Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 3 août 2001, sous le n° 01MA01735 présentée pour M. Hashem X, demeurant ...), par Me BEROUD, avocat ;
M. Hashem X demande à la Cour :
1°/ de réformer le jugement en date du 10 mai 2001, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, auxquelles il avait été assujetti au titre des années 1992 et 1993 ;
Classement CNIJ : 19 01 02 04
C
2°/ de le décharger des impositions litigieuses, au titre de l'année 1992 ;
3°/ de lui accorder une somme de 10.000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Il soutient :
- que c'est à tort que l'administration fiscale a considéré que la somme de 250.000 F, versée à titre d'indemnité en 1984 au précédent occupant d'un local de Nice appartenant à la SNCF, constituait un élément d'actif incorporel ; qu'en effet, l'administration se fondait sur une jurisprudence du Conseil d'Etat qui ne concerne pas les cas d'autorisation d'occupation du domaine public ferroviaire, lesquels ne constituent manifestement pas un élément d'actif ;
- que le Tribunal administratif de Nice a considéré à tort qu'il y avait un accroissement d'actif, compte tenu des possibilités d'indemnisation prévues à l'article 3 des conditions générales ; que cette interprétation est erronée, puisque l'examen des articles 2 et 3 permet de constater que l'article 3 ne vise que le retrait ou la résiliation de l'autorisation, sans jamais viser ni même invoquer l'indemnisation ou l'absence d'indemnisation ;
- que l'alinéa premier de l'article 2 ne prévoit aucune indemnisation en cas de résiliation par l'un ou l'autre des deux partenaires, à chaque échéance ;
- que le deuxième alinéa de l'article 2 prévoit une possibilité d'indemnisation, s'agissant d'une exception au premier alinéa ;
- qu'enfin l'article 3 qui vise la résiliation pour faute ne constitue pas un complément à l'article 2 ;
- que la différence entre le taux de l'intérêt de retard réclamé par l'administration et celui de l'intérêt légal ne peut qu'être considérée comme une pénalité qui aurait dû être motivée ; qu'il y a donc lieu de limiter le taux de l'intérêt de retard à celui de l'intérêt légal ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2002, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête de M. X ;
Il soutient :
- que le contribuable est gérant de la société Mass France qui exploite un laboratoire photographique ; que la société a acquis le 16 juillet 1984, pour un prix de 250.000 F, une autorisation d'occupation se rapportant à un local situé dans un immeuble de la SNCF ; qu'elle a
ensuite obtenu le 27 juillet 1984 l'autorisation d'occuper ce local dépendant du domaine public ferroviaire, pour exploiter un laboratoire photographique ; qu'en contrepartie, elle verse à la SNCF, propriétaire des murs, de ce local une redevance annuelle révisable dont le montant initial a été fixé à 25.140 F hors taxes à compter du 1er juillet 1984 ;
- que la valeur relative nette ressortant du bilan de clôture doit être regardée comme définitive, et la valeur d'actif net d'ouverture de l'exercice suivant n'est autre que la valeur de l'actif net de la clôture de l'exercice précédent ; que si des erreurs ont entaché un bilan, entraînant une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise, elles ne peuvent être corrigées que dans les bilans de clôture des exercices non couverts par la prescription, et dans les bilans d'ouverture de ces exercices à l'exception du premier ;
- que, sans contester ces principes, et alors que la société n'avait pas intégré la somme de 250.000 F dans le bilan de l'année 1984, la société soutient que l'acquisition avait porté sur une autorisation d'occupation d'un immeuble dépendant du domaine public ferroviaire, et qu'elle ne pouvait donc constituer, pour elle, un élément d'actif, compte tenu de la précarité de l'autorisation ;
- que la situation de la société n'est pas comparable aux situations évoquées par elle en jurisprudence, qui sont relatives à des ouvrages de roulement des trains, et d'accès au réseau général, pour lesquels les conditions d'occupation sont bien plus précaires que celles réservées aux clients industriels ou commerçants de la SNCF ;
- que si le contrat passé avec la société stipule expressément la précarité, et les possibilités de résiliation sans indemnité inhérentes au régime de la domanialité publique, le retrait n'est prévu que dans les cas de nécessité pour la réalisation de travaux ce qui est très rare dans l'urgence ; que, dans les autres cas, la résiliation de l'autorisation ouvre droit à indemnité ;
- que la faculté de transmettre à un tiers le bénéfice d'une autorisation administrative constitue une valeur patrimoniale ; que la simple analyse de l'opération résultant de l'acte signé le 16 juillet 1984 permet d'établir que la somme de 150.000 F en litige correspond à l'acquisition d'un élément actif ;
- que l'acte du 16 juillet 1984 ne peut être regardé comme indépendant de la convention du 27 juillet 1984, puisqu'il est passé entre les mêmes parties ; que cet acte prévoit l'absence de précarité entre le contrat conclu entre les consorts Y et la SARL Mass France ; qu'enfin, en cas de remise en cause par la SNCF de l'autorisation, aucun des deux cocontractants ne pourra invoquer la nullité du contrat ;
- que les intérêts de retard qui ont été demandés ne peuvent être qualifiés de sanctions au regard du droit interne ; qu'ils ne comportent aucune appréciation de la part de l'administration du comportement du contribuable et ne présentent donc pas le caractère d'une sanction ;
- que le contribuable ne saurait arguer du taux des intérêts de retard pour soutenir qu'il s'agirait d'une sanction ;
- que la référence à des taux d'intérêts moratoires ne serait pas davantage pertinente, les objectifs étant différents ;
- qu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances que les intérêts de retard n'ont pas à être motivés ;
- que la demande de frais irrépétibles devra être rejetée ;
Vu, enregistré le 14 avril 2003, le nouveau mémoire présenté pour M. Hashem X ; M. X conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens, et par les moyens :
- que contrairement à ce que soutient l'administration fiscale, les parties n'ont pas entendu soumettre le contrat à acte d'enregistrement ;
- qu'il est également erroné de prétendre qu'il n'y a aucune précarité dans le contrat conclu entre les consorts Y et la SARL Mass France ;
- qu'il appartiendra à l'administration de produire le document sur lequel elle se fonde, pour prétendre qu'aucun des deux cocontractants ne pourrait invoquer la nullité du contrat ;
M. Hashem X demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1.524 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu, enregistré le 26 février 2004, le nouveau mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens, et par les moyens :
- que l'acte du 16 juillet 1984 ne présentait par lui même aucun signe de précarité ;
- que la position de l'administration sur les intérêts de retard a été confirmée par le Conseil d'Etat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mars 2004 :
- le rapport de Mme PAIX, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;
Considérant que M. Hashem X interjette régulièrement appel du jugement en date du 10 mai 2001, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, auxquelles il avait été assujetti au titre des années 1992 et 1993 ; que la contestation de M. X est limitée d'une part à la réintégration dans les bénéfices de l'années 1992, de la SARL Mass France , dont il était gérant et associé à 50 %, d'une somme de 250.000 F au titre d'élément incorporel de l'actif, constituée par une autorisation d'occupation du domaine public ferroviaire, et d'autre part aux intérêts de retard afférents à l'année 1992 ;
Sur le bien fondé de la réintégration de la somme de 250.000 F :
Considérant que M. X conteste la réintégration dans le premier exercice non prescrit de l'entreprise Mass France , de la somme de 250.000 F en soutenant que cette somme ne constituerait pas un élément de l'actif incorporel immobilisé ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société anonyme Mass France dont le contribuable était gérant et associé, et qui avait opté pour le régime des sociétés de personnes, a acquis, le 16 juillet 1984, des consorts Y, une autorisation d'occupation temporaire pour un local, situé dans un immeuble appartenant à la SNCF, situé 53 avenue Jean Médecin à Nice pour un prix de 250.000 F ; que les consorts Y détenaient pour leur part cette autorisation depuis le 1er août 1970, en vertu d'un acte sous seing privé leur concédant une autorisation d'occupation de cet immeuble ; que, parallèlement, la SNCF a autorisé, par autorisation d'occupation en date du 23 juillet 1984, la société Mass France à occuper le local, moyennant une redevance annuelle révisable dont le montant initial a été fixé à 25.840 F hors taxes à compter du 1er juillet 1984 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des conditions générales d'occupation annexées à l'autorisation d'occupation en date du 23 juillet 1984, que l'autorisation dont s'agit est accordée personnellement à l'occupant, et ne peut faire l'objet d'aucune cession ou d'aucun transfert ; qu' elle est consentie à titre précaire et révocable pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction ; qu'enfin la SNCF se réserve le droit de retirer l'autorisation accordée à toute époque, et sans indemnité, dans le cas où le retrait s'imposerait pour faciliter l'exécution de travaux, ou, plus généralement, pour toute affectation d'intérêt général ou conforme aux besoins du chemin de fer ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la société Mass France a été bénéficiaire, par l'effet des conventions passées, d'une autorisation d'occupation de courte durée, précaire et dont la résiliation sans indemnisation est prévue pour une généralité de cas enveloppant un très grand nombre de circonstances ; qu'il en résulte que M. X est fondé à soutenir que la disposition du local litigieux ne pouvait constituer un élément de l'actif immobilisé de l'entreprise Mass France , et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande relative au redressement issu de la réintégration dans l'actif immobilisé de l'entreprise de la somme de 250.000 F au titre de l'exercice 1992 ;
Sur les intérêts de retard :
S'agissant des intérêts de retard afférents au redressement de 250.000 F sur actif incorporel immobilisé :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les intérêts de retard, résultant de la réintégration de la somme de 250.000 F, dans l'actif incorporel immobilisé de l'entreprise Mass France , au titre de l'année 1992, ne peuvent qu'être déchargés, comme le redressement dont ils constituent l'accessoire ;
S'agissant des autres intérêts de retard afférents aux autres redressements de l'année 1992 :
Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur issue de la loi 87-502 du 8 juillet 1987 : Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F. Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0, 75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. ; que l'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; qu'il n'a donc pas contrairement à ce que soutient M. X à être motivé ;
Considérant en second lieu qu'aux termes de l'article L.207 du livre des procédures fiscales : Lorsqu'une réclamation contentieuse est admise en totalité ou en partie, le contribuable ne peut prétendre à des dommages-intérêts ou à des indemnités quelconques, à l'exception des intérêts moratoires prévus par l'article L.208 ; qu'aux termes de l'article L.208 du même code : Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. (...) ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, lequel doit, en vertu de l'article 5 du même protocole, être regardé comme un article additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ; qu'enfin aux termes de l'article 14 de la même convention : La jouissance des droits et libertés reconnus par la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions publiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ; que si les stipulations combinées des articles précités de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel peuvent être utilement invoquées pour soutenir que la loi fiscale serait à l'origine de discriminations injustifiées entre contribuables, elles sont en revanche sans portée dans les rapports institués entre la puissance publique et un contribuable à l'occasion de l'établissement et du recouvrement de l'impôt ; que par suite le moyen tiré de l'existence d'une différence de taux entre, d'une part, l'intérêt de retard institué par l'article 1727 du CGI et, d'autre part, les intérêts moratoires mentionnés aux articles L.207 et L.208 du LPF n'est pas susceptible d'être accueilli ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ; qu'il y a lieu de condamner le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à verser à M. Hashem X la somme de 1.000 euros en application de ces dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : M. Hashem X est déchargé de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à son nom au titre de l'année 1992, à raison de la réintégration de la somme de 250.000 F dans l'actif incorporel immobilisé de la société Mass France .
Article 2 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : l'Etat est condamné à payer à M. X la somme de 1.000 euros (mille euros).
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hashem X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré à l'issue de l'audience du 16 mars 2004, où siégeaient :
M. BERNAULT, président de chambre,
M. DUCHON-DORIS, président assesseur,
Mme PAIX, premier conseiller,
assistés de M. AGRY, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 13 avril 2004.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
François BERNAULT Evelyne PAIX
Le greffier,
Signé
Pierre AGRY
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 01MA01735