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05/06/2025 | FRANCE | N°23LY03725

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 05 juin 2025, 23LY03725


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SAS 9A Climbing a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016, 2017 et 2018 résultant de la remise en cause du crédit d'impôt dont elle avait bénéficié.



Par un jugement n° 2105178 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour




Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 décembre 2023 et le 17 juillet 2024, la SAS 9A Climbing, rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS 9A Climbing a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016, 2017 et 2018 résultant de la remise en cause du crédit d'impôt dont elle avait bénéficié.

Par un jugement n° 2105178 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 décembre 2023 et le 17 juillet 2024, la SAS 9A Climbing, représentée par Me Vailhen, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle doit être considérée comme une société industrielle du secteur textile-habillement-cuir au sens de l'article 244 quater B du code général des impôts au regard des moyens techniques mis en œuvre ;

- elle est fondée à se prévaloir de l'interprétation de la loi fiscale référencée sous le numéro BOI-BIC-RICI-10-10-40 dans sa version applicable du 1er juin 2016 au 13 février 2019.

Par des mémoires, enregistrés le 11 juillet 2024 et le 26 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 juillet 2024 la clôture d'instruction a été reportée et fixée en dernier lieu le 28 août 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président assesseur,

- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS 9A Climbing, dont le siège est à Voiron (Isère), qui a pour activité la conception et la commercialisation de chaussons d'escalade, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur le contrôle des déclarations n° 2069-SD relatives au crédit d'impôt institué par le h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts au titre des dépenses de recherches exposées pour l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir qu'elle a souscrites au titre des années 2016, 2017 et 2018. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a remis en cause le crédit d'impôt dont elle a bénéficié sur le fondement de ces dispositions. Elle relève appel du jugement du 5 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie de ce fait au titre des exercices clos en 2016, 2017 et 2018.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts dans sa version alors en vigueur : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. Pour les dépenses mentionnées au k du II, le taux du crédit d'impôt est de 20 %. (...) II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : h) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir (...) i) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections confiée par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir à des stylistes ou bureaux de styles agréés selon des modalités définies par décret (...) ".

3. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, par l'octroi d'un avantage fiscal, soutenir l'industrie manufacturière en favorisant les systèmes économiques intégrés qui allient la conception et la fabrication de nouvelles collections. Il en résulte que le bénéfice du crédit d'impôt recherche est ouvert sur le fondement de ces dispositions aux entreprises qui exercent une activité industrielle dans le secteur du textile, de l'habillement et du cuir lorsque les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections sont exposées en vue d'une production dans le cadre de cette activité. Revêtent un caractère industriel, au sens de ces dispositions, les entreprises du secteur textile-habillement-cuir exerçant une activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers qui nécessite d'importants moyens techniques.

4. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de bénéficier du crédit d'impôt prévu au h) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts.

5. La SAS 9A Climbing, dont le code NAF 4649 Z attribué par l'INSEE concerne le commerce de gros d'autres biens domestiques, réalise la conception de modèles de chaussons d'escalade pour les nouvelles collections avec en adjonction la vente de produits liés à cette pratique sportive et se charge intégralement de la commercialisation. Il résulte de l'instruction que la société confie l'entière fabrication de ses articles à un sous-traitant marocain dans le cadre d'un contrat de travail à façon, qui bénéficie de la mise à disposition par la SAS 9A Climbing d'un parc de machines inscrit à son actif. Il ressort de la proposition de rectification du 12 novembre 2019 que la société appelante dispose, pour la réalisation de son objet social, d'un local à usage de bureaux pour la partie créative, commerciale et administrative de l'activité. Si elle fait valoir que le local au rez-de-chaussée comprend un compresseur et une table de découpe à commande numérique, cet équipement, qui, au demeurant, n'a été acquis qu'en 2019, soit postérieurement aux exercices en litige, sert uniquement pour la coupe de certains chaussons assemblés au Maroc, soit les prototypes, les préséries ou les tailles de pointures atypiques. En outre, ce local est donné à bail par la communauté d'agglomération du Pays Voironnais par un contrat qui stipule l'interdiction de faire tous actes de productions industrielles ou artisanales. Il résulte également de l'instruction et n'est pas contesté que la société appelante ne dispose pas de local de stockage et d'installations techniques, de matériels ou d'outillages au sein de ses locaux pour la production de ces créations. Si elle fait valoir que son chiffre d'affaires s'élève, en 2016, à 841 168 euros pour un montant de matériel industriel comptabilisé de 43 809 euros, et, en 2017, à 1 220 341 euros pour un montant du matériel industriel comptabilisé de 46 602 euros, les matériels industriels inscrits à l'actif de son bilan sur la période considérée sont installés au Maroc dans les locaux de la société de droit marocain sous-traitante. Ainsi, si la société requérante réalise la création des modèles et la conception des prototypes, met au point le process de fabrication dont elle assure le contrôle technique sur place, fournit la matière première à l'entreprise marocaine et assure la commercialisation des articles en assumant les risques de fabrication, elle n'assure pas elle-même l'activité de production ou de transformation de biens, laquelle est entièrement externalisée à l'entreprise marocaine. Pour l'application de la loi, la circonstance qu'elle soit propriétaire des équipements et outillages installés dans l'entreprise marocaine et propriétaire de la matière première qu'elle envoie au Maroc est sans incidence. Dans ces conditions, la société appelante ne peut être regardée comme exerçant une activité industrielle de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers lui permettant de prétendre au bénéfice du crédit d'impôt recherche à raison des dépenses exposées pour l'élaboration de nouvelles collections au sens du h) du II de l'article quater B du code général des impôts. Par suite, elle n'est pas fondée, sur le terrain de la loi fiscale, à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice du crédit d'impôt recherche prévu en faveur des entreprises du secteur du textile, de l'habillement et du cuir qui exposent des dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections.

En ce qui concerne l'application interprétation de la doctrine administrative :

6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".

7. La société appelante se prévaut des énonciations de l'instruction administrative publiée dans la base Bofip-Impôts le 1er juin 2016 sous la référence BOI-BIC-RICI-10-10-40, partie B du I, applicable aux années vérifiées, relative aux entreprises du secteur textile, habillement cuir aux termes desquelles : " En revanche, les entreprises industrielles qui sous-traitent leur fabrication à des tiers peuvent bénéficier du crédit d'impôt. Le bénéfice du dispositif ne peut donc être refusé aux entreprises ayant recours à la sous-traitance dès lors qu'elles sont propriétaires de la matière première et qu'elles assurent tous les risques de la fabrication et de la commercialisation. En revanche, les entreprises qui concèdent leur droit de fabrication sont exclues du dispositif. Ces précisions s'appliquent au règlement des litiges en cours. ".

8. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par le ministre intimé que la SAS 9A Climbing, d'une part, est propriétaire des matières premières nécessaires à la production par l'entreprise marocaine sous-traitante qu'elle met à sa disposition et, d'autre part, qu'elle assume tous les risques de la fabrication et de la commercialisation des nouvelles collections. Par suite, la société appelante remplit les critères pour se voir appliquer ce régime plus favorable que la loi fiscale et entre ainsi dans les prévisions de cette instruction. La SAS 9A Climbing est, dès lors, fondée à s'en prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, pour faire échec aux impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016, 2017 et 2018 résultant de la remise en cause du crédit d'impôt dont elle avait bénéficié.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS 9A Climbing dans l'instance en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La SAS 9A Climbing est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016, 2017 et 2018.

Article 2 : Le jugement n° 2105178 du tribunal administratif de Grenoble du 5 octobre 2023 est annulé.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la SAS 9A Climbing au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS 9A Climbing et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Haïli, président-assesseur,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2025.

Le rapporteur,

X. Haïli

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY03725


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03725
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ALERION SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;23ly03725 ?
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