Me Peters, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 décembre 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes devant le tribunal ;
3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La Régie de Gaz et d'Electricité de Sallanches soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en raison de l'absence de communication du mémoire qu'elle a produit le 14 novembre 2022 et du mémoire produit par l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes le 15 novembre 2022 au regard du principe du contradictoire et des prescriptions des articles L. 5 et R. 611-1 du code de justice administrative ;
- les premiers juges se sont mépris sur l'étendue du contrôle exercé par le juge administratif en la matière, qui est limité à l'erreur manifeste d'appréciation ;
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen relatif à la localisation de la prise d'eau, située en dehors du tronçon de la rivière classée en liste 1 ;
- le classement opéré du tronçon de la Sallanche entre le pont de la Flée et la confluence avec l'Arve par l'arrêté du 19 juillet 2013 en réservoir biologique et en liste 1 est illégal dès lors que le classement ne vérifie aucun des critères visés par la circulaire DCE n° 2008/25 du 6 février 2008 relative au classement des cours d'eau au titre de l'article L. 214-17-I du code de l'environnement et aux obligations qui en découlent pour les ouvrages ; le projet ne saurait constituer un obstacle à la continuité écologique puisque la Sallanche ne peut être considérée comme un réservoir biologique ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la prise d'eau mise en œuvre par le projet ne constitue pas un obstacle à la continuité écologique au sens des articles L. 214-17 1° et R. 214-109 4° du code de l'environnement et le projet respecte les prescriptions de l'article L. 214-18 du même code ;
- à supposer que l'arrêté préfectoral ait été illégal, les premiers juges ont méconnu leur office en ne faisant pas usage de la faculté de régularisation prévue par le code de l'environnement ;
- l'injonction de démolition prononcée par les premiers juges entraîne des conséquences irréparables, eu égard à ses effets sur la situation des particuliers propriétaires des emprises de la conduite forcée, à son impact sur les finances publiques et à ses effets en matière environnementale, alors que la création de cette centrale hydro-électrique s'inscrit dans les objectifs fixés par le législateur ;
- les moyens soulevés par l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes tirés de la méconnaissance des délais visés à l'article R. 181-17 du code de l'environnement, du caractère incomplet et non exhaustif de l'étude d'impact, de ce que le projet méconnaitrait les objectifs de non-dégradation de l'état des masses d'eau fixés par la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, de ce que le pétitionnaire aurait dû obtenir une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées, de l'incompatibilité avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et le schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE), de l'absence de prise en compte des plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) de Sallanches et de Cordon ne sont pas fondés.
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 22 février 2024, 2 mai 2024 et 4 juin 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes, représentée par Me Terrasse, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé l'arrêté en litige au visa des articles L. 214-17 1° et R. 214-109 4° du code de l'environnement et les autres moyens qu'elle avait soulevés devant le tribunal justifient également l'annulation de cet arrêté.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 23LY00426 le 7 février 2023, et un mémoire, enregistré le 22 mai 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour d'annuler ce jugement du 6 décembre 2022 et de rejeter la demande présentée par l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes devant le tribunal, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer pour permettre la régularisation de l'autorisation en litige sur le fondement de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
Le ministre soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dans sa réponse aux moyens tirés de ce que l'ouvrage litigieux constitue un obstacle à la continuité écologique et de ce qu'aucune régularisation n'était envisageable ;
- les premiers juges n'ont pris en compte qu'une partie des paramètres permettant de déterminer si l'ouvrage en cause affectait substantiellement l'hydrologie des réservoirs biologiques alors que notamment le débit minimum à maintenir était bien supérieur au débit minimum biologique visé à l'article L. 214-18 du code de l'environnement ;
- une mesure de régularisation de l'ouvrage était envisageable par l'augmentation du débit réservé ; à ce titre, le projet reste économiquement viable en retenant un débit réservé excédant 80 l/s.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2024, et un mémoire, enregistré le 9 octobre 2024 après la clôture de l'instruction et qui n'a pas été communiqué, l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes, représentée par Me Terrasse, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- c'est à bon droit que le tronçon de la Sallanche entre le pont de la Flée et la confluence avec l'Arve a été classé en réservoir biologique et en liste 1 ;
- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la prise d'eau mise en œuvre par le projet constitue un obstacle à la continuité écologique au sens des articles L. 214-17 1° et R. 214-109 4° du code de l'environnement ;
- la mesure compensatoire pécuniaire prévue par l'arrêté litigieux est insuffisante ;
- les autres moyens qu'elle a développés en première instance justifient également l'annulation de l'arrêté litigieux ;
- c'est à bon droit que le tribunal a estimé que le projet n'était pas régularisable dès lors qu'il n'est pas établi que le débit minimal biologique retenu, supérieure au 10ème du module, permettrait de maintenir la vie, la circulation et la reproduction des espèces piscicoles présentes.
Dans ces deux instances, une ordonnance du 2 mai 2024 a fixé en dernier lieu la clôture de l'instruction au 23 mai 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère,
- les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique,
- et les observations de Me Peters pour la Régie de Gaz et d'Electricité de Sallanches et de Me Rover pour l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes.
Une note en délibéré, présentée pour l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes, a été enregistrée le 30 avril 2025 dans chacune de ces instances.
Une note en délibéré, présentée pour la Régie de Gaz et d'Electricité de Sallanches, a été enregistrée le 9 mai 2025 dans l'instance n° 23LY00401.
Considérant ce qui suit :
1. La Régie de Gaz et d'Electricité de Sallanches (RGE) a sollicité, le 23 mars 2018, une autorisation environnementale afin d'exploiter une centrale hydroélectrique sur la rivière la Sallanche (Haute-Savoie). Ce projet consiste à créer en amont du Pont de la Flée, une prise d'eau reliée à la centrale située en contrebas par une conduite forcée enterrée sur une longueur de 4,1 km soit la majeure partie de la canalisation. A l'issue de l'enquête publique, le préfet de la Haute-Savoie a, par arrêté du 26 décembre 2019, autorisé le projet et déclaré d'utilité publique l'établissement d'une servitude au titre du code de l'énergie. La Régie de Gaz et d'Electricité de Sallanches et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.
2. Les requêtes d'appel de la RGE et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires étant formées contre un même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
3. Aux termes du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement : " Après avis des conseils départementaux intéressés, des établissements publics territoriaux de bassin concernés, des comités de bassins et, en Corse, de l'Assemblée de Corse, l'autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous-bassin : 1° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux parmi ceux qui sont en très bon état écologique ou identifiés par les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux comme jouant le rôle de réservoir biologique nécessaire au maintien ou à l'atteinte du bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou dans lesquels une protection complète des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée est nécessaire, sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils constituent un obstacle à la continuité écologique (...) ". L'article R. 214-109 de ce même code, dans sa version remise en vigueur à la suite de l'annulation de l'article 1er du décret n° 2019-827 par une décision du Conseil d'Etat du 15 février 2021 n° 439036, précise que : " Constitue un obstacle à la continuité écologique, au sens du 1° du I de l'article L. 214-17 (...), l'ouvrage entrant dans l'un des cas suivants : / 1° Il ne permet pas la libre circulation des espèces biologiques, notamment parce qu'il perturbe significativement leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri ; / 2° Il empêche le bon déroulement du transport naturel des sédiments ; / (...) 4° Il affecte substantiellement l'hydrologie des réservoirs biologiques ".
4. Aux termes de l'article L. 214-18 du même code : " I. - Tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite. / Ce débit minimal ne doit pas être inférieur au dixième du module du cours d'eau en aval immédiat ou au droit de l'ouvrage correspondant au débit moyen interannuel, évalué à partir des informations disponibles portant sur une période minimale de cinq années, ou au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage, si celui-ci est inférieur. (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que, par arrêté du préfet de la région Rhône-Alpes du 19 juillet 2013, la Sallanche, du pont de la Flée à sa confluence avec l'Arve, est classée " en liste 1 " à savoir les cours d'eau ou parties de cours d'eau mentionnés au 1° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils constituent un obstacle à la continuité écologique, ainsi qu'en réservoir biologique. Il est constant que 72 % du tronçon de la Sallanche court-circuité par le projet en litige se situe dans la partie du cours d'eau classée et que le projet autorisé prévoit un débit réservé de 80 l/s au lieu de 50 l/s, initialement retenu, soit 1/5ème du module du cours d'eau et le double du débit minimum biologique fixé par l'article L. 214-18 précité. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude d'impact produite par le pétitionnaire, que le volume d'eau turbinée entre la prise d'eau et le point de restitution est de 33,2 %, et de 15,6 % sur l'ensemble du réservoir. Si l'agence française de la biodiversité (AFB) qui, après avoir émis un premier avis favorable le 28 mai 2018 sur le projet d'attribution d'un débit réservé de 50 l/s, a estimé, par un courrier du 21 décembre 2018, que le projet en litige a un impact substantiel sur l'hydrologie du réservoir biologique concerné bien que le débit réservé ait été porté de 50 l/s à 80 l/s, du fait qu'il engendrerait une " réduction de 53 % de l'hydrologie de la réserve biologique ", une telle réduction n'est ni démontrée ni établie par les autres pièces du dossier. En outre, ainsi que le relève le pétitionnaire, l'AFB n'a pas pris en considération l'existence de dix points d'apport d'eau à la Sallanche et non court-circuités, recensés à l'aval de la prise d'eau. A ce titre, la commission locale de l'eau a précisé, par un avis du 18 mai 2018, que ces apports latéraux viennent réduire naturellement l'impact hydrologique du projet dans la partie amont du tronçon court-circuité. Si l'association intimée estime, sans d'ailleurs en justifier, que l'autorisation en litige permettra au pétitionnaire de turbiner l'eau de la Sallanche jusqu'à 70 % du temps et jusqu'à environ 60 % de son volume au droit de la prise d'eau, elle relève elle-même qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'encadre ou ne prévoit de prescription s'agissant du débit d'armement de la turbine. En outre, il est constant que le module déterminé pour la Sallanche s'élève à 0,4 m3/s soit 400 l/s et qu'ainsi le débit réservé autorisé à 80 l/s est supérieur au débit minimum biologique fixé par les dispositions précitées de l'article L. 214-18 du code de l'environnement qui est de 40 l/s. Il ressort également de l'instruction que la commission locale de l'eau, par l'avis précité, s'est prononcée favorablement au projet sur la base d'un débit réservé à 50 l/s. Enfin, il est constant que l'arrêté délivré prévoit de nombreuses prescriptions, dont l'aménagement des quatre seuils de la zone urbanisée de Sallanches, qui doivent permettre la constitution d'un réservoir biologique important pour réalimenter l'Arve en permettant leur franchissement par les petites espèces benthiques, et qu'un suivi de l'hydrologie est prévu sur une durée de cinq ans avec une éventuelle réévaluation du module à la hausse comme à la baisse permettant l'ajustement du débit réservé. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que l'ouvrage en litige affecterait substantiellement l'hydrologie du réservoir biologique. Par suite, c'est à tort que pour le motif tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 3, le tribunal a annulé l'arrêté en litige.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes à l'encontre de l'arrêté contesté.
Sur les autres moyens :
7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 181-17 du code de l'environnement : " La phase d'examen de la demande d'autorisation environnementale prévue par le 1° de l'article L. 181-9 a une durée qui est soit celle indiquée par le certificat de projet lorsqu'un certificat comportant un calendrier d'instruction a été délivré et accepté par le pétitionnaire, soit de quatre mois à compter de la date de l'accusé de réception du dossier. / Toutefois, cette durée de quatre mois est : (...) / 3° Suspendue jusqu'à la réception (...) des éléments complétant ou régularisant le dossier demandés en application de l'article R. 181-16 (...) ; / 4° Prolongée pour une durée d'au plus quatre mois lorsque le préfet l'estime nécessaire, pour des motifs dont il informe le demandeur. Le préfet peut alors prolonger d'une durée qu'il fixe les délais des consultations réalisées dans cette phase. ". Aux termes de l'article R. 181-34 du code précité : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / 1° Lorsque, malgré la ou les demandes de régularisation qui ont été adressées au pétitionnaire, le dossier est demeuré incomplet ou irrégulier ; / 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable ; / 3° Lorsqu'il s'avère que l'autorisation ne peut être accordée dans le respect des dispositions de l'article L. 181-3 ou sans méconnaître les règles, mentionnées à l'article L. 181-4, qui lui sont applicables. / Le préfet peut également rejeter la demande lorsqu'il apparaît que la réalisation du projet a été entreprise sans attendre l'issue de l'instruction ou lorsque cette réalisation est subordonnée à l'obtention d'une autorisation d'urbanisme qui apparaît manifestement insusceptible d'être délivrée eu égard à l'affectation des sols définie par le document d'urbanisme local en vigueur au moment de l'instruction, à moins qu'une procédure de révision, de modification ou de mise en compatibilité de ce document ayant pour effet de permettre cette réalisation soit engagée. (...). "
8. Il résulte de l'instruction qu'en l'espèce, les services préfectoraux de Haute-Savoie ont accusé réception d'un dossier complet présenté par le pétitionnaire le 13 avril 2018. Le délai d'instruction a été suspendu, en vertu des dispositions de l'article R. 181-17 précitées, entre le 6 juin et le 20 juillet 2018 pour une demande de compléments d'information, puis prorogé le 28 septembre 2018, soit dans le délai imparti de quatre mois prévu à l'article R. 181-17 précité. La nouvelle demande de compléments, intervenue le 14 novembre 2018, a une nouvelle fois suspendu les délais jusqu'au 28 mai 2019, date de réception de la note complémentaire annexée à l'étude d'impact produite par la RGE, et l'enquête publique a été engagée le 25 juin 2019. Dans ces conditions, et en tout état de cause, l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes n'est pas fondée à soutenir que la durée d'instruction initiale de quatre mois du dossier de demande d'autorisation environnementale présentée par la RGE n'aurait pas été respectée, que la prorogation de quatre mois aurait été tardive et que l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale (MRAe) du 8 août 2018 aurait été rendu sur la base d'un dossier incomplet et après l'échéance du délai d'instruction de quatre mois.
9. En deuxième lieu, l'article R. 122-5 du code de l'environnement précise : " (...) II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : (...) / e) Du cumul des incidences avec d'autres projets existants ou approuvés, en tenant compte le cas échéant des problèmes environnementaux relatifs à l'utilisation des ressources naturelles et des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement susceptibles d'être touchées (...) / f) Des incidences du projet sur le climat et de la vulnérabilité du projet au changement climatique ; (...) / 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; / 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : / - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ; / 9° Le cas échéant, les modalités de suivi des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées (...) ".
10. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
11. En se bornant à lister de manière générale les observations relevées dans l'avis de la MRAe du 8 août 2018, l'avis de l'AFB du 12 juin 2017 et la demande de compléments d'information de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) du 6 juin 2018 au pétitionnaire s'agissant de la définition des aires d'études et de l'état initial de l'environnement (eau et milieux aquatiques, biodiversité et milieux terrestres, paysage), sans indiquer les motifs pour lesquels ces observations ou demandes, à supposer qu'elles révèlent des insuffisances, seraient préjudiciables à l'information du public ou à l'appréciation de l'autorité administrative au cours de l'instruction de la demande, et sans prendre en compte les précisions qui ont été ultérieurement apportées par la RGE, l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes n'apporte pas de précisions suffisantes au soutien de son moyen, tiré du vice de procédure.
12. En particulier, si l'association intimée soutient que l'étude d'impact n'analyse pas les perturbations générées par l'installation projetée, que le projet va fortement perturber notamment sur le transport naturel des sédiments, que le volet relatif au paysage aurait dû être complété par les photographies des sites retenus pour l'implantation de la prise d'eau et du bâtiment, elle n'apporte toutefois aucune précision à l'appui de cette branche de son moyen, s'agissant notamment des dispositions qui auraient été méconnues, permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
13. En outre, s'agissant des impacts du projet sur certains habitats et espèces, l'étude d'impact produite par le pétitionnaire comporte, contrairement à ce que soutient l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes, une étude suffisante des espèces notamment protégées présentes sur le site ainsi que les impacts du projet sur les milieux aquatiques et terrestres. L'association intimée ne démontre pas que d'autres espèces seraient présentes sur le site. Les mesures d'évitement et de réduction des impacts du projet sur les milieux font l'objet d'une présentation tant dans la phase travaux que la phase d'exploitation et les mesures de compensation sont détaillées en pages 179 et suivantes de l'étude d'impact. Contrairement encore à ce qui est soutenu par l'intimée, cette étude fait état des alternatives envisagées au projet et les raisons du choix opéré. Elle justifie enfin de la mise en place du débit réservé en ses pages 23 et 180. Par suite, l'insuffisance alléguée de l'étude d'impact doit être écartée, dans toutes ses branches.
14. En troisième lieu, l'article L. 212-1 du code de l'environnement précise : " (...) IV. - Les objectifs de qualité et de quantité des eaux que fixent les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux correspondent : / (...) 4° A la prévention de la détérioration de la qualité des eaux (...) / VII. - Des modifications dans les caractéristiques physiques des eaux ou l'exercice de nouvelles activités humaines peuvent justifier, dans des conditions définies par le décret prévu au XIII, des dérogations motivées au respect des objectifs mentionnés aux 1° à 4° du IV et au VI. (...) / XIII. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. ". Aux termes de l'article R. 212-16 du même code : " (...) I bis. - Les dérogations prévues au VII de l'article L. 212-1 ne peuvent être accordées pour un projet entraînant des modifications dans les caractéristiques physiques des eaux ou l'exercice de nouvelles activités humaines que lorsque toutes les conditions suivantes sont remplies : / 1° Toutes les mesures pratiques sont prises pour atténuer l'incidence négative du projet sur l'état des masses d'eau concernées ; / 2° Les modifications ou altérations des masses d'eau répondent à un intérêt général majeur ou les bénéfices escomptés du projet en matière de santé humaine, de maintien de la sécurité pour les personnes ou de développement durable l'emportent sur les bénéfices pour l'environnement et la société qui sont liés à la réalisation des objectifs définis au IV de l'article L. 212-1 ; / 3° Les objectifs bénéfiques poursuivis par le projet ne peuvent, pour des raisons de faisabilité technique ou de coûts disproportionnés, être atteints par d'autres moyens constituant une option environnementale sensiblement meilleure. / Le préfet coordonnateur de bassin arrête la liste des projets répondant ou susceptibles de répondre à ces conditions, prévue au VII de l'article L. 212-1. / Les raisons des modifications ou des altérations des masses d'eau sous ces conditions sont expressément indiquées et motivées dans le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux lors de sa mise à jour. / II. - Les objectifs dérogatoires définis conformément au présent article font l'objet d'un réexamen lors de chaque mise à jour du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux. (...). ".
15. Il résulte de l'instruction qu'en raison de la nature du projet qui constitue une dérivation et non un prélèvement d'eau, et de la situation en gorges à forte pente du tronçon court-circuité, le fonctionnement de la centrale hydroélectrique n'aura que peu d'incidence sur les milieux aquatiques et aucune d'incidence sur le transport sédimentaire. La fédération de pêche de Haute-Savoie a confirmé en 2020 qu'au vu de la nature torrentielle du cours d'eau, la reproduction des espèces de truite fario et de chabot est difficile dans ce secteur, que le peuplement piscicole de la Sallanche et ses affluents est dysfonctionnel et que les enjeux piscicoles sur ce bassin sont relativement faibles. Il ressort en outre de l'arrêté litigieux qu'il comporte, ainsi qu'il a été rappelé, une mesure de restauration de franchissabilité piscicole sur quatre seuils situés entre la centrale hydroélectrique et la confluence avec l'Arve pour les deux espèces de truite et chabot. Ainsi qu'il a été rappelé au point 5, le projet n'affecte pas substantiellement l'hydrologie du réservoir biologique et il n'est pas démontré qu'il emporterait détérioration de l'état de la masse d'eau de la Sallanche. Par suite, le moyen tiré de ce que le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Rhône Alpes Méditerranée Corse 2016-2021 ne fait état d'aucun projet répondant aux conditions d'octroi de dérogation posées par l'article R. 212-16 du code de l'environnement et que le projet aurait dû donner lieu à la mise en œuvre de la procédure dérogatoire prévue à l'article L. 212-1 du code précité doit être écarté.
16. En quatrième lieu, l'association intimée soutient que le projet entre également dans les prescriptions des 1°) et 2°) de l'article R. 214-109 du code de l'environnement, citées au point 3, dès lors que l'ouvrage ne permet pas la libre circulation des espèces biologiques, notamment parce qu'il perturbe significativement leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri et qu'il empêche le bon déroulement du transport naturel des sédiments. Toutefois, s'agissant du 1°) de l'article R. 214-109 précité, l'association intimée se borne à soutenir qu'il ne peut être affirmé que les populations du tronçon amont ne sont pas fonctionnelles, alors qu'il a été précédemment rappelé que la fédération de pêche de Haute-Savoie a conclu que ces populations étaient dysfonctionnelles. En outre, elle n'apporte aucune précision et ne démontre pas que les frayères situées en aval du cours d'eau seront nécessairement affectées par le dispositif de dérivation alors qu'il a été rappelé que la reproduction piscicole dans ce secteur est difficile au regard de la nature torrentielle du cours d'eau. S'agissant du 2°) de l'article R. 214-109 précité, il résulte de l'instruction que le transport des sédiments sera assuré par deux dispositifs de chasse en amont de l'entonneur des eaux par la conduite forcée l'un disposé sur le dessableur (huit à douze opérations de dessablage dans l'année) et l'autre sur la chambre de mise en charge par ouverture des vannes. Ces dispositifs seront complétés si besoin par des curages de la prise d'eau en amont du seuil. Si l'association estime que ce faisant, le volume de sédiments bloqués représentera une couche d'épaisseur uniforme de 10 cm sur 400 m de linéaire de cours d'eau, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier ses allégations. En outre, les articles 11 à 13 de l'arrêté prévoient des mesures pour assurer le transit des sédiments et notamment qu'en cas de curage, les matériaux (sédiments enlevés et non-souillés) seront réinjectés dans le cours d'eau. La commission locale de l'eau a d'ailleurs relevé, sans son avis précédemment mentionné, que les enjeux de transport solide sont modérés sur la Sallanche et que le mode d'exploitation proposé par le pétitionnaire limite les risques de colmatage des habitats par les matériaux fins. Par suite, l'association intimée n'est pas fondée à soutenir que le projet n'aurait pas dû être autorisé en application des 1°) et 2°) de l'article R. 412-109 du code de l'environnement.
17. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment, la " délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".
18. Il résulte de ces dispositions que le pétitionnaire doit obtenir une dérogation aux interdictions d'atteinte aux espèces protégées si le risque que le projet comporte pour des espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction proposées par le pétitionnaire pour limiter les atteintes portées à ces espèces doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où ces mesures présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".
19. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude d'impact produite par le pétitionnaire que plusieurs espèces protégées sont présentes sur le site du projet comme le lézard des murailles ou potentiellement présentes comme le hérisson d'Europe, l'écureuil roux, la chouette hulotte et le hibou moyen-duc. L'étude relève que, s'agissant de l'ensemble des impacts du projet sur la végétation aquatique, la faune et la flore, ces impacts seront ou nuls ou faibles, excepté pour les oiseaux pour lesquels, en phase de travaux, l'impact est qualifié de modéré à fort en raison de la destruction de sites de nidification de plusieurs espèces dans les secteurs boisés nécessitant un défrichement. Toutefois, les mesures d'évitement et de réduction prévues par le projet portent notamment sur des travaux de défrichement à réaliser entre septembre et octobre pour éviter les périodes de reproduction et d'hibernation entre avril et août, de nature à réduire l'impact sur les espèces protégées en question. A ce titre, l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes se borne à soutenir que le défrichement de la superficie de 6 600 m² au niveau de la prise d'eau " va nécessairement perturber les espèces protégées, détruire leurs habitats voire détruire certains individus " sans apporter aucun élément de nature à démontrer ces assertions. Aucune précision n'est par ailleurs apportée par l'association intimée qui permettrait d'établir que, pour chacune des espèces concernées, les mesures d'évitement et de réduction proposées seraient insuffisantes pour limiter les atteintes qui leur seraient portées. En outre, le projet aura un impact limité sur les milieux terrestres dès lors que l'emprise de la conduite, enterrée sur la quasi-totalité du trajet, sera à nouveau végétalisée après travaux et reboisée. Dans ces conditions, l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes n'est pas fondée à soutenir que le dossier de demande aurait dû comporter une demande de dérogation ni que les mesures prévues ne seraient pas suffisantes pour limiter les atteintes portées aux espèces protégées en cause. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées doit être écarté.
20. En sixième lieu, il résulte de l'instruction que le SDAGE Rhône Méditerranée 2022-2027 a été approuvé par le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes le 21 mars 2022. Dès lors que l'autorisation en litige est soumise à un contentieux de pleine juridiction, sa légalité doit être appréciée par rapport à ce document et non au document antérieurement en vigueur. Il s'ensuit que, alors que le tribunal l'a indiqué aux parties dans son courrier du 3 novembre 2022, le moyen de l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes tiré de l'incompatibilité du projet avec les orientations 6A-03, 6A-12, 2-01 du SDAGE Rhône Méditerranée 2016-2021 doit être écarté comme étant inopérant. A supposer que l'association soulève également l'incompatibilité du projet avec les mêmes objectifs repris par le SDAGE Rhône Méditerranée 2022-2027 en complément de son autre moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec le plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau du schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE) de l'Arve, lesquels prescrivent d'apporter une vigilance particulière quant au respect des conditions hydrologiques nécessaires au bon fonctionnement des réservoirs biologiques, de préserver la continuité écologique des cours d'eau et de ne pas dégrader la continuité actuelle de ceux-ci, il a été rappelé dans les points 5 et 15 que le projet en cause ne constitue pas un obstacle à la continuité écologique et que la masse d'eau affectée ne sera pas dégradée par le projet. Si l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes se prévaut de la carte des potentialités hydroélectriques de l'atlas cartographique du plan d'aménagement et de gestion durable du SAGE de l'Arve, la circonstance que d'autres cours d'eau contribuent à la réalisation du projet est sans incidence sur la légalité de l'autorisation délivrée. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet méconnaîtrait les orientations du SDAGE Rhône Méditerranée 2022-2027 et du SAGE de l'Arve doit être écarté.
21. En septième lieu, le plan de prévention des risques naturels (PPRN) de la commune de Sallanches, approuvé le 24 décembre 2015, prévoit dans son règlement, au titre de la zone Xg glissement de terrain risque fort : " 1. Occupations et utilisations du sol interdites / 1.1. Toute nouvelle occupation et utilisation du sol, de quelque nature qu'elle soit, y compris les terrassements de tout volume et autres dépôts de matériaux (notamment les produits dangereux ou flottants), est interdite à l'exception de celles listées à l'alinéa 2 ci-après. (...) 2. Occupations et utilisations du sol admises / Les utilisations du sol suivantes sont, par dérogation, admises, à condition qu'elles n'aggravent pas les risques et n'en provoquent pas de nouveaux, et qu'elles ne présentent qu'une vulnérabilité restreinte : (...) 2.3. Les travaux et ouvrages nécessaires au fonctionnement des services publics, y compris la pose de lignes et de câbles (...)." et au titre de la zone Xt torrentiel risque fort : " 1. Occupations et utilisations du sol interdites. / 1.1. Toute nouvelle occupation et utilisation du sol, de quelque nature qu'elle soit, y compris les terrassements de tout volume et autres dépôts de matériaux (notamment les produits dangereux ou flottants), est interdite à l'exception de celles listées à l'alinéa 2 ci-après (...) 2. Occupations et utilisations du sol admises / Les utilisations du sol suivantes sont, par dérogation, admises, à condition qu'elles n'aggravent pas les risques et n'en provoquent pas de nouveaux, et qu'elles ne présentent qu'une vulnérabilité restreinte : (...) / 2.3. Les travaux et ouvrages nécessaires au fonctionnement des services publics, y compris les voies de circulation ou la pose de lignes et de câbles. (...). ". Le PPRN de la commune de Cordon, approuvé en juillet 2013, prévoit dans son règlement, au titre de la zone X torrentiel, glissement de terrain, affaissement : " 1. Occupations et utilisations du sol interdites / 1.1. Toute nouvelle occupation et utilisation du sol, de quelque nature qu'elle soit, y compris les terrassements de tout volume et autres dépôts de matériaux (notamment les produits dangereux ou flottants), est interdite. (...) / 2. Occupations et utilisations du sol admises / Les occupations et utilisations du sol suivantes sont, par dérogation, admises, à condition qu'elles n'aggravent pas les risques et n'en provoquent pas de nouveaux, et qu'elles présentent une vulnérabilité restreinte : (...) 2.3. Les travaux, installations et ouvrages nécessaires au fonctionnement des services publics. (...). ".
22. Si l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes soutient que le tracé de la conduite forcée en jaune traverse des zones fortement exposées aux risques de glissement de terrain et de crue torrentielle, indicées Xt et Xg par le PPRN de Sallanches et indicées X par le PPRN de Cordon, il résulte de l'instruction que la centrale hydroélectrique en litige contribue à la satisfaction d'un besoin collectif par la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables. En outre, il ressort des conclusions du commissaire-enquêteur datées du 28 août 2019 que le projet peut constituer un élément de secours du réseau électrique mobilisable par l'agence régionale de conduite Enedis au profit des habitants de la commune de Sallanches lors d'incidents sur le réseau de transport d'électricité du fait de son injection directe sur le réseau de distribution de la ville. Dans ces conditions, l'ouvrage en cause constitue une installation nécessaire au service public de l'électricité, admise par dérogation aux interdictions d'utilisation du sol des zones indicées précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorisation environnementale délivrée méconnaitrait les prescriptions des PPRN de Sallanches et de Cordon doit être écarté.
23. En huitième et dernier lieu, il résulte de l'instruction que le projet permet d'alimenter en électricité jusqu'à 2 800 foyers situés sur la commune de Sallanches, soit environ 15 % de sa population. Compte tenu de l'obligation pour la France d'honorer ses engagements en matière d'électricité verte et de la couverture électrique de Sallanches ainsi assurée par le projet, l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes n'est pas fondée à soutenir que l'utilité publique de ce projet ne serait pas démontrée.
24. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner ni la régularité du jugement attaqué ni les fins de non-recevoir opposées en défense en première instance, que la RGE et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté édicté le 26 décembre 2019 par le préfet de la Haute-Savoie. La demande présentée devant le tribunal par l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes doit par suite être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la RGE, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes une somme de 2 000 euros à verser à la Régie de Gaz et d'Electricité de Sallanches au titre des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 6 décembre 2022 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes devant le tribunal est rejetée.
Article 3 : L'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes versera une somme de 2 000 euros à la Régie de Gaz et d'Electricité de Sallanches au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Régie de Gaz et d'Electricité de Sallanches, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes.
Copie en sera adressé au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
M. Jean-Simon Laval, premier conseiller,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 mai 2025.
La rapporteure,
Vanessa Rémy-NérisLa présidente,
Emilie Felmy
La greffière,
Florence Bossoutrot
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière
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N°s 23LY00401, 23LY00426