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05/06/2025 | FRANCE | N°24LY03143

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 05 juin 2025, 24LY03143


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 août 2023 par laquelle le préfet de la Loire a refusé de lui accorder le regroupement familial au bénéfice de son épouse, Mme B... D....



Par un jugement n° 2308592 du 18 octobre 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2024, M. D... représenté par Me

Royon, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) d'annuler l'arrêté du 22 août 2023 ;



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 août 2023 par laquelle le préfet de la Loire a refusé de lui accorder le regroupement familial au bénéfice de son épouse, Mme B... D....

Par un jugement n° 2308592 du 18 octobre 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2024, M. D... représenté par Me Royon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 août 2023 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Loire de faire droit à sa demande de regroupement familial et de délivrer un titre de séjour à son épouse dans un délai de deux mois, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Loire de procéder à un nouvel examen de sa demande de regroupement familial dans un délai de deux mois, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le signataire de l'arrêté en litige ne disposait pas de la compétence pour ce faire ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et cette insuffisance de motivation révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation particulière ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet de la Loire a pris sa décision en méconnaissant son pouvoir d'appréciation et en s'estimant en situation de compétence liée du fait de sa situation irrégulière ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Loire qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 5 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 21 février 2025.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Haïli, président-assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D... est né le 23 septembre 1990 en Albanie. Il est entré en France au cours de l'année 2012 où il a déposé une demande d'asile le 15 novembre 2012 qui a été rejetée tant par l'Office de protection des réfugiés et des apatrides le 31 janvier 2014 que par la Cour nationale du droit d'asile le 30 janvier 2015. L'intéressé a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 17 avril 2015. Le tribunal administratif de Lyon a rejeté son recours à l'encontre de cette mesure par un jugement n° 1507736 du 3 mars 2016. Ultérieurement, M. D... a obtenu sa régularisation et dispose d'une carte de séjour pluriannuelle mention " vie privée et familiale " depuis le 25 septembre 2017, valable jusqu'au 7 mars 2025. Le 15 décembre 2017, l'intéressé a épousé Mme B... D... en Albanie, et cette dernière est entrée en France sous couvert de son passeport biométrique impliquant une exemption de visa de court séjour, au cours de l'année 2019. Le couple a donné naissance à leur premier enfant le 20 juillet 2020 et au cours de l'année 2020, M. D... a présenté une demande de regroupement familial au profit de son épouse auprès des services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Le 4 juin 2021, le préfet de la Loire a rejeté sa demande. Par jugement n° 2106383 du 28 juin 2023, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 4 juin 2021 au motif que la préfète de la Loire avait méconnu l'étendue de sa compétence, et a enjoint à l'autorité préfectorale de réexaminer la demande de regroupement familial du requérant. En exécution de ce jugement, par arrêté du 22 août 2023, le préfet de la Loire a refusé la demande de regroupement familial, présentée par M. D... au profit de son épouse. Par la présente requête, M. D... relève appel du jugement susvisé du 18 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. M. D... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance et sans critique utile du jugement, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué, l'insuffisante motivation de cet arrêté et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et familiale. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2, 3 et 4 du jugement attaqué.

3. Aux termes de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : /1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans / (....) ". Aux termes de l'article L. 434-6 de ce code : " Peut être exclu du regroupement familial : / (...) 3° Un membre de la famille résidant en France ".

4. Il n'est pas contesté que l'épouse de l'appelant réside irrégulièrement en France depuis 2020. Dès lors, en application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Loire pouvait légalement refuser au requérant le bénéfice du regroupement familial pour son épouse. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet ne s'est pas estimé en situation de compétence liée au regard de cette situation irrégulière dès lors qu'il a également vérifié si un rejet de la demande de regroupement familial ne contrevenait pas à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment à l'unité de la cellule familiale. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Loire aurait entaché sa décision d'une erreur de droit doit être écarté.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. Lorsqu'elle se prononce sur une demande de regroupement familial, l'autorité préfectorale est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une des conditions légalement requises, notamment en cas de présence anticipée sur le territoire français du membre de la famille bénéficiaire de la demande. Elle dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit du demandeur de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou lorsqu'il est porté atteinte à l'intérêt supérieur d'un enfant tel que protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est présent régulièrement en France depuis le 25 septembre 2017. Si le requérant se prévaut de sa relation avec son épouse avec laquelle il s'est marié en Albanie le 15 décembre 2017, soit trois mois après la date de son admission exceptionnelle au séjour, et de la naissance de leur fils le 20 juillet 2020 à Saint-Chamond (Loire), il ressort des pièces du dossier que ce mariage ainsi conclu est relativement récent et que l'effectivité de la vie commune demeure incertaine dès lors que son épouse est hébergée chez la mère de son époux. Par ailleurs, l'arrêté litigieux n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer durablement les époux, en l'absence de toute circonstance laissant augurer une durée excessive de la procédure d'instruction en cas de présentation d'une nouvelle demande. Dans ces conditions, compte tenu du caractère encore récent de la vie familiale en France, au jour de la décision attaquée, du jeune âge de l'enfant et de l'absence d'effet direct sur la situation familiale de la décision refusant le regroupement familial, la décision contestée ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive au droit de M. D..., lequel ne pouvait ignorer les conditions irrégulières d'installation en France de son épouse, antérieurement à l'introduction de sa demande de regroupement familial, au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise, parmi lesquels figure la nécessité de faire respecter la procédure d'introduction en France au titre du regroupement familial.

8. Par ailleurs, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer durablement l'enfant David D..., de l'un de ses deux parents dès lors qu'il n'existe aucun obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Albanie, pays dont le jeune enfant et ses parents ont la nationalité, ou en France lorsque Mme D... sera retournée en Albanie le temps de l'instruction de sa demande de regroupement familial. Pour ces motifs, l'arrêté en litige n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant de l'intéressé, tel que protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée et de sa famille.

9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions présentées en application des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Haïli, président-assesseur,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2025.

Le rapporteur,

X. Haïli

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY03143


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY03143
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ROYON

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;24ly03143 ?
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